Lie tes ratures

By UmiPage

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"Montre-moi toute la grandeur de ton amour." Victor, à dix-sept ans, est follement amoureux de son camarade d... More

Avant-propos
Février
Février - 1.
Février - 2.
Février - 3.
Février - 4.
Février - 6.
Mars
Mars - 1.
Mars - 2.
Mars - 3.
Mars - 4.
Mars - 5.
Mars - 6.
Mars - 7.
Mars - 8.
Mars - 9.
Mars - 10.
Mars - 11.
Mars - 12.
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Mars - 14.
Mars - 15.
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Mars - 17.
Mars - 18.
Mars - 19.
Mars - 20.
Mars - 21.
Mars - 22.
Mars - 23.
Avril
Avril - 1.
Avril - 2.
Avril - 3.
Avril - 4.
Avril - 5.
Avril - 6.
Avril - 7 (1).
Avril - 7 (2).
Avril - 8.
Avril - 9 (1).
Avril - 9 (2).
Avril - 9 (3).
Avril - 10.
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Avril - 11 (2).
Avril - 12.
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Mai
Mai - 1.
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Mai - 8 (1).
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Mai - 9.
Mai - 10.
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Mai - 12 (1).
Mai - 12 (2).
Mai - 13.
Juin
Juin - 1.
Juin - 2.
Juin - 3.
Juin - 4.
Juin - 5.
Juin - 6.
Juin - 7.
Juin - 8.
Juin - 9.
Juin - 10 (1).
Juin - 10 (2).
Juin - 10 (3).
Juin - 11.
Juin - 12.
Juin - 13 (1).
Juin - 13 (2).
Juillet
Juillet - 1.
Juillet - 2.
Juillet - 3.
Juillet - 4.
Juillet - 5.
Note de fin
Dix secrets de tournage

Février - 5.

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By UmiPage

La température n'avait certainement pas augmenté depuis ce matin, et Victor pesta contre le fait de devoir courir sous ce temps. Il ne voulait pas faire attendre Yann. Son presque petit-ami. Plus il se répétait ça, plus il trouvait, enfouie en lui, la volonté d'ignorer cette infernale météo. Il faillit bien trébucher sur un trottoir et évita de peu un lampadaire, alors qu'il envoyait un message à ses désirs incarnés.

Ce dernier finit par apparaître dans son champ de vision. Seulement, quelque chose clochait. Il n'était pas seul. Un jeune homme, d'à peu près son âge, l'accompagnait. Victor n'aurait pas su dire pourquoi, mais quelque chose de dangereux s'en dégageait. Ce n'était pas à cause de son physique, qui, bien qu'avantageux, se révélait très banal si on prenait la peine de l'analyser. Non, ce qui dérangeait le brun se tenait à côté de cet inconnu. Yann avait l'air très à l'aise avec lui.

— Salut, dit Victor en arrivant.

— Salut, répondirent les deux autres.

L'inconnu s'avança et présenta sa main au brun, que ce dernier accepta presque à contre-coeur.

— Angelo, se présenta-t-il. T'es Victor, c'est bien ça ?

— Ouais.

— Yann m'a parlé de toi.

Victor lança alors un regard au concerné, qui haussa les épaules. Il connaissait cette mimique. C'était un mouvement qu'il faisait quand il voulait paraître détaché, mais qui signifiait tout autre chose, et que le sujet reviendrait sûrement plus tard. Le brun décida de ne pas s'attarder sur ce détail.

— Désolé d'être en retard.

— Ce... C'est pas grave, répliqua Yann.

— Au fait, je croyais qu'on ne serait que tous les deux, fit remarquer Victor, avant de se tourner vers Angelo. T'inquiète, c'est cool que tu viennes, j'étais juste pas au courant.

— En fait, Dodo aurait dû venir, mais elle a eu un empêchement.

Comme l'oiseau ? songea Victor, un demi-sourire ornant son visage.

— Du coup, reprit Yann, Angel a décidé quand même de rester.

— Ah ! Alors t'es le mec de Doriane ? demanda le brun.

— En personne, affirma l'ami de Yann.

— Ok.

Intérieurement, Victor raya le nom d'Angelo dans sa liste de ses potentiels futurs amis, bien que le seul péché de ce pauvre bougre fut d'être lié à Doriane, que le jeune homme considérait ni plus ni moins que comme une peste.

— Bon, on fait quoi, du coup ?

Victor se tourna vers Yann. Ce dernier haussa les épaules, l'air indécis.

— On pourrait aller boire un coup ? proposa Angelo.

— Bof, répliqua le brun.

— Un ciné ? intervient Yann.

— Bof, répondit cette fois l'argentin. J'y ai été hier... Et franchement, il y a rien d'intéressant cette semaine.

Un débat émergea alors peu à peu. Après quelques délibérations, ils étaient toujours dans la rue adjacente à celle du lycée.

— Bon, il faut se décider ! Pierre, feuille, ciseaux ?

La proposition venait de Yann, qui paraissait agacé d'attendre. Les deux autres acquiescèrent.

— On choisit chacun une idée de sortie et le gagnant décide de ce qu'on va faire. On fait une partie en une manche.

— En une manche ? râla Angelo.

Cállate, et choisis ton idée de sortie.

— T'es violent, Yann ! ricana son interlocuteur. Ok. Moi je reste sur ma sortie en bar, en plus, on pourrait même trouver un trou sympa où jouer aux fléchettes.

— Victor ? demanda Yann.

— Euh... On se fait un tournoi de jeux de combats dans une salle d'arcades ?

— Ok. Bon, bah je préfère le bowling. C'est bon, tout le monde a choisi ? Alors on y va !

Pareils à des combattants, les trois adolescents se préparèrent à dégainer leur poings, comme s'il s'agissait d'armes à feu.

— Pierre !

— Ciseaux !

— Puits !

— Hein, comment ça, puits ?

Victor et Yann dévisagèrent Angelo, qui leva les mains avec un sourire amusé, loin d'être innocent.

— C'est pas dans les règles, ronchonna Victor.

— T'as jamais entendu que tout ce qui n'était pas interdit par le règlement était autorisé ?

— C'est quand même un coup en traître, dit Yann. Mais bon, pas de temps à perdre.

— Ouais. Ne soyez pas mauvais perdants, les gars, et essayons de nous amuser !

Victor faillit lui répliquer qu'il s'amuserait sûrement plus s'il était seulement avec Yann, mais il se ravisa au dernier moment. Angelo ne s'était pas montré agressif, et il était même plutôt enclin à être ami avec le brun. Dommage qu'il soit le petit ami de cette peste de Doriane, se dit encore une fois Victor. L'amitié tient à peu de choses, autant dans un sens que dans l'autre.

Ils se mirent finalement en route, Angelo ayant promis aux deux autres de les emmener dans un établissement réputé. Une minute ou deux après leur départ, l'argentin attrapa son portable et leur dit qu'il avait un coup de fil à passer. Il recula alors et ralentit en portant l'appareil à son oreille. Victor resta un instant pantois. Angelo venait-il vraiment de lui faire un sourire complice ?

Cependant, il n'eut pas le temps de disserter sur cet état de fait. Yann, ayant compris ce qu'il s'était passé, rejoignit son camarade pour marcher à côté de lui. Un silence gênant flottait dans l'air, seulement coupé par la conversation d'Angelo, un peu plus loin. Victor avait du mal à prendre la parole. Une tonne de questions circulait dans son esprit, et il avait envie de faire remarquer à son camarade un peu tout et n'importe quoi pour discuter avec lui.

— Cette petite soirée aura le mérite de nous changer les idées, commença-t-il finalement.

— Ouais, répondit Yann.

— C'est un peu comme notre première fois, non ?

— Si tu le dis, dit le blond en tournant la tête légèrement, mais pas assez rapidement pour que Victor ne capte pas la teinte rosée de ses joues.

— Enfin, si on peut dire ça... C'est pas comme si on était seuls à en profiter...

Yann se crispa en entendant cette dernière remarque. Dans la pénombre, il paraissait plus effacé. Ses yeux, d'ordinaire si confiants, semblaient à Victor s'éteindre plus qu'il n'aurait voulu le croire.

— Tu m'en veux ?

— Tu préfères que je sois honnête ?

Le plus vieux acquiesça.

— Je ne crois pas. Je veux dire... Ouais, j'aurais préféré qu'on soit que tous les deux, expliqua Victor. Mais j'imagine que tu avais une idée en tête en proposant à Doriane et Angelo de venir ?

— T'es perspicace, reconnut Yann. Nous avons décidé de nous donner une chance...

— Tu l'as fait. Moi, je ne fais que te suivre.

— Je... C'est vrai. Mais du coup... Tu sais pourquoi j'ai proposé à Do et Angel de venir ? Pour te faire découvrir mon univers.

— Tu ne crois pas qu'on devrait commencer par apprendre à nous connaître tous les deux ? Tu ne vas pas trop vite, en me présentant tes amis, ta famille, tout ça ? On n'a même pas notre propre appart alors rencontrer les amis tout de suite...

— Je ne crois pas que la patience soit toujours la clé de la réussite, rétorqua le jeune homme, esquivant la petite tentative d'humour de son camarade. On a cinq mois devant nous.

Victor retint un soupir, et Yann baissa la tête un court instant, avant de se tourner vers son ami :

— J'espère que t'es fort au billard, lui dit-il en souriant. Parce que j'ai ma petite idée, je crois savoir où Angel nous emmène.

— Tu verras bien. Simon est le roi du billard, et je suis son digne héritier.

— Simon ? répéta Yann.

— Mon grand-père.

— Oh ! siffla le blond. Hâte de voir son petit-fils à l'oeuvre, alors.

— Tu risques de vite déchanter...

Les deux se turent, mais Victor sentait bien que la tension venait de baisser d'un cran. Il frissonna en sentant l'épaule de son camarade le toucher, alors que ce dernier venait de perdre légèrement l'équilibre. Non loin de le repousser, le jeune homme sourit.

— Pour quelqu'un qui a un nom royal, tu titubes beaucoup !

— Je ne mérite peut-être pas mon nom, finalement... 

Victor rigola franchement, et le blond le suivit. Il croisa le regard du troisième, échangeant un petit sourire. Angelo avait beau être au téléphone, avec Doriane d'après ce que Victor avait compris, il suivait toute la discussion d'une oreille indiscrète.

La nuit tombait de moins en moins tôt, ce qui laissait au ciel le temps d'arborer encore une légère teinte crépusculaire. Derrière les bâtiments, le soleil jetait ses derniers rayons avant de laisser sa place à la lune. Quelques nuages demeuraient tout de même au milieu de la voûte céleste, pareil au début d'histoire entre les deux jeunes âmes fougueuses qui vagabondaient au coeur de la ville.

Alors qu'il était totalement perdu dans ses pensées, Victor sentit quelque chose le frôler. Un frisson lui remonta jusqu'à la nuque. Venait-il de rêver ? Oui, ça ne pouvait être que ça. Comment aurait-il pu en être autrement ? Pourtant, le contact froid et pourtant si chaleureux qu'il sentit au bout de ses doigts, recommença une seconde fois. L'adolescent crut que son coeur allait exploser. Il ne ressentait même pas le besoin de regarder l'origine de ce changement. Ses doigts dansèrent et s'agrippèrent de toutes leurs forces à cet indicible espoir qui creusait un chemin jusqu'au coeur du jeune homme. Il ne croisa pas le regard de celui qu'il aimait, mais il ne doutait pas que, derrière ses lunettes et la couleur écarlate de son visage, Yann souriait, bien que rien ne pût égaler la grandeur du sien quand il se rendit compte de ce qui les liait.

— Je te l'ai dit, murmura le blond, je suis sérieux. Il faut bien commencer quelque part.

Victor, lui, s'en fichait pas mal, de cette histoire presque trop romanesque pour lui, tout comme le temps que pouvait durer cet instant irréel. Seules leurs mains unies comptaient à ses yeux.

Malheureusement, la réalité revint comme une vague leur chatouiller les pieds, et ils durent se lâcher. Ni Yann, ni Victor n'étaient habitués à une telle proximité. Le coeur de l'épris se serra douloureusement entre les mains de la frustration, et un soupir franchit ses lèvres. L'autre ouvrit la bouche plusieurs fois, mais ne dit rien. Et un silence gênant s'installa de nouveau ; néanmoins, cette absence de mots avait un goût différent pour les deux garçons. Maintenant qu'ils avaient pu sentir la main de l'autre, n'étaient-ils pas soudés par quelque chose de plus fort que tous les discours et les contacts du monde ?

Angelo raccrocha enfin et se rapprocha des deux autres garçons, reprenant la conversation là où ils l'avaient arrêtée. Victor se sentit alors immédiatement de trop. Bien que Yann s'assurait qu'il participe de temps en temps à la conversation, ça ne l'empêchait de ne pas se sentir à sa place. Même en entrant dans le bar, là où les effluves de bière et de café se mélangeaient dans l'air, il n'avait pas l'impression d'appartenir à ce monde.

La soirée passa plus ou moins lentement, sous le rythme des discussions et des commandes. Sur la télévision de l'établissement, il y avait une retransmission d'un match de rugby. Du coup, il n'était pas rare que les conversations soient interrompues par des cris de supporters. Victor lui-même appréciait ce sport, et il le remerciait de le détourner de son supplice. Le rugby avait au moins le mérite de le sauver des discussions insipides de Yann et Angelo, auxquelles il participait sans vraiment le faire, se trouvant plus stupide et ne comprenant pas certaines allu. Pour la troisième fois, ils passèrent commande. C'est alors que Victor remarqua quelque chose :

— Tu ne reprends pas une bière ? demanda-t-il.

— Non, répondit Yann. Je ne bois que pour de très bonnes raisons. Tu vois, dans un roman que j'ai lu, il y avait un personnage qui disait fumer pour mourir. Moi, je bois pour marquer les jours au fer rouge.

— Ce n'est pas une raison suffisante, d'être avec moi ?

— Je nous réserve notre première cuite pour une raison grandiose, ricana-t-il. Et ce jour-là, tu ne seras pas déçu du voyage, mon cher.

— J'espère bien !

Malgré toute la conviction qu'il avait tenté de mettre dans sa voix, l'adolescent n'y croyait pas vraiment. Tout au plus, il s'imaginait que ce serait comme dans toutes les soirées étudiantes où, au mieux il ne se passait rien et au pire, ça tournait très mal. Il n'avait, en clair, pas tant envie d'y être, non pas qu'il soit du genre à philosopher en regardant les étoiles tomber dans l'espoir de pouvoir faire un voeu, mais parce qu'il était très pragmatique. Il ne croyait pas à toutes ces histoires.

Une vingtaine de minutes plus tard, alors qu'il était sur son téléphone, quelqu'un qui lui tapota sur l'épaule. Il se retourna. L'argentin, une bouteille de bière dans une main et la queue du billard dans l'autre, le toisait de toute sa grandeur. Un petit sourire en coin ornait son visage.

— On m'a dit que t'étais un as des coups de queue, s'amusa Angelo. Tu me montres ça ?

Un sourire amusé parcourut le visage de Victor qui se leva et rejoignit son futur adversaire, en tentant d'éviter de rire à ce jeu de mot qui avait lancé le défi. La partie ne dura pas bien longtemps, et, sur un coup de maître, Victor fit effectivement plier son adversaire. Yann, qui avait assisté à la scène, y allait de son petit commentaire à chaque action, profitant du spectacle avec une fille qui regardait aussi le spectacle. Le digne héritier du billard regardait de temps en temps dans la direction du blond. Dire qu'il le surveillait était un bien grand mot, mais pouvait-on utiliser un autre terme, puisque c'est cette inattention qui causa finalement sa perte lors de la troisième revanche de son rival ?

Mauvais joueur, Victor pesta et repartit s'attabler au bar. Il y commanda une bière et observait d'un oeil désabusé l'affrontement entre le blond, ce grand gaillard qui avait hanté ses rêves et qui les habitait encore, et cet intrus, certes aimable et plutôt beau, mais terriblement dangereux et indésirable aux yeux du brun. Comment osait-il s'approprier ce garçon qu'il désirait tant ? enragea Victor, les yeux plissés par la colère et la frustration. Il s'enfila sa boisson en quelques gorgées qu'il avala goulûment et avec rage.

Les larmes faillirent lui monter aux yeux en regardant la retransmission sportive. Comme ces joueurs, il n'avait plus beaucoup de temps à passer en compagnie de Yann. Ce dernier le savait. Alors pourquoi préférait-il passer cette maudite soirée avec son ami plutôt qu'avec son petit-ami ? En ressassant cette phrase, un choc frappa la poitrine de Victor. En donnant une chance à leur potentiel couple, le plus grand avait créé quelque chose. Mais pouvait-on parler de petit-ami ? Ils n'avaient même pas échangé un baiser. Pourtant, ce qui s'était passé... Victor secoua la tête. Il fit signe au serveur de lui donner un verre d'alcool plus fort. Ce dernier arqua un sourcil en étudiant son client :

— T'as dix-huit ans, petit gars ?

— Dans quelques jours, mentit Victor. Je suis avec ces deux gars-là, de toute façon. Je veux dire, si vous vous inquiétez, je ne suis pas seul.

Il désigna Angelo et Yann. Le visage du serveur s'éclaira :

— Tu es avec Angelo ? J'imagine que je peux faire une exception.

— Merci, c'est gentil.

Aussitôt, il lui apporta un verre de rhum. Victor le remercia une seconde fois et commença à boire en saluant tant la naïveté de l'homme que son lien avec leur compagnon. Même s'il n'appréciait pas tous les alcools, il pouvait bien faire une exception pour le rhum, ce qu'il préférait, d'ailleurs. La chaleur de la boisson, en quelque sorte, le rassura dans sa solitude alors que ses amis, et surtout son supposé copain, s'amusaient.

Très rapidement, il finit son verre. Le brun attendit sagement que le serveur termine de faire son travail avec d'autres clients. Sur un banc, un peu plus loin, il croisa le regard d'une fille qui lui rappela douloureusement Pauline. Si elle était là, peut-être aurait-elle su quoi faire. Et même sans trouver de solution, elle lui aurait très certainement remonté le moral. La jeune femme lui sourit timidement. Son triste regard s'égara alors sur d'autres gens du bar, puis à nouveau sur Angelo. Ce dernier arborait un rictus arrogant sur le visage après une énième victoire.

Impatient, Victor héla le serveur ; ce dernier partit lui rapporter un verre, bien plus petit cette fois. De la même manière que le précédent, il l'avala avec soif. L'alcool se diluait dans ses veines comme le temps dans la salle ; lentement et avec amertume. Une troisième fois, dix minutes plus tard, ou bien trente, Victor appela le serveur.

— Heureusement que vous êtes là, vous, murmura le brun.

L'homme, qui devait bien avoir la trentaine, ne répondit pas et se contenta d'un hochement de tête à peine consolateur, et servit son client. Quand le brun lui déclara qu'il voulut la même chose, l'employé secoua cette fois-ci la tête, dépité. Il le servit, mais lui en mit qu'une goutte. Victor, que l'ennui et le désespoir empêchaient de voir qu'il buvait quasiment un simple soda, leva son verre à sa santé, mais au moment d'apporter ce dernier à sa bouche, une main stoppa son geste.

— Eh, Totor, tu nous fais quoi, là ? intervint une voix que le brun connaissait très bien.

— Je fais ce que je veux, Yann, lâche-moi, répliqua piteusement le plus jeune.

— Donc tu veux vraiment ça ? Finir complètement ivre ?

— Qui te dit que je finirai comme ça ?

— Oh, je t'en prie... Tu... T'en serais bien capable.

— Et qui te dit que je n'ai pas envie d'être ivre ?

— Tu veux vraiment te gâcher la soirée comme ça ? Allez, ça suffit. Pose ce verre et viens faire une partie de fléchettes avec moi.

— Une partie de fléchettes ?

— Ouais. Et après, on rentrera.

— Je... D'accord.

Et ainsi fut fait ; les deux garçons se dirigèrent vers le coin réservé aux parties de fléchettes. La partie ne dura pas bien longtemps. Yann gagna très facilement en plaçant sa flèche au centre, un cercle aussi rouge que le sang qui passe dans les coeurs.

— Bien joué, reconnut le brun.

— Bon, je vais prévenir Angelo, j'arrive. C'était vraiment sympathique, comme moment.

Le blond tapota l'épaule de l'adolescent et se faufila au milieu de la foule pour rejoindre l'argentin, qui s'était assis sur un tabouret, attendant patiemment. Les deux jeunes discutèrent un instant sous l'oeil de Victor. Ce dernier ressentait une sorte de joie immense, une joie infinie, pour cette dernière phrase. Cette soirée avait été pour lui une montagne russe. En observant la discussion des deux amis, son coeur chuta jusque dans ses talons, et les tourbillons de l'alcool le portèrent dans un courant de jalousie.

En attendant ses compagnons de sortie, le brun mit son manteau et patienta sagement, imaginant toutes les façons de garder Yann pour lui et pour lui seul. Finalement, les trois adolescents quittèrent le bar. Il faisait encore plus froid qu'avant leur arrivée, pourtant, les quelques verres que Victor avaient bus agirent comme une carapace. Néanmoins, s'il y eut une seule chose, un seul élément que le destin apporta et qui réchauffa le coeur du louveteau solitaire, ce sont ces quelques mots porteurs de lumière, glissés dans la pénombre :

— J'ai vraiment aimé passer cette soirée avec toi. Mais promis, la prochaine fois, je ferai mieux.

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