XXIII

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« Une relation amoureuse n'est durable que si le désir d'être ensemble triomphe sur le désir de l'autre. »

Adrien Verschaere


Lorsqu'on perd ceux qui nous sont le plus proches, qu'on réalise le caractère éphémère des choses, la fragilité des liens qui nous unissent et nous retiennent à la vie, on reconsidère ce qui est important, on finit par comprendre que le regard des autres n'a aucune valeur, pas plus que les normes sociales ou même les rancunes mesquines qui nous tirent vers le bas.*

C'est une chose que Louis a l'impression d'avoir oublié au fil du temps dans sa position de roi. Ou du moins, il n'a ressentit cela qu'au moment de la mort de ses enfants légitimes et celle de sa mère, Anne d'Autriche. Et c'est ce qu'il ressentira si jamais il laisse sa bien-aimée Isabelle mourir noyée sous les flots de la Bièvre.

Lancé au galop sur son cheval, il repense aux tremblements de Louis-César lorsqu'il lui a raconté son rêve. Ce rêve... Ce même rêve qui a prophétisé sa rencontre avec la comtesse il y a maintenant quatre mois de cela. Qui prendrait une tournure des plus funestes si le monarque n'arrive pas à la hâte au château de Vauboyen. Il ne peut que prier pour que Madame de Langlois n'ait pas encore passé le point de non-retour, le comte de Vexin ayant pressentit le drame hier matin.

Il faudrait bien plus que des mots pour dire tout ce qu'il en est, pour prédire tous les grands maux, tout ce qui pourrait arriver. Car chaque mot en plusieurs sens,

selon le temps ou l'horizon, pourrait transformer son essence et changer sa définition. Il faudrait bien plus que des pages pour écrire toutes ces phrases, ces cortèges de mots effarouchés et dont il faut peindre la grandiloquence. Pages traînantes et volantes telles des nuages grondants survolant les terres absentes. Il faudrait bien plus que des livres et tourner bien plus que des pages remplies de toutes ces vies ivres qui naissent au cours des voyages, pour connaître tout l'éventail des vies qui s'offrent à chacun et pouvoir ouvrir le portail donnant sur un monde opportun.

Pour l'heure, le roi, seul et désespéré dans son for intérieur, pleure et soupire en songeant à sa vie, car par sa négligence il a à nouveau peiné un être qui lui est cher et qu'on ne peut qu'aimer. Pourquoi donc blesser et offenser les gens qui nous sont chers et à qui l'on tient tant ? Quelle étrange folie et quelle absurdité que d'attrister ainsi un être si charmant que la comtesse de Vauboyen ! Intimement, Louis implore :

« Ô reine de mon cœur, vous mon unique amour, je vous prie humblement de pardonner toujours les nombreuses blessures que je peux infliger à votre cœur si aimant et si plein de bonté. Sachez aussi que pour vous un amour infini brûle dans mes entrailles et consume ma vie ! »


- Juste ciel ! Madame a disparue !

- Grand Dieux, Jeanne, qu'êtes-vous en train de dire ?

- Madame est introuvable ! Elle n'est plus dans ses appartements et ses atours sont éparpillés sur son lit ! Dans tout le château, elle n'y est pas !

Jeanne et Amélie sont interrompues aux retentissements des bruits de sabots de cheval venant de l'extérieur. Il ne manquait plus que cela ! Les deux femmes s'en vont néanmoins vers la porte principale de la demeure pour y découvrir Henri et François accueillant déjà le monarque de la France et son escorte.

- Où est Isabelle ?

- Elle n'est plus ici ! Nous ignorons où elle a pu aller !

- Pardon ? Vous n'êtes pas sérieuse, Amélie !

- Ceci est la pure vérité, Henri ! Votre sœur est partie on ne sait où sans que personne ne s'en aperçoive ! Je soupçonne qu'elle ait quitté le château aux premières heures du soir !

L'Amour du SoleilWhere stories live. Discover now