Chapitre 1

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Rancoeur

Nom féminin

Définition : Ressentiment tenace, amertume que l'on garde après une désillusion.

Synonyme : Valéryan.





Valéryan





    Tout au long de ma misérable éducation sans failles, j'ai appris à fustiger les traitres. C'était peut-être la seule valeur que j'avais en commun avec mes parents.

    Aujourd'hui, je ne partage plus rien avec eux. Mon père est mort. Camille l'a tué.

    Camille est une traitre.

    Ma mère a été envoyée à Pariendi le lendemain, perdant soudainement son titre de reine en même temps que celui de dépendante. Sans le Roi, elle n'était plus rien —juste de la vermine. J'ai tenté de la convaincre de rester, lui promettant de la protéger en trouvant une excuse valable pour annuler son exil, mais elle a refusé. Elle voulait se rendre à Pariendi, là où selon elle, la vie serait plus douce.

    Encore une fois, je n'ai rien pu faire.

    Seul le visage de Camille prenant la main du Roi restait dans mon esprit, je ne voyais rien d'autre, mon cerveau refusait l'information.

    Camille est une traitre, de celle dont on ne se méfie pas —les pires.

    Bien loin de la fustiger, torturer ou que sais-je, je me retrouve malgré moi à ses côtés, lancé au galop dans les plaines d'Avia en direction d'un territoire qui n'est que mensonges, vices et secrets bien gardés.

    Pariendi.

    Il nous faudra deux jours pour atteindre la mer de Nubère, un de plus pour prendre place dans l'embarcation et rejoindre la rive où nous attendent avec impatience les représentants de ce Royaume maudit.

— Nous camperons quand nous serons plus en hauteur, m'informe Nicolas, emmitouflé dans son écharpe et son manteau en peau de bête. Les monts de Muliebris nous offriront la sécurité, à défaut de la chaleur.

— Avons-nous réellement besoin de faire une pause ?

    L'idée de m'arrêter pour dormir me semble farfelue. Je n'ai aucune envie de perdre du temps en compagnie de celle qui m'a trahie, même si elle garde le silence et se contente de souffler de temps en temps en restant en arrière.

    La vérité c'est que je ne supporte pas sa présence et le seul fait de la savoir pas loin m'hérisse les poils.

— Arlette a besoin de se reposer, toi aussi.

    J'acquiesce, conscient qu'il serait bien égoïste de pousser à bout les ressources physiques de mes amis, surtout au vu de l'âge avancé d'Arlette.

    Elle est d'ailleurs bien silencieuse, se gardant tout un tas de réflexions pour la nuit, sans doute.

    Je ralenti et jette un coup d'œil à l'arrière où Arlette chevauche à côté de Camille, leurs silhouettes se détachant sur un magnifique coucher de soleil. Je ne vois qu'elle, encore elle, toujours elle.

    Ses cheveux qui volent derrière elle, ses yeux entrouverts qui luttent contre le froid et je devine sans peine les rougeurs sur ses joues. Mon imagination m'offre sa vision à chaque fois que mon cerveau s'égare et je ne peux me battre contre mes propres démons si ceux-ci s'évertuent à me suivre où que j'aille. Elle est de ceux-là, bien plus qu'elle n'est déesse. Et elle a trahi ma confiance avec tant d'aisance que je doute à chaque seconde qu'elle m'attrape la main pour me faire brûler à mon tour. Si elle a voulu la mort du Roi pour se venger, pourquoi ne ferait-elle pas de même avec son héritier ?

ORIGINELS [ Les enfants de la lune vermeille ]Donde viven las historias. Descúbrelo ahora