chapitre 1 - Elisaria

98 8 1
                                    

Je ne veux pas tuer quoique ce soit. Pourtant, une fois que la nuit sera tombée, cela deviendra inévitable. Les knens seront là et mon père me tuera si je refuse de me battre. Si ça me permet d'éviter d'attirer son attention, alors je le ferai.

Savoir ma protégée en sécurité reste un soulagement. J'ai installé Mia dans un refuge d'Octali. La densité de la forêt qui l'entoure réduit le passage des chariots de marchandise, et personne ne penserait à chercher une jeune noble dans cette petite maison cachée entre les arbres.

Je préfère la savoir loin et en sécurité lorsque la bataille éclatera.

J'ai prié les Dieux de ne pas avoir à tuer à mains nues en me dirigeant vers la maison Saffron. La vieille bâtisse en pierre qui se trouve en haut d'une colline offre une vue parfaite en cas d'attaque. Dans le jour déclinant, on ne peut apercevoir que quelques soldats devant les portes, les autres se préparent à l'intérieur.

Quelques soldats et autres protecteurs affûtent leurs lames. L'un d'eux me tend une pioche.

C'est une autre raison pour laquelle je n'aime pas les combats rapprochés. Je déteste la sensation d'enfoncer une lame dans le corps de quelqu'un, même d'un knen. Sentir les os se briser sous le choc, les organes se percer, le son de l'arme lorsque je la retire du corps sans vie me hante plus longtemps que je ne le souhaiterais. Les lames aussi grossières qu'on nous donne pour nous battre sont ridicules et le sang est toujours difficile à nettoyer.

— Combien seront-ils ? Je demande à un soldat rondouillard.

Le soleil se reflète dans ses cheveux roux, leur donnant des reflets d'or liquide.

— Aucune idée ma belle, mais tu devrais la garder proche de toi, me répond-il en faisant un mouvement de tête vers la pioche que je tiens dans les mains. Juste au cas où.

Le poids du métal est lourd dans mes mains. Mes yeux se posent sur la pointe rosie de l'outil et la nausée m'envahit.

— C'est gentil, mais je vais garder mes lames.

Je repose la pioche sur la table près de lui et me dirige vers les portes en bois sombre de la maison. Je préfère de loin mes petites lames, mes couteaux de lancer et mes flèches aux armes lourdes et grossières.

L'intérieur grouille de soldats en train de se préparer. Mon père est au centre de la salle. Imposant, sûre de lui, l'étincelle de violence dans ses yeux n'est que trop familière. Il aboie sur ses sous-chefs. Son statut de commandant lui donne le pouvoir dont il a toujours rêvé.

Je fais le tour de la pièce, récupérant quelques affaires sur mon passage.

La salle est grande, les murs en pierres blanches et grises sont cachés par les armes qui y sont accrochées. Les poutres au plafond permettent de soutenir les trois étages. L'odeur de vieille maison est camouflée par la transpiration des gardiens et protecteurs, les deux ordres principaux de l'armée de Forska.

La maison n'est pas un manoir, mais elle a survécu à la Guerre des Deux Royaumes, et ce n'est pas le cas de toutes les bâtisses de Gretisall. J'imagine qu'elle a appartenu à de riches marchands avant de devenir ce point stratégique de l'armée.

— Kunis, toi et ta division ferez barrage. Kerry, toi et la tienne serez en éclaireurs. Vous allumerez les feux de signalisation dès que vous verrez les ombres avancer. Ces saletés de knens essaieront de se cacher dans la noirceur qu'ils créeront, ne vous laissez pas surprendre. Allumez les feux dès que possible. Nous n'avons pas de temps à perdre ni de faveur à leur faire.

Les deux sous-commandants hochent la tête et se mettent en route, certainement pour donner leurs ordres à leurs divisions.

Certains soldats et protecteurs semblent confiants, d'autres sont plus nerveux. Les knens n'attaqueront pas avant le début de la nuit, ce qui nous laisse encore une petite heure.

Ivos 1 - Feuille d'if parmi les sapinsWhere stories live. Discover now