Chapitre 32

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Cette journée si sombre se poursuivit quand Chanmi et Namjoon se dirigeaient en direction de ce lieu sinistre qu'est le cimetière. Leurs pas étaient lourds, leurs muscles faisaient le peu d'efforts possibles tant ils étaient exsangues. L'homme tenait le parapluie qui les protégeait d'une forte pluie, plus puissante qu'au matin, un vent déchaîné s'ajoutait à cela, le forçant à réunir tous les efforts possibles afin de garder son accessoire dans une position stable. La femme, elle, se contenta de rester auprès du châtain, silencieuse. Elle avait la tête ailleurs, elle pensait à de multiples scénarios qui allaient l'attendre dans quelques heures, elle angoissait de mille et un événements.

La rue était vide, un calme lourd et pesant a été instauré dès leur départ de la maison du plus âgé. Les commérages de leurs voisins n'avaient fait que les rendre sur les nerfs. Ceux-ci continuaient, malgré tout, à envenimer la situation. Se questionner quant à leur manque de respect était inutile, c'était indubitable aux yeux de Namjoon. Ils avaient toujours été ainsi, serviables quand cela les arrangeait, ils les trompaient avec leurs faux sourires et leur fausse gentillesse. Chanmi, contrairement à son ami, ne pouvait cautionner une telle attitude. Elle voulut d'ailleurs, précédemment, leur clouer le bec une bonne fois pour toute, mais fut retenu. Namjoon détestait la violence et préférait l'ignorance.

Toujours sur le chemin, aucun des deux souhaitaient mettre fin à ce silence. À quoi bon ? Rire ? Ils n'avaient pas le cœur à cela. Discuter paisiblement ? Leur destination leur en empêchait. Ils marchèrent, les yeux rivés au sol seulement quand ils savaient où aller. Le trajet leur paraissait horriblement long, sûrement à cause de leurs questions et de leurs craintes quand, enfin, ils arrivèrent chez un fleuriste, une rue en face de leur terminus. Même dans ses souvenirs les plus lointains, Namjoon ne se souvenait pas de s'être rendu dans un cimetière ou bien peut-être était-il trop petit pour se remémorer cela. En tout cas, c'est bien la première fois qu'il ressentit cette sensation si étrange, celle d'éprouver une puissante solitude, d'avoir l'impression qu'il avait tout perdu, que plus rien ne le retenait sur cette planète.

Il savait déjà tout cela en soit, mais ici, ce sentiment se décupla.

Accueillis par un fleuriste fier et heureux de son choix de métier, nos protagonistes regardèrent autour d'eux et firent leur choix en une dixième de seconde en apercevant des dahlias, les fleurs préférées de Jaein. Ils prirent alors, aussi rapidement que possible, deux petits bouquets de dahlias violettes et blanches avant de se diriger vers le propriétaire du magasin, déjà prêt à encaisser. Sans aucun conflit, le châtain paya la facture sous le regard presque transperçant de son ancienne femme.

Il fallait à présent traverser la rue pour se rapprocher de leur fille tant idolâtrée, seulement quelques pas à faire, des pas presque impossibles à effectuer hélas. Si l'une des passantes avec sa poussette ne les avait pas interpelé pour leur dire qu'ils gênaient le passage, ils seraient probablement restés figés pour un long moment. Alors, le visage fermé, ils levèrent difficilement leurs pieds, prirent une grande inspiration, et entrèrent enfin dans ce cimetière.

Tous les cailloux présents sur les allées faisaient trébucher Namjoon et Chanmi. De loin, ou même de près, on aurait dit qu'ils n'étaient pas maîtres de leurs corps, qu'ils ne souhaitaient guère effectuer tous ces gestes qui les menaient peu à peu vers la tombe de Jaein, comme si une ombre fantomatique les poussait contre leur gré. L'atmosphère était si pesante et silencieuse que la noiraude avait l'impression que tous ces gens, pourtant loin d'eux, pouvaient entendre son cœur battre la chamade.

Tout comme elle, notre héros stressait énormément lui aussi. De multiples sentiments vinrent l'assaillir, mais il n'y avait pas que cela. Il y avait une quantité massive de souvenirs qui remplirent son cerveau tant épuisé. Alors qu'il marchait, il se revoyait, avec sa compagne et sa fille. Ils étaient dans leur jardin, jouant avec les chiens des voisins, se partageant des anecdotes de temps en temps et surtout, en démontrant leur amour à travers de longues étreintes. Pourquoi ce souvenir en particulier ? Il ne le savait pas. Une seule question lui vint en tête.

À partir de quel moment tout a dérapé ?

« Nam, on y est je crois... »

D'un effort semblant surhumain à ses yeux, l'interpelé osa lever le regard. Il vit d'abord, à l'endroit où pointait du doigt Chanmi tout tremblotante, des fleurs et encore des fleurs. Il n'y avait que ça, elles étaient bien placées, de sorte à ce que cela ne paraisse pas encombrant. Des bouquets de mille et une couleurs étaient posés sur une pierre tombale, ce qui la rendait différente des autres situées ici et là dans ce lieu. Jusque-là, rien de bien intéressant. Jusqu'à ce qu'il remarque enfin le nom gravé sur la stèle.

Quand il vit le nom de sa fille, Kim Jaein, l'ancien père de famille se sentit mourir de l'intérieur, son cœur le faisait énormément souffrir.

Soudainement, ses jambes le lâchèrent, de même pour tous ses autres muscles qui le maintenaient debout et s'effondra misérablement sur le sol caillouteux. Il ne faisait même plus attention à son amie qui était à ses côtés, probablement dans le même état que lui. Sa vue n'était limitée qu'à cette stèle, il ne ressentait plus la pluie s'abattre sur son corps tremblant, il ne ressentait plus ce vent glacial qui le rendait progressivement malade, il ne ressentait plus rien.

Seulement une profonde tristesse. Et encore, ce mot était bien trop faible.

Les remords. Voici ce qui le harcelait. Ce n'était pas un, ni deux, mais plus d'une vingtaine de remords qui le firent craquer. Namjoon ne pouvait guère penser à quelque chose de positif ici, il ne faisait que de ressasser chaque erreur qu'il avait commis après de sa défunte fille. Il s'agissait de la fois où il avait privé sa fille d'une sortie importante avec le garçon qu'elle aimait, elle avait tant pleuré ce jour là, il se souvint encore des cris de Jaein, des violentes accusations à son égard. Il s'agissait également du jour où lui et Chanmi avaient décidé de se séparer. De sa mémoire, il se rappela avoir fait face à une fille totalement stoïque qui retourna sans poser de question dans sa chambre avant d'en ressortir seulement quatre heures après. Maintenant qu'il y réfléchissait, elle avait dû se sentir horriblement mal, comme tout enfant après une séparation brutale de leurs parents. Mais cela, il n'y avait pas prêté attention.

Parce qu'il croyait que sa fille était forte, alors que ce n'était qu'une très grande et puissante carapace qu'elle s'était forgée en un rien de temps.

Peut-être que tout avait dérapé à partir de là.

ꕥꕥꕥꕥꕥ

le chapitre qui va suivre (bientôt) est celui qui m'a le plus détruit

bisous

Consternation | NamgiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant