Chapitre 39 - Elisaria

27 3 0
                                    

Ma bouche est pâteuse et j'ai soif.

J'ouvre des paupières lourdes sur un espace très sombre. Je me demande même si j'ai bien réussi à ouvrir les yeux ou si je l'ai seulement pensé avant qu'une petite étincelle n'apparaisse dans le coin de mon champ de vision.

Une bougie s'allume, puis une autre, et je distingue alors les traits de mes amis. En voyant Jeremy et Sasha au bord de mon lit, des larmes me montent aux yeux. Je n'ai pas réalisé à quel point ils m'ont manqué avant de les revoir.

Jeremy s'assied à côté de moi et m'aide à me redresser sur mes coussins avant de me prendre dans ses bras.

— Salue-toi, me dit-il à l'oreille. Plus jamais je ne veux te voir aussi proche de l'Autre Côté. Tu m'as bien entendu ?

Je hoche la tête en reniflant.

Sasha me serre gentiment la cheville en me faisant un sourire.

— Et tiens-toi loin des frênes bon sang !

Je le regarde sans comprendre ce qu'il me dit. Ce qui le surprend et l'énerve à la fois. Il se tourne vers Sasha le visage tendu.

— Non, mais je rêve. Ils ne lui ont rien dit. Je vais le tuer. Sincèrement.

Sasha a le visage fermé et ne répond pas, se contentant de plisser les yeux. J'attrape le bras de mon ami et lui demande de quoi il parle.

— Les frênes sont mortels, Elisaria. Et ils bloquent toute magie, que ce soit ta propre capacité régénératrice ou mes pouvoirs et potions.

J'ai toujours du mal à comprendre où ils veulent en venir, ce qui semble l'exaspérer.

— Toutes les espèces non humaines possèdent de la magie à plus ou moins grande échelle.

Il s'arrête un instant, pour me laisser le temps de faire le lien, mais rajoute.

— L'arbre qui t'a explosé dessus était un frêne. Si je ne t'avais pas soignée et retiré les dernières échardes, tu aurais pu mourir, Elisaria. Tu as passé près de vingt-quatre heures avec un bois mortel dans le corps. Quelques heures de plus et tu aurais rejoint les dieux.

Je laisse échapper un long soupir, le regard perdu dans le vide. Ce n'est définitivement pas comme ça que j'avais imaginé ma mort.

— Et j'imagine qu'ils ne t'ont pas non plus informée des attaques qui peuvent être mortelles ? Il continue après une courte pause. C'est bien ce que je pensais. Les knens, et la plupart des espèces non humaines peuvent mourir d'une blessure au foie ou au crâne.

Il souffle bruyamment. Et je songe qu'il n'est peut-être pas nécessaire de lui dire qu'ils étaient prêts à me tuer quelques semaines plus tôt. Je décide donc de changer de sujet.

— Combien de temps ai-je dormi ?

Sasha se rapproche de moi et s'assied de l'autre côté de mon matelas.

— Environ huit heures. Il est deux heures du matin. Mais tu es restée inconsciente plus longtemps que ça.

Je repère un verre d'eau sur une petite table près de moi et tends le bras pour l'attraper, mais le mouvement m'arrache un gémissement.

— Ne bouge pas, me dit précipitamment Jeremy en me donnant le verre. J'ai dû te recréer ton épaule, tu vas avoir mal quelques jours. Et je ne veux pas que tu te battes, c'est bien compris ? C'est ton bras fort, tu devras le laisser se réparer avant de forcer comme une brute dessus, me dit-il avec un regard lourd de sens.

— Bien m'sieur, lui dis-je avec un sourire en coin. Merci. Vraiment.

Sasha m'apporte un sandwich et nous restons à parler quelques heures avant qu'ils ne sortent de ma chambre, me laissant seule pour le reste de la nuit.

Ivos 1 - Feuille d'if parmi les sapinsWhere stories live. Discover now