Chapitre 1 : La prison dorée

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C'est toujours les même corvées qu'il me confit. Les plus ingrates et salissantes. Je n'ai jamais le droit de me plaindre et je dois exécuter sans la moindre parole. Le silence est la seule arme qu'il me reste.

Nous sommes en pleine après-midi et ce soir un grand banquet a lieu au sein du château. Le roi tient à ce que tout soit prêt et parfait avant que les invités arrivent. Tous les serviteurs sont sur le qui-vive et s'affairent à tout préparer. De mon côté, je ne sers pas à grand chose. Je passe mes journées à faire le ménage dans l'immense demeure alors que des bonnes sont prévues à cet effet. Je sais très bien que c'est une excuse pour me trouver une utilité. Je ne rechigne pas à la tâche et je fais toujours mon possible pour que mes corvées soient faites dans la journée. Je fais la vaisselle, la lessive, les poussières ainsi que les lits. En sachant à l'avance que les invités seront logés ici, je sais que ma pile de travail sera énorme. Je n'aie ni la force, ni le droit de dire quelque chose, alors c'est les mains pleines de terre que j'exécute l'ordre de mon roi.

Il ne veut pas que je sois dans les pattes des autres serviteurs alors il m'a envoyé à l'arrière du château pour rempoter les tulipes fraîchement arrivées de ce matin. Je n'ai aucune connaissance en jardinage, je ne sais que planter et arroser les fleurs. Je n'aime pas avoir les mains sales car dès que quelqu'un dans les couloirs me voit alors que je suis salis, les insultes fusent. Je fais mon possible pour être propre sur moi, même si je n'aie pas accès aux bains comme tout le monde.

Je commence donc, à l'aide d'une petite pelle, à faire des trous espacés de cinq centimètres chacun. À mes côtés, les plants de tulipes sont placés dans des seaux. Ce sont de très jolies couleurs, je dois bien l'admettre. Je prends mon temps pour faire en sorte d'assortir les couleurs parfaitement. Je veux un travail propre et bien fait, cela m'évitera des remarques plus tard. Je ne met pas longtemps pour terminer. Une heure plus tard, sous un soleil de plomb, j'ai fini sans encombre. Je sais parfaitement que personne ne passe ici, et donc que personne ne verra ce que j'ai fait. C'est donc une fierté que je savoure seul.

Je frotte mon front pour essuyer la sueur qui coule sur mes yeux. Simplement vêtu d'un pantalon gris, tirant sur le marron et d'un vieux veston noir, j'ai attrapé des coups de soleil. Vu les brûlures sur mes bras, cela va me piquer pendant plusieurs jours. J'ai une légère douleur dans le bas des reins, signifiant à mon corps que j'ai passé trop de temps à courbette. Je fais craquer mon dos, me remettant bien droit.

Je prend soin de prendre les seaux ainsi que ma petite pelle, puis me hâte vers la cabane située au fond des jardins, là où nous rangeons les outils adéquats pour le jardinage et l'entretien des parterres de fleurs. Je fais attention à bien refermer la porte après avoir tout remit en ordre, et me dirige vers les cuisines. C'est l'un des seuls endroit, en dehors du local me servant de chambre où je peux être seul mais surtout, tranquille. Arrivé à bon port, les cuisinières sont pris par la préparation du repas de ce soir et par conséquent, elles ne me prêtent aucune attention. Cela ne me dérangent aucunement, j'ai l'habitude de toute manière.

Je me met près d'un évier, où de l'eau sale stagne à l'intérieur, et je plonge mes mains dans le liquide tiède. L'eau est noir et sent mauvais mais je n'ai que cela sous la main. C'est mieux que rien. Mes mains débarrassées de la saleté, je me précipite en dehors de la pièce. Je n'ai plus aucune tâches à accomplir. J'ai fait les lits tôt ce matin, les poussières sont faites, les vitres étincellent et on peut manger à même le sol tellement je l'ai lustré. Je deviens maître dans la matière.

Le pas lent, presque incertain, je gravis les marches en marbre, cherchant les appartements du roi. N'ayant plus rien à faire, il va sans aucun doute remettre en cause les tâches accomplies, prétextant que j'ai deux mains gauches et comme d'habitude, il m'enverra tout recommencer. C'est malheureusement mon quotidien. Je ne répond jamais quand on m'insulte ou quand on remet en cause ce que j'ai fait. Le silence est tout ce qu'il me reste. Je ne sais plus à quand remonte la dernière fois où j'ai parlé normalement avec une personne censé.

Coeur Ardent - La légende d'AteasWhere stories live. Discover now