— Valéryan, la nuit sera bien assez noire sans que tes pensées s'y mettent.

    Une nouvelle fois engouffré dans mon esprit, Nicolas essaie tant bien que mal de me rassurer, en vain. Lui aussi chevauche à mes côtés vers l'inconnu, flanqué d'une traître en direction d'un Royaume qui ne m'inspire pas plus confiance que toutes les fausses promesses de Camille.

— Un Roi ne peut craindre le noir, n'est-ce pas ? je demande en repassant au trot, m'assurant que les autres ralentissent suffisamment pour éviter la bousculade.

— L'obscurité n'est l'adage que de la vermine, les grands Rois gouvernent au soleil.

    Je comprends enfin pourquoi Camille est tant à l'aise la nuit, avec pour seule compagnie celle de la lune. Nous sommes si différents que je me demande à quel moment j'ai pu croire que l'amour était ce qui nous liait. Elle est la nuit là où je suis le jour, et, à la différence de la légende de la Nuit, nous ne nous retrouverons pas à l'aube pour se faire la discussion.

    Camille n'est pas une déesse.

    Elle est de la vermine, de la poudre de lune que mon cheval foule de ses sabots avant de lui apposer son crottin royal.

— Je ne suis pas un grand roi, Nicolas.

— Tu es le roi, ça te suffit à être grand.

    Deux semaines plus tôt, mon couronnement a eu lieu, quelques jours à peine après la mort de mon père. Les citoyens pensent que le roi a été emporté par une mort foudroyante, prêt à me passer le flambeau et ne devront jamais savoir la vérité. La paix est bien trop tangible pour tenter le sort en leur révélant la trahison de celle qui est devenue leur reine.

    Car bien malheureusement, elle l'est devenue. Je ne pouvais pas la renier, ni-même l'abandonner. Pas que cela m'était interdit, mais j'en étais incapable. Elle aurait fini au Réseau, certainement. Ils auraient fini par comprendre qu'elle était vierge et l'auraient vendu à prix d'or en tant que dépendante déchue et objet de désir du roi légitime.

    Est-ce l'empathie qui m'a empêché de l'envoyer au Réseau ? Il ne s'agit pas de cela.

    C'est l'amour.

    Ce traître tout autant que l'est Camille.

    Je n'ai pas pu la laisser, pour cette première raison.

    Alors j'ai été couronné, le cœur à la peine. J'ai entendu la foule m'acclamer, moi et ma dépendante. Je l'ai vu, elle, à quelques mètres de moi, regarder tout ce raffut sans la moindre émotion sur son visage détestable. C'était comme si elle ne ressentait rien, et par tous les Dieux, je rêvais de voir dans ses yeux la déception de devenir l'esclave des Royaumes en portant cette affreuse couronne.

    Camille a baissé la tête en silence, accueillant le poids des joyaux sur sa tête majestueuse.

    Personne n'a fait attention au fait qu'elle portait des gants, ni-même qu'ils étaient maintenus à son cou par un discret fil de fer qui trancherait sa gorge si elle osait le moindre geste brusque. Ils n'ont rien vu. Ils se sont contentés d'applaudir.

    Les rebelles étaient également présents, ils attendaient quelque chose que je ne leur ai pas donné. C'est la raison pour laquelle nous n'avons pas attendu avant de partir.

    La paix est menacée, elle ne durera pas longtemps. Et je ne sais comment y remédier.

    Dois-je libérer les femmes ? Les laisser dans leur situation ? Trouver une autre solution ?

    Je n'ai pas la solution à tous les problèmes des Royaumes, et ne suis pas préparé à faire face à toutes les demandes que les rebelles vont faire suite à mon sacre. Je ne suis pas assez bête pour croire qu'ils se satisferont d'une requête. Leur âme révolutionnaire ira toujours plus loin et les protecteurs qui ne font pas partie des rebelles se rebelleront à leur tour quand leur dépendante deviendra plus libre qu'elle ne l'a jamais été.

ORIGINELS [ Les enfants de la lune vermeille ]Where stories live. Discover now