Chapitre XIV

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Le garçon que Peter avait ramené sortait de l'ordinaire, ça, Lyra en était certaine. Il avait ce regard indocile et pourtant cette fragilité qui caractérisait les enfants qui avait été trahi. Avec les bons mots, elle était sûre de pouvoir lui faire perdre tout l'espoir qu'il portait en ses mères.

Cela aurait été beaucoup trop facile et la jeune fille savait qu'à l'heure actuelle, son plus grand défi serait de le pousser à garder la foi.

Si le chef des garçons perdus lui mettait la main dessus, il était foutu.

Alors Lyra le pris à part un instant. Peter la surveillait du coin de l'œil, pas encore tout à fait certain de leur bonne foi, à l'un ou à l'autre. La brune lui fit alors une sourire béat du même genre que ceux qu'elle avait l'habitude de faire lorsqu'elle lui aurait obéi au doigt et à l'œil.

Gentiment, elle demanda à Henry de prendre l'une des grandes jarres vides qui reposaient contre un arbre. Elle en attrapa elle-même une puis lui tourna le dos et se dirigea vers le cour d'eau qui coulait plus bas sans vérifier qu'il la suivait. Elle ne doutait pas de son obéissance.

Il ne disait rien et se contentait de suivre ses pas en la contemplant d'un air méfiant. Est-ce qu'il se méfiait d'elle parce qu'elle était une fille ou parce qu'elle était incontestablement proche des enfants perdus ? Lyra n'aurait pas su le dire.

L'eau coulait à présent juste devant eux, douce et claire. Ils étaient près de la source ce qui leur permettait de pouvoir se constituer des réserves d'eau pour se nettoyer rapidement et boire sans avoir à quitter le camp trop souvent.

La brune fit alors signe au garçon de s'approcher et de poser ce qu'il tenait dans les mains. Sans prévenir, elle le pris alors par les épaules et le regarda droit dans les yeux. Il se dandinait légèrement sous le malaise que lui provoquait ce regard perçant.

- Tu ressembles à ta mère, laissa-t-elle échapper malgré elle.

Le garçon la regarda un instant avant de répondre avec un air encore plus méfiant.

- Comment est-ce que tu connais ma mère ?

- Je suis venue avec elle, enchaîna-t-elle sans réfléchir, et ton autre mère, tes grands-parents les Charmants, le Crocodile et Killian.

Cette fois, il était figé de stupeur : il s'était reculé d'un pas et la fixait les yeux écarquillés comme des soucoupes.

- Ils sont tous ici ? demanda-t-il bêtement. Pour moi ? s'assura-t-il d'une petite voix quand elle acquiesça.

- En réalité, ils voulaient faire du tourisme et ils se sont dit "et pourquoi pas ce charmante petite île pleine de garçons qui veulent nous tuer". Bien sûr qu'ils sont là pour toi, Henry ! C'est ta famille.

- Mais... répliqua-t-il, comment sont-ils venus ? Est-ce que tu vas m'aider à les retrouver ? Pourquoi tu es avec Peter si tu es venue pour m'aider ?

Lyra balaya ses questions d'un geste de la main et préféra s'agenouiller au bord de l'eau douce pour tremper ses mains dans le cour. L'eau n'était pas froide mais n'était pas franchement chaude non plus. Elle frotta alors ses mains et ses poignets puis se releva. Sans prêter attention au regard du garçon sur elle, elle retira son pantalon pour inspecter ses jambes.

Elle portait encore de légères traces laissées par les doigts des sirènes sur ses chevilles et un reste d'écailles lui collait sur les jambes comme une seconde peau. La brune plongea alors prudemment un pied dans l'eau, puis le second, laissa son corps s'habituer à la température de l'eau et s'y aventura un peu plus.

L'eau n'était pas très profonde mais elle savait qu'elle lui arrivait tout de même presque en haut des cuisses dans les endroits les plus profonds. Lyra s'arrêta alors lorsqu'elle fut immerger jusqu'aux genoux.

Un raclement de gorge gêné l'interrompit dans ses pensées et la fit sursauter. Elle en avait oublié la présence du garçon.

- Qu'est-ce que je... euh... hésita-t-il.

La jeune fille se tourna alors vers lui et il lâcha alors une exclamation de surprise en voyant les écailles sur ses jambes qui brillaient dans le jour déclinant.

- C'est... des écailles ? fit-il peu sûr. Est-ce que tu es une sirène ?

Lyra était surprise qu'il arrive si vite à cette conclusion mais hocha la tête de manière évasive en lui disant qu'elle préférait le terme "fille de la mer". Henry laissa alors apparaître l'enfant passionné qu'il était en déblatérant tout ce qu'il savait sur les sirènes avec un enthousiasme non-dissimulé.

La jeune fille s'amusa de la situation tout en arrachant de sa cuisse une large bande d'écailles bleus qui laissèrent sa peau à vif. Le fils d'Emma la regardait faire avec une fascination qui mettait Lyra quelque peu mal à l'aise.

Que pouvait-il bien trouver d'intéressant à observer une fille s'arrachant des morceaux de "peau" ?

Elle se sentit néanmoins obligée de lui fournir des explications alors elle lui dit avec une nonchalance feinte :

- Lorsque mon corps rentre en contact mon milieu d'origine, il développe une sorte de réaction et des écailles apparaissent un peu partout. Ce n'est pas dérangeant tant que je ne quitte pas l'océan mais une fois sur la terre ferme, les écailles s'ancrent plus profondément pour chercher de l'eau afin de rester hydratées. C'est très désagréable.

Le garçon émit alors un son entre l'admiration et la stupéfaction et fouilla dans les poches de son manteau - qui soit dit en passant semblait peu approprié sur cette île - et sortit un stylo et un carnet où il entreprit d'écrire ce qu'elle venait de lui révéler.

- Tu sais, je ne pense pas que ça te sera utile un jour. A ma connaissance je suis la seule sirène en vie  dans ce cas de figure, lui confia-t-elle avec peine.

- Je ne pense pas moi. Dans mon livre de conte, il y a une histoire sur une sirène sans nageoire, lui répondit sans lever le nez de son carnet. Elle serait tombée amoureuse d'un homme qu'elle aurait quitté sans savoir qu'elle attendait leur enfant. Malheureusement, elle est morte en donnant naissance à son fils alors on ne pourra pas essayer de la retrouver pour comparer vos histoires. Enfin, il paraît qu'elle est "retournée à l'océan en mourant", mais j'ignore ce que ça implique.

La sirène était troublée par la familiarité de cette histoire. Elle tenta cependant de reprendre contenance en se concentrant sur la dernière partie de ses paroles.

- "Retourner à l'océan" pour une sirène est un peu redondant mais ça vaut surtout pour celles qui usent de la magie pour visiter le monde terrestre. Si jamais, l'une d'entre nous venait à mourir hors de l'eau, il faudrait déposer son corps dans l'océan pour la rendre aux siens.

- Oh, fit-il alors.

Il se remit à écrire de plus belle sur son carnet pendant que Lyra sortit de l'eau, remis son pantalon et attrapa la jarre qu'elle entreprit de remplir d'eau. Le garçon rangea finalement son carnet et l'imita en silence.

- Henry.

L'expression de la jeune brune était grave. Il s'arrêta pour la regarder.

- Ta famille est là, quelque part sur l'île. Ils te cherchent pour te ramener chez toi. Tu comprends ? Tu n'es pas comme les enfants ici, tu n'es pas perdu. Tes mères ne t'ont pas...

- Abandonnées lâchement en te livrant à l'ombre d'un démon, la coupa une voix inconnue.

Lyra et Henry se relevèrent alors comme un seul homme. Ils n'avaient pas entendu le garçon approcher et ne savait pas ce qu'il avait pu entendre. La jeune femme prit un instant pour dévisager le gamin d'une douzaine d'années face à elle et dont les traits lui semblaient familier.

Lorsqu'elle le reconnut, elle lâcha la jarre dont le cul se brisa et laissa se déverser toute l'eau qu'elle contenait.

- James... ? demanda-t-elle d'une voix tremblante.

L'île de l'Espoir [Terminée] OUAT [TOME 1]Where stories live. Discover now