Chapitre 45

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-Quoi? répliqua-t-elle en se retournant.

Je pressai mes mains l'une contre l'autre discrètement et elles restèrent collées à cause de la sueur. Je m'étais imaginé ce moment des dizaines de fois mais arrivé au moment venu, il m'était impossible de sortir un son. Déjà qu'elle me prenait pour un débile la plupart du temps, je n'arrangeais pas mon cas. Puis, après de longues secondes, j'ouvris enfin la bouche pour lui avouer ce que je ressentais pour elle depuis toujours:

-Je suis amoureux de toi, Sadie.

Un long silence compléta mon aveu. Je me sentais littéralement libéré de l'apesanteur, comme si je flottais au-dessus du sol. Mais malheureusement, je redescends très vite face à la réaction de Sadie. Elle avait les sourcils très froncés, le visage très pâle puis elle explosa d'un rire moqueur.

-Quoi? Tu es amoureux de moi? N'importe quoi...

Elle se remit en marche comme si de rien n'était. Je restais statique, la bouche close, les sourcils écarquillés. Si il y avait une réaction à laquelle je ne m'attendais de sa part, c'était bien celle-ci. Me tourner le dos ainsi alors que je venais de lui révéler que mon cœur battait pour elle? Mais elle, en avait-elle un au final? La colère prit alors le dessus sur la tristesse et je me mis en barrage devant elle.

-Attend t'as pas le droit de réagir comme ça, Sadie! m'exclamais-je d'une voix pleine d'agressivité. Je crois que t'as pas idée de ce que je viens de t'avouer mais... crois-moi, c'est pas n'importe quoi.

Ma voix s'atténue peu à peu, face à ses grands yeux bleus qui m'observaient à présent calmement. Alors je lui saisis les mains et les serra. Je me sentais vivre comme jamais avant.

-Depuis que je t'ai rencontré, j'arrive pas à penser à quelqu'un d'autre que toi. Si je fais des blagues débiles en permanence, c'est uniquement pour te faire rire toi. Si je mets une tonne de parfum avant de te voir, c'est pour toi. Et si je t'en ai jamais parlé avant, c'est parce que j'avais peur que tu me prennes encore plus pour un con que d'habitude. Mais j'en peux plus de mentir à tout le monde. Je t'aime, Sadie. Je t'aime.

Pendant un instant, je crus voir un sourire se montrer au coin de ses lèvres. Mais je réalisai que c'était une larme. Je sentis ses mains se resserrer autour des miennes et j'eus un frisson car j'avais oublié qu'elle me les tenait. Elle prit une longue respiration, ferma les yeux un moment puis les ouvrit. Et je lus dans son regard tout ce que je n'avais jamais su voir auparavant.

-Caleb... Je suis désolée mais je ne peux pas être amoureuse de toi. J'aime les filles depuis toujours et ça ne changera pas. Je ne l'ai jamais dit publiquement pour des raisons qui me concernent mais... fin je sais pas j'ai toujours pensé que c'était clair pour toi... je suis sincèrement désolée.

Elle retroussa légèrement les lèvres, l'air très peinée. Mais ce n'était rien par rapport au choc que je venais de recevoir. Je n'arrivais même pas à savoir si j'étais triste ou en colère. J'étais complètement vide. Je sentis ma mâchoire tomber au sol, puis mes mains glissèrent de celles de Sadie et je me mis à marcher sans vraiment savoir où j'allais. J'entendais Sadie m'appeler mais je n'avais pas la force de réagir. Lesbienne... La fille que j'aimais était lesbienne...

-Caleb, attends, s'il-te-plaît! Pars pas comme ça, faut qu'on...

-COMMENT T'AS PU NOUS LE CACHER? explosais-je en me retournant violemment vers elle. Comment t'as pu faire comme si de rien n'était pendant tout ce temps?

-Mais je sais pas, c'est pas quelque chose d'évident à assumer devant les autres, et encore moins à soi-même! Et puis, je pensais que vous vous en doutiez, j'ai toujours tout fait pour montrer que j'étais pas attiré par les hommes.

-D'accord je comprend mieux..., réalisais-je gravement. C'est pour ça que tu as refusé la scène de baiser du bal.

Elle ferma les yeux et poussa un petit souffle de dépit. Je n'avais pas besoin de son affirmation. Je la considérai longuement. Ce fut à mon tour de pousser un souffle avant de lui dire ceci:

-Tu sais quoi? Je suis heureux pour toi. Vraiment. C'est vrai que ça ne doit pas être facile d'assumer son homosexualité. Mais si il y a bien une personne à qui tu aurais dû le dire, c'était bien à moi. Je le méritais.

-Je sais, Caleb... J'ai voulu te le dire des tonnes de fois mais j'avais pas le courage. J'avais peur que tu ne comprennes pas, voire que tu te moques.

-Arrête, c'est toi qui dit n'importe quoi. Viens-là...

Je m'approchai et je la blottis dans mes bras. Elle passa ses bras autour de mon cou et ses pleurs se déclenchèrent. A travers un sanglot, je l'entendis murmurer "pardon, Caleb, pardon". Je la savais sincère. Je réalisai alors que je n'étais plus triste. Les rôles étaient inversés: j'aurais dû être celui qui pleurait dans ses bras. Notre amitié était donc bel et bien plus forte que l'amour que j'éprouvais pour elle. Enfin, ce qu'il en restait. Je ne serrais pas la fille que j'aimais dans mes bras, je serrais ma meilleure amie qui venait de me délivrer son plus lourd secret. Et j'étais heureux de la savoir soulagée.

Nous dûmes restés quelques instants ainsi, dans les bras l'un de l'autre, les sanglots de Sadie se rétrécissant. Puis nous finîmes par descendre, indéfiniment plus léger que lorsque nous étions montés.

Finn + Millieحيث تعيش القصص. اكتشف الآن