Chapitre 26 - Elisaria

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Je suis heureuse de mettre pied à terre. J'ai beau ne pas avoir le mal de mer, je n'ai pas le pied marin pour autant. Tout ce temps passé sur l'eau trompe mon oreille interne, et la terre bouge encore sous mes pieds lorsque nous sortons de la ville.

L'ambiance est devenue plus légère entre Naos et moi et cela me fait plaisir. Je n'aime pas rester fâché et encore moins lorsque je tiens à la personne. Je me rends compte que j'ai embrassé les deux amis et je sais qu'il faudra que j'éclaircisse la situation avec moi-même et avec eux un jour. Cela pourra attendre la fin de notre mission, mais mon esprit en décide autrement, et réfléchit aux deux hommes.

Chacun d'eux a quelque chose de spécial. Naos est doux et attentif, il m'aide à me surpasser en m'accompagnant. Aster en revanche est dur, il me pousse à être la meilleure, à découvrir et contrôler mes capacités.

Ils sont aussi beaux que les anciens dieux, et leur aura est attractive, elle attire l'attention. Même si je ne veux pas l'accepter, leur beauté brute est déstabilisante par moments. Une partie de moi s'est attachée aux deux, mais je sens qu'il me manque quelque chose. Ils se complètent et font résonner des parties différentes en moi, mais je sens que quelque chose au fond de moi me retient de choisir. Comme si quelque part, je sais qu'ils ne sont pas « mon tout ».

Repoussant cette pensée, je me concentre sur ma démarche chancelante, et sur l'homme qui se tient près de moi.

**

Nous marchons vers le nord sans faire plus de trois pauses dans la journée. « C'est bien suffisant », dit Naos, mais je ne suis pas tout à fait d'accord. Au rythme auquel nous avançons, je doute de pouvoir tenir sur mes jambes le demain.

Mais le jour suivant nous reprenons notre chemin, mes faibles jambes s'habituent à l'exercice. Je n'ai pas le loisir d'apprécier le paysage, mais il me semble qu'il était aussi froid et lugubre que dans mon souvenir. Ou peut-être que ce sont les souvenirs associés à mon dernier séjour en Febari qui influencent mon jugement.

Mon premier souvenir de la région remonte à la fois où j'ai été amenée à la capitale par mon père, afin de faire étalage de mes prédispositions au combat devant le roi. J'avais douze ans, et il me demanda d'affronter une dizaine d'hommes ayant au moins le double de mon âge. C'était un bain de sang, et j'étais la seule à en être ressortie debout.

Je n'avais pas beaucoup de souvenirs de ce combat, seulement que c'était eux, ou moi.

— Majestueux.

Le roi avait répondu avant de récompenser mon père d'une promotion et de m'envoyer au camp d'entraînement d'Hioplea.

Depuis ce jour, je n'aime ni la ville ni la région et les évite le plus possible. J'espère trouver des informations sur Amira et partir de Febari le plus rapidement possible.

Naos sent ma tension et essaie de me faire rire à la moindre occasion. Je lui en suis reconnaissante, mais rien ne repousse les mauvais souvenirs que fait ressortir cet endroit.

Il nous faut finalement quatre jours pour atteindre la ferme, et retrouver Aster. Il nous attend sur le pas de la porte, sous sa forme de milan noir. Nous le suivons à l'intérieur et il reprend son corps et son visage tatoué.

J'ai un léger sentiment de culpabilité et petit pincement au cœur en le voyant, mais je choisis d'enterrer ces émotions et de me concentrer sur notre tâche. Enfin, d'essayer... 

Ivos 1 - Feuille d'if parmi les sapinsWhere stories live. Discover now