VIII

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« Il y a des rencontres, des voyages, des mots, des sourires, des visages qui changent à jamais notre vie... »

Citation anonyme


- Elle est absolument magnifique.

- N'est-il pas ? Même son état présent ne nuit pas à sa beauté.

- Nous avons cependant tous les deux le désir qu'elle soit de nouveau sur pied. N'est-ce pas, Liselotte ?

- À franchement parler, mon ami, je n'aurais jamais pensé que vous éprouveriez le souhait de faire la connaissance d'une dame.

- Cette dame dont nous parlons n'est pas n'importe qui. Elle est le Lys, l'amour du Soleil.

- Ainsi qu'un tas d'autres choses. Mais par-dessus tout une personne digne de confiance et parfaitement honnête. Pour vous répondre, oui, je veux qu'elle soit sauvée de ce calvaire.

C'est en cet instant que Madame de Langlois, jusque là endormie et veillée par Monsieur et son épouse, est tirée de sa transe par une énième convulsion. Ses gémissements, se voulant le plus sourds possibles, attirent aussitôt l'attention de ses deux gardiens. Élisabeth-Charlotte presse une main réconfortante sur celle de la malade.

- Ne vous retenez point de crier, Madame. La douleur n'en sera que plus grande. Libérez-vous ne serait-ce qu'un peu.

La concernée pousse alors un cri déchirant. Se soulager le cœur et le corps par un ruisseau de larmes offre le soulagement, comme les saignées, mais en abattant. Les larmes sont le symbole de l'impuissance de l'âme à contenir son émotion et à rester maîtresse d'elle-même dans la souffrance.

La princesse essuie les quelques perles d'eau meurtrières dévalant les joues diaphanes d'Isabelle, tandis que cette dernière retrouve son calme. Ses yeux ternes s'ouvrent sur ses deux visiteurs.

- Qui... Êtes-vous ?

- Des amis qui ne vous veulent que du bien. Je suis le frère du roi, Philippe, et voici mon épouse, Liselotte.

La comtesse de Vauboyen cligne faiblement des yeux. Le frère puîné du roi ? S'il se trouve ici, cela signifie sans nul doute qu'Henri lui a raconté tous les déboires qu'ils ont eu avec la marquise de Montespan, depuis que celle-ci l'a engagée en tant que gouvernante des quatre enfants légitimés du roi, en passant par l'hostilité grandissante, la découverte de l'amour du Soleil pour elle, la première tentative d'assassinat à l'arme blanche, jusqu'à son empoisonnement présent.

Isabelle n'a jamais ignoré le fait que son aîné soit un proche ami du duc d'Orléans et possiblement de l'épouse de celui-ci. Elle ne pensait nonobstant pas les rencontrer tous les deux en personne un jour, et au grand jamais dans de pareilles circonstances. Quelle piètre image elle doit leur présenter !

La malade distingue malgré tout leurs visages bienveillants à travers le voile flou tombé sur ses orbes de ciel. La cantarelle ne lui a pas complètement dérobé toutes ses facultés, Dieu soit loué, et il lui reste encore assez de discernement et de sensation pour se trouver assurée que le couple ayant veillé sur elle depuis quelques temps ne lui est effectivement pas antagoniste. C'est bien la dernière chose dont elle et ses proches ont besoin dans ce jeu de pouvoir et d'amour.

Force lui est par ailleurs de reconnaître à quel point l'expérience lui fait cruellement défaut dans les intrigues de cour où tous les coups sont permis, car ç'en est une. Son frère est à cet égard un bien meilleur joueur qu'elle sur l'échiquier de ce jeu mortel auxquels les évènements les ont poussé à participer.

L'Amour du SoleilWhere stories live. Discover now