Chapitre 12 - Elisaria

29 3 0
                                    

Je n'avais jamais vu le lac des ombres.

J'en avais entendu parler, évidemment, cette immense étendue d'eau sombre comme la nuit alimente plus d'une légende, et plusieurs livres de la bibliothèque de Fjellhus en parlaient. Mais se retrouver devant ce spectacle qui n'était qu'imagination jusque-là, me coupe le souffle.

Je n'aurais jamais imaginé que ce lac soit aussi grand. Il serait plus correct de le considérer comme une mer intérieure. Les arbres le bordant paraissent minuscules comparées à l'étendue d'eau qui disparaît à l'horizon. Ce lac se trouve à la frontière avec le territoire knen et je sais que c'est là qu'Aster et Naos m'emmènent.

Je ne leur ai pas adressé la parole depuis mon réveil et je suis à la fois surprise et quelque part soulagée que le grand brun soit toujours en vie même si je risque de ne pas le rester longtemps. Je pensais qu'ils me tueraient rapidement, jusqu'à ce que je comprenne qu'ils prévoient de m'emmener sur leur terre.

Naos a plusieurs fois essayé de parler avec moi, mais je suis restée silencieuse chaque fois. Je suis encore en train d'essayer de comprendre ce qu'un métamorphe peut faire. J'avais dans l'idée qu'il ne pouvait se métamorphoser qu'en animal, mais voilà qu'il s'est transformé en quelque chose dont je ne connais même pas le nom lorsqu'il s'est mis à ma poursuite dans les bois. Il m'a mordu, ses yeux rouges luisaient dans la nuit, son corps était plus long et fin, ses muscles avaient l'air moins dessinés. Je savais bien qu'il ne fallait pas le sous-estimer. C'en était que la confirmation.

S'il peut se changer en n'importe quelle espèce, ça le rend bien plus dangereux que les apparences ne laissent penser.

Je quitte l'horizon des yeux, le bleu clair du ciel forme un contraste fort avec le bleu nuit de ce lac. C'est captivant. Je me tourne vers les deux hommes qui ont arrêté de parler pour me regarder, les bras croisés, comme si j'étais un mystère à résoudre.

Mes cheveux ont à nouveau changé de couleur et sont maintenant blonds, presque blancs, comme ceux de Naos à la différence que les miens sont très lisses alors que les siens ondulent légèrement. Ne pas avoir de contrôle sur ces transformations me frustre énormément.

Je me rapproche d'eux en faisant de tout petits pas pour ne pas tomber puisque mes chevilles sont toujours liées.

— Oui ?

Je leur demande puisque les paires bleues et noires sont toujours fixées sur moi.

— Oh, elle parle ! remarque ironiquement Aster en se tournant vers Naos.

— Nous allons bientôt traverser, me répond Naos avec un léger sourire.

Durant ces trois jours de trajet avec eux, j'ai eu le temps d'observer le fonctionnement de leur duo. Naos est le plus avenant et de loin le plus bavard. Aster semble pris dans ses pensées, il ne parle pas beaucoup et est souvent en retrait pour observer et analyser les situations. Il dégage quelque chose de sombre, de triste, il semble enfermé dans une partie sombre de sa vie chaque fois qu'il se replis sur lui-même. Naos resplendit, il dégage quelque chose de lumineux, il se donne une image de personne insouciante même si je me doute qu'il renferme une part sombre de lui quelque part. À la différence de son ami, il la maintient assez à l'écart pour ne pas la renvoyer aux autres.

Après quelques heures d'attente où j'accepte de manger ce qu'ils me proposent, c'est-à-dire une pomme et un morceau de pain sec, une barque s'approche de nous. À son bord se tient une femme d'une trentaine d'années, son visage est pâle et allongé, sa voix est douce lorsqu'elle s'adresse aux deux hommes.

— Vous pouvez embarquer.

Son visage se tourne vers moi et elle m'observe longuement avant de rajouter.

Ivos 1 - Feuille d'if parmi les sapinsWhere stories live. Discover now