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Mathieu entra dans le commissariat, la tête baissée, toujours aussi mal à l'aise en cet endroit malgré ses nombreuses visites. Celles-ci n'étaient pourtant plus menottées mais il gardait cette impression d'insécurité.
Il passa devant l'accueil sans politesse, fonçant directement vers le bureau du seul policier dont il accordait sa confiance. Il ferma la porte derrière lui sans prendre la peine de toquer. Pour Lina, il s'était retrouvé régulièrement ici à aider la police dans l'espoir de la protéger. Ils avaient failli, comme lui.

« Mathieu ? C'est pas vraiment le moment là. » Ils se connaissaient depuis longtemps et même s'ils ne s'appréciaient pas particulièrement, cet homme avait toujours été juste envers le blond. Il l'avait écouté quand d'autres l'avaient jugé puis quelques années plus tard, il avait fait la même chose avec Lina. Et pour ça, il lui était reconnaissant. Il haussa les épaules, peu impacté par son renvoi, et prit place sur une chaise face à son bureau. Il rêvait d'y mettre ses pieds, seulement pour lui montrer sa nonchalance. Néanmoins, il préféra seulement attraper le dossier bleu posé dessus, du moins, jusqu'à ce que le policier pose fermement sa main dessus pour le retenir. « Je viens de te dire que c'est pas le moment, j'ai assez à faire sans que tu viennes dans mes pattes. Ta petite amie a tendance à me faire un peu trop bosser. Et, maintenant, même des gens hauts placés sont impliqués. Donc, laisse-moi tranquille, tu veux ?»

« J'veux juste savoir où vous en êtes. C'était l'accord qu'on avait. » L'homme tiqua, regardant les alentours comme si un micro ou une caméra pouvait se cacher dans la pièce. C'était une entente non officielle et il était loin d'être nécessaire que les autres soient au courant qu'il travaillait avec un ancien dealer pour régler une telle histoire. « On se donne les informations. »

« Ça, c'était avec Marcus pas avec ses sous-fifres ou pire, avec la famille Deschamps. »

Mathieu se redressa, tapant violemment son index contre le bois tout en jurant. « Quand je vous ai demandé d'enquêter sur lui, vous avez rien fait ! »

« Il n'y avait aucune raison de le faire et tu le sais. »

Néanmoins, malgré ses propres dires, le policier se renfrogna sur son fauteuil. Toute cette histoire n'était qu'une vaste blague tant leurs investigations étaient sans issues. Il ne l'avait pas écouté car il lui semblait impossible que Ben, un garçon de bonne famille, puisse être impliqué dans une quelconque malfaisance. Coupable, il laissa Mathieu prendre le dossier pour le relire. Pourtant, il le connaissait par cœur, chaque recoin de chaque feuille, chaque mot, chaque cliché. Tout.

« Combien de fois tu vas regarder ce dossier ? » Il toucha du bout des doigts les photos de Lina. « Comment veux-tu qu'elle tourne la page si toi-même tu ne la vois qu'à travers ces images ? »

Il lui lança seulement un regard noir comme réponse. « Vous pensez qu'ils sont capables d'engager quelqu'un ? Ben avait l'air sérieux quand il l'a menacée. »

« On surveille leurs allers retours, leurs téléphones, leurs comptes. On les suit à la trace, on ne loupera rien. Et de l'autre coté, on surveille Mademoiselle Diaz. » Il hocha la tête, la mâchoire serrée d'angoisse. Peu importe ce qu'il pouvait dire, il n'y croyait plus, ils avaient trop échoué. « Je m'inquiète pour toi. Est-ce qu'elle sait tout ça ? Que tu viens ici ? Que tu la surveillais pendant des semaines ? C'est devenue une obsession maladive. » L'homme arracha le dossier de ses mains. « Tu m'écoutes au moins ? Je ne veux plus que tu regardes ce dossier. Je ne veux plus que tu viennes ici. Tu entends ? Si je te trouve près de la famille Deschamps, je te fais arrêter pour entrave à une enquête. » Mathieu quitta la chaise, la rage le rongeant. « Elle est peut être une victime mais elle n'est pas que ça. Elle est aussi une jeune femme, intelligente et empathique, qui a besoin qu'on croit un peu plus en elle. Offre lui la vie dont vous méritez tous les deux avant qu'il soit trop tard et que tu sois complètement aveuglé par la colère. »

« Ben l'a enlevée. Ils auraient pu lui faire du mal. » Le policier acquiesça. « Tout ça, c'est un cauchemar sans fin. »

« Et Franck a utilisé ses rêves d'infirmière pour la faire travailler pour lui contre un peu d'argent. Et elle s'est retrouvée au milieu d'un conflit entre bandes et a été la monnaie d'échange. Marcus est devenu tellement fou qu'il lui a fait du chantage pour l'avoir. » Mathieu recula d'un pas, se prenant chaque fait comme une claque. Il savait tout ça. Néanmoins, il lui semblait les prendre une nouvelle fois comme des balles en pleine poitrine. « Et elle a failli mourir par sa faute mais c'est lui qui est mort. Et ses subalternes ont décidé d'utiliser Ben pour se venger. On sait tous ça. » Le policier avait croisé ses bras pour se protéger de ses propres émotions. Toutes ces horreurs auraient pu être empêché il y a des années de cela. Il se souvenait très bien de la jeune Lina, étudiante infirmière en première année, rentrant en contact avec Franck. « Mais à côté, elle s'est battue. Elle a quitté le quartier, a témoigné son vécu, a guéri ses plaies, a refait confiance, a décroché un diplôme. Elle t'a choisi encore et encore. Alors, s'il te plaît, concentre-toi sur cette partie-là. »

« J'peux pas. » Mathieu secoua la tête. Il était beaucoup trop simple d'émettre ce genre de déclaration mais pour lui, il lui était impossible de se concentrer sur le positif alors que le négatif semblait les talonner. Cette fois, il voulait avoir un coup d'avance.

« Il y aura toujours ce sentiment d'insécurité et de peur mais il y a d'autre moyens de les gérer. Bien plus sain que de ressasser, de pister ou je ne sais quel plan foireux tu as encore. » L'homme en uniforme attrapa la poignée de la porte, signe qu'il souhaitait que Mathieu parte mais surtout qu'il ne revienne plus. « Rentre chez toi, embrasse ta petite amie et cherchez un moyen de vivre avec ce que vous avez vécu. Je m'occupe des Deschamps. Et si tu ne fais pas ce que je te dis, tu sais ce qui t'arriveras. »

« Vous avez rien contre moi. »

« Alors, j'arrêterai Lina. Ça te va ? J'peux facilement monter un dossier contre elle et tu le sais. »

« Vous êtes injuste. »

« Tu comprendras pourquoi un jour ou l'autre. »

Phœnix Souls [PLK]Wo Geschichten leben. Entdecke jetzt