XIV

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« L'amour d'un enfant est un absolu. Il faut y répondre par l'absolu ou par rien du tout. Il n'y a pas de moyen terme. »

Hélène Ouvrard


La douleur a un élément de vide. On ne peut pas se rappeler quand elle a commencé, ou s'il y a eu un jour où elle n'a jamais été là. Elle n'a d'autre avenir qu'elle-même, ses royaumes infinis contiennent son passé, éclairé pour percevoir de nouvelles périodes de douleur. Louise Marie Anne ne le sait que trop bien, que ce soit à travers sa facilité à attraper des maladies ou par la frayeur affligeante de perdre sa mère vénérée.

Depuis les premières lueurs du jour jusqu'à la fin de la matinée, la petite Mademoiselle de Tours n'a cessé de fixer de ses deux orbes chocolat le bouquet de fleurs de lys reposant dans un vase en porcelaine près de son lit où elle est allongée. Ces fleurs immaculées dont Isabelle de Langlois en est la parfaite image. Ses yeux sont deux miroirs qui ne cachent aucun vice. Son regard embrasse tout sans peur et sans ruse. Ses lèvres de rose sont peintes sans artifice. Ses dents de perles fines sourient sans lésinerie. Ses baisers colorés tendres sont des délices. Gonflée d'une eau sucrée sa gorge est un calice. Sa figure adorée que ses enfants et son amant chérissent possède un front de neige sur lequel les années glissent.

Les larmes montent aux yeux de la petite fille. Cette nuit encore, elle a rêvé des instants passés pendant les trois derniers mois avec sa mère, qui vivait en harmonie dans le jardin de lys, entourée de verdure sans subir de sévices, baignée dans une lumière qui lui laissait la peau lustrée. Elle se levait le sourire aux lèvres. Elle est belle, si belle, tellement belle. Pas un cri, pas une peine.

Aujourd'hui, elle pense mais ne dit rien. Elle réfléchit mais ne parle pas. Les plus grands des silences signifient les plus grandes absences. Et souvent les plus grandes souffrances dues à la cantarelle. Toutefois elle nie. Toujours ce faible sourire aux lèvres... Elle ne se plaint pas, elle ne geint pas ou rarement. Mère est belle, tendre et douce. À la fois si forte, si courageuse et vaillante. Une tendre force.

Mère supporte la douleur. Difficilement mais sûrement. Elle fatigue, s'épuise. Elle sourit. Néanmoins les quatre enfants royaux savent congrûment que leur gardienne sature et trouve cela dur.

- Maflée !

Cette voix et les petits coups tambourinés à la porte de sa chambre font sursauter Louise Marie Anne. Sa sœur aînée s'empresse d'entrer et de fermer la porte avant d'aller s'étendre à côté d'elle sur le lit.

La plus jeune observe sa vis-à-vis. Définitivement, Louise-Françoise n'est guère en meilleur état qu'elle, cela se voit sans erreur à ses yeux gonflés de sanglots et d'un marron qui semble encore plus sombre qu'il ne l'est déjà au naturel.

Pauvre petite demoiselle. La solitude cogne son cœur, des fenêtres de sa douleur les lumières de Dieu s'éteignent. Dans l'obscurité, personne pour voir que son âme saigne. Ses larmes lacèrent son esprit comme des rasoirs. Le courroux du Seigneur enflamme son corps, l'entraînant dans un enfer noir. Sur son visage, aucune caresse pour l'émouvoir, seul sa mère bien-aimée en a le pouvoir.

Isabelle... Il y a un mois, Mademoiselle de Nantes a fait un songe déroutant. Elle voyait quelqu'un dans ce songe, il portait le nom de : Athénaïs de Montespan. Louise Françoise, par sa crainte, a perçu le futur qui les accable désormais. La comtesse criait, haletante comme celui que le mal ronge. Lorsqu'un noir nuage implacable s'est déversé sur elle pour t'engloutir en rien de temps, le ciel s'est fendu d'éclairs pour éveiller la rêveuse.

- Mère avait l'air si faible quand nous l'avons vu hier. Que deviendrons-nous si elle ne guérit jamais ? Plus rien n'aura de sens pour nous.

- Père nous a promis de nous la rendre, Fannie. Te souviens-tu des livres que Mère nous lisait ? Les amoureux terminent toujours ensemble.

L'Amour du SoleilDove le storie prendono vita. Scoprilo ora