Chapitre 23 : Complot

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— Je ne connais même pas votre prénom.

— Sumiye.

Genma fixait sa belle-mère, sceptique. Il ne savait quel comportement adopter avec cette femme. Il n'avait rien contre elle. C'était bien la seule personne de cette maison à qui il ne pouvait rien reprocher. Pourtant, il sentait une colère au fond de son cœur, trop insidieuse pour être révélée au grand jour. Cette femme avait pris la place de sa mère. Elle avait aidé son père à se construire une nouvelle famille, avait accepté de lui donner une nouvelle descendance.

— Je pensais que les ninjas étaient doués pour dissimuler leurs émotions. Apparemment, ça n'est pas votre cas, à Naori et toi, fit Sumiye en lui accordant un sourire indulgent.

— Je crois que je serais bien incapable de dissimuler quoique ce soit de mes sentiments dans cette maison. Quant à Naori, je ne vous apprends pas grand-chose en vous disant qu'elle n'accorde pas une grande importance à ce qu'impose le code des Ninjas.

— Il y a des lieux qui sont chargés de trop de souvenirs pour qu'on puisse rester indifférent. J'aurais aimé que tu te sentes à ta place en ces lieux.

— Pour ça, il faudrait revenir plus de vingt ans en arrière, vous ne seriez pas là, et vos enfants non plus.

Genma avait prononcé cette phrase sans aucune animosité. C'était un simple fait qu'il énonçait : il ne s'était jamais senti à sa place dans cette demeure trop grande. L'étalage des richesses de son père l'avait toujours dérangé.

— Tu ne mâches pas tes mots, s'amusa Sumiye.

— Ça doit être l'influence de Naori. Son irrévérence a fini par déteindre sur moi, constata-t-il simplement.

— De ce qu'on put me dire les domestiques, tu étais déjà comme ça en étant enfant. La nourrice de mes enfants parle souvent de toi et d'Hotaru.

Une ombre voila le regard du jonin. Cette nourrice avait été la seule personne à qui lui et sa sœur s'étaient confiés. À l'époque, elle était celle qui se rapprochait le plus d'une mère à leurs yeux, celle qui les avait couverts lors de leur départ.

— Je suis heureux de savoir que vos enfants sont éduqués par mon ancienne nourrice, fit-il avec politesse.

— Cela ne sert à rien de mentir, Genma. Tu as détesté ces enfants à l'instant même où tu as entendu leurs prénoms. Je ne peux pas t'en vouloir pour ça, ton père ne pouvait pas vous faire de pire insulte à ta sœur et toi.

Pourquoi fallait-il que la nouvelle femme de son père soit une personne si lucide ? Il s'était préparé à la haïr à l'instant même où il l'avait aperçu sur le trône de sa mère. Il s'en était fait l'image d'une belle-mère acariâtre, prête à tout pour l'éloigner d'un héritage dont il n'avait jamais voulu. Mais cette femme ne semblait pas se conformer à ses idées. Pire que ça, il se mettait à l'apprécier pour sa finesse d'esprit.

— Cela ne vous dérange pas ?

— À l'instant même où j'ai accepté d'épouser ton père, je savais ce qui m'attendait. Mes enfants et moi-même ne sommes que des remplaçants, une deuxième tentative de former la famille de ses rêves. Nous n'existons que comme une version améliorée de ce qu'il a toujours voulu. L'animosité que tu as envers nous est dans l'ordre des choses.

Elle posa avec délicatesse ses doigts fin sur la rambarde qui entourait le balcon. Ses mains étaient bleuies par le froid de l'aube, mais cela ne semblait pas la déranger. Elle reprit :

— J'aimerais simplement te rappeler que malgré mon statut, je ne suis pas ton ennemie. Ton père est peut-être mon époux, mais ma fidélité va d'abord au Daimyô, et celui-ci vous a placé sous sa protection.

Lorsque la foudre éclaire le cielOù les histoires vivent. Découvrez maintenant