Chapitre 5 : Investigations

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Genma tournait en rond dans son salon. Ses pieds retraçaient le même trajet, encore et encore, dessinant un sillon dans  le tapis. Il fulminait. Pour la première fois depuis des années, il avait eu l’impression de goûter au bonheur, d'enfin pouvoir découvrir ce que ça faisait d’être heureux. Et il venait de comprendre que ce bonheur ne tenait qu’à un fil. À chaque fois qu’il fermait les yeux, leur visage s’imposait à lui. Il était malade d'inquiétude pour eux, et pourtant, ils n’étaient partis que depuis deux jours… Il espérait de tout son cœur que son mauvais pressentiment, qui l’avait assailli depuis qu’il avait appris leur mission, n’était qu’un mirage. Il espérait ardemment que tout irait bien, qu’ils s’en sortiraient tous les deux indemnes. Raido et N étaient de très bons combattants après tout. Et il connaissait depuis suffisamment longtemps le premier pour savoir qu’on ne le battait pas d’un claquement de doigts. Raido savait faire preuve de prudence et de ténacité. N ne risquait rien à ses côtés, il le savait au fond de lui-même… 

Pourtant, il n’arrivait pas à se calmer. Parce qu’il savait aussi que la jeune femme était épuisée, et que Raido n’était pas en pleine forme non plus. Il s'inquiétait parce qu’il savait que la tempête qui faisait rage au-dehors n’avait pas dû les épargner. L’image de ses deux coéquipiers faisant face au vent, trempés jusqu’aux os, se fraya un chemin dans son esprit et le fit frissonner. Il n’aimait pas ça. Il avait passé la nuit à étudier les documents que Raido avait ramené de leur précédente mission. Il y avait cherché le moindre détail qui lui aurait permis d’en apprendre un peu plus sur leur situation. Mais sans la coopération du Hokage, il ne pourrait aller bien loin. Il n’aurait jamais imaginé que ce dernier l’enverrait promener de cette façon. En y pensant, il se remit à bouillonner, furieux. 

Il mâchonnait de plus en plus fort son senbon, si bien qu’il finit par s’entailler la langue avec. Il jura alors que du sang dégoulinait de sa bouche. Ce n’était assurément pas son jour… Il alla se rincer la bouche avant de s’affaler sur sa banquette. Il soupira encore, et passa une main dans ses cheveux. Pour une fois, il ne portait pas son bandana. Le goût métallique du sang lui emplissait encore sa bouche, mais il n’avait pas envie de se relever. De toute façon, il alternait entre profonde colère et lassitude extrême depuis qu’il était rentré de chez le Hokage, la veille. Il n’avait même pas réussi à dormir un peu…

En y réfléchissant, cela faisait des années qu’il n’avait pas perdu son calme à ce point-là. Depuis la guerre, il avait pris soin de masquer au maximum ses émotions. Il faisait tout pour paraître calme et serein, au point d’être réputé pour ça dans le village. Pour les autres ninjas, en aucun cas Genma Shiranui ne s’énervait, jamais il ne perdait patience. Il s’était construit cette attitude afin de ne pas passer pour une cible vulnérable. Dans un monde tel que celui des shinobis, ceux qui laissaient libre cours à leur sentiment n’allaient pas bien loin. Les ninjas n’étaient que les instruments de leur village, et les instruments ne pensaient pas. Il n’avait pas le droit de montrer la moindre faiblesse devant les autres. Si bien qu’il ne laissait transparaître ses émotions uniquement devant Raido. Celui-ci ne l’avait jamais jugé pour ça, après tout, il le connaissait comme un frère et savait ce qui le tourmentait chaque jour. 

Il ne s’était pas montré aussi émotif depuis des années. Et dire qu’il avait fallu l’arrivée d’une seule personne pour que toutes ses résolutions partent en éclats. En un regard, en un sourire, N avait brisé les barrières qu’il avait dressé autour de lui. Il ne comprenait même pas comment. Il songea à sa longue chevelure blanche et au parfum qu’elle dégageait.  Alors que l’odeur boisée de la jeune femme lui revenait en mémoire, sa respiration s’apaisa enfin, comme si la présence de la kunoichi était nécessaire à son bien-être. Il ne lui manquait plus que ça. Il n’avait pas l’habitude de s’attacher et encore moins d’être dépendant de quelqu’un. Il ne vivait que pour lui seul, puisqu’il n’avait personne. Puis il songea à son sourire distant, mais aussi à ses gestes attentionnés, à la douceur dont elle avait fait preuve avec lui. Pendant une après-midi, il s’était senti choyé et apprécié et ses quelques heures avaient suffi pour remettre en doute tout son monde. 

Lorsque la foudre éclaire le cielNơi câu chuyện tồn tại. Hãy khám phá bây giờ