Je cligne des yeux et me redresse en baillant. Collin me regarde de ses beaux yeux noisettes. Ses cheveux sont ébouriffés, ses yeux encore un peu endormis, et ses habits froissés. Je pique un fard. Il est si mignon comme ça emmitouflé dans son gros manteau, les joues rosées que je ne peux m'empêcher de le regarder.
-Bien dormi ?
-Je ne sais pas si le mot bien peut qualifier ma nuit, un bon lit aurait été plus confortable mais bon, je ne suis plus fatiguée !
Il rit puis réplique :
-C'est le principal !
Je ris à mon tour.
-Il n'y a plus de brouillard et les températures ont augmenté ! Nous ferions mieux d'y aller pendant qu'il fait encore beau.
-Oui, je réponds, tout à fait ! Allons y !
Je me rhabille et range mes affaires, Collin disperse les cendres du feu pour effacer nos traces au cas où les hommes du labo viendraient ici. Je sors dehors et inspire un grand coup. L'air sent le sapin frais et le soleil illumine les plaines enneigées. Collin me rejoint et nous reprenons le sentier. Au loin, j'aperçois un village. Les chalets se succèdent, collés les uns aux autres. Les cheminées dégagent de la fumée grise qui se mélange à la brise. Nous marchons vite, chaque pas que nous faisons nous éloigne peu à peu de notre village, de ma mère et de ma sœur. Je secoue la tête pour chasser cette idée. Je dois me concentrer sur ma mission actuelle, trouver cet homme, sauver Candice et enfin, après, je pourrais retrouver ma famille.
Nous atteignons enfin le village, des hommes et femmes marchent à travers les rues des sacs à la main remplis de nourriture et de cadeaux de Noël . Noël est une fête que je ne vais pas fêter cette année, je n'aurais pas de cadeau et ne mangerai pas de dinde. Une vieille dame me bouscule. Elle a une peau couleur crème, des grands yeux bleus et un manteau en fourrure.
-Excusez-moi, je m'empresse de dire
-Ne t'inquiète pas ma jolie, c'est moi qui ne t'ai pas vu.
Je souris poliment.
-Que fais tu ici ? Je ne t'ai jamais vu auparavant.
-Oh, je suis avec un ami, dis-je en montrant Collin, nous...
-Visitons, complète Collin, c'est bientôt Noël alors nous effectuons quelques achats.
La vieille dame sourit :
-Oh, d'accord ! Avez vous goûter ? J'ai fais des sablés et je manque cruellement de compagnie !
Mon estomac gargouille bruyamment et je plaque mes mains sur mon ventre. Collin se retient de rire.
-Je vois que vous avez faim, venez !
Collin me regarde suspicieux. Accepter l'invitation de cette inconnue est un pari risqué, mais je ne sais pas pourquoi j'ai un bon pressentiment. Je hausse des épaules à Collin et la dame nous entraîne dans une ruelle. Nous nous approchons d'un petit chalet qui est enseveli sous une grosse couche de neige. Le bois est clair et parfaitement poncé. A travers les fenêtres, je peux voir un énorme sapin qui brille de toutes les couleurs. Il est décoré par de nombreuses guirlandes lumineuses et au bout de chaque branche, je peux remarquer des boules de Noël de différentes formes. Au sommet, une étoile dorée scintille. Ce sapin me coupe le souffle. La dame se dirige vers la porte d'entrée et nous entraîne à l'intérieur.
-Entrez ! Asseyez vous !
Elle nous désigne deux chaises du doigt qui sont installées autour d'une table rectangulaire en bois blanc. Nous prenons place tout en inspectant les lieux. La cuisine est petite mais chaleureuse et joliment décorée. Les murs sont en bois et de nombreux cadres sont accrochés. En plissant les yeux j'arrive à distinguer la vieille dame sur une des photos qui est accompagnée de ses petits enfants. Ils ont des cheveux blonds et sourient. Il manque cependant deux dents à la petite fille ce qui me fait rire, elle paraît si innocente. Notre hôte en m'entendant rire revient dans la cuisine :
-Ce sont mes petits enfants, me dit-elle, quand ils étaient petits.
-J'avais deviné, je réponds, où sont-ils maintenant ?
-Ils vivent avec leur mère dans le village de Monterey.
Je regarde Collin, stupéfaite.
-Tu connais cette ville ? me questionne la grand mère
J'hésite à répondre et consulte Collin du regard. Il opine et je me lance finalement, cette dame à l'air digne de confiance :
-Nous habitons là bas.
-Oh ! Cette une jolie ville !
-C'est vrai, dit Collin, c'est agréable de vivre là bas.
-Ma petite fille s'appelle Candice, déclare la vieille dame après quelques instants, et son frère est Caleb.
Je suis incapable de dire quelque chose tant je suis surprise.
-Candice Harper ? je balbutie choquée
-Oui, c'est bien ça, tu la connais ?
-C'est ma meilleure amie, je dis tout bas
Comment cacher à cette dame que sa petite fille a été enlevée et est actuellement enfermée dans un laboratoire avec un tas d'autres personnes ? Mon angoisse revient et les larmes me montent aux yeux en l'imaginant ligoté en blouse blanche à une chaise. Je cligne des paupières pour chasser mes larmes et relève la tête.
-Son frère est un gentil garçon, lance Collin, il fait du basket avec moi, il est même dans mon équipe.
-Oui, répond fièrement la dame, c'est un garçon adorable.
Elle nous sert une grande tasse de thé vert à chacun puis repart ensuite dans la cuisine pour revenir avec un grand plateau rempli de sablés et de biscuits de Noël . Et je ne peux rien qu'à ce geste déterminer combien cette vieille dame est généreuse. Elle doit être une grand-mère merveilleuse, j'envie Caleb et Candice de l'avoir dans leur famille. Nous savoir chez elle me rassure, nous ne sommes pas chez n'importe qui au final. Mais quelle coïncidence tout de même ! Tomber sur la grand-mère de Candice était improbable.
-Servez vous, n'hésitez pas !
Elle prend place en face de nous et je saisie la tasse pour y mouiller mes lèvres, le thé est extrêmement chaud. La grand-mère se met soudain à me dévisager.
-Cette marque que tu as là sur ton poignet, dit-elle avec une voix rauque, tu sais ce que ça signifie ?
J'inspecte alors ma main et y vois une petite cicatrice en forme de cercle. Ma mère m'a expliqué que je l'ai depuis que je suis née, elle m'a dit que c'était une sorte de tâche de naissance.
-Ce n'est rien, je lui réponds, juste une cicatrice.
-Ma chère enfant, ce n'est pas une simple cicatrice, s'exclame t-elle avec de grands yeux, tu fais partie des "marqués".
-Des marqués ?
La grand mère baisse les yeux sur sa tasse et joue avec la nappe hésitant à me répondre.
-Tu as été l'objet d'une expérience scientifique, dit-elle finalement
-Oui, je l'ai appris hier, je soupire tout de même surprise qu'elle soit au courant, mais je ne savais que l'on nous appelait les "marqués". Comment savez vous cela ?
-J'ai fondé cette entreprise.
Mes yeux s'écarquillent et je regarde Collin avec stupéfaction. Tout ceci ne peut pas être une coïncidence, c'est impossible. Au vu de mon regard perdu, la dame m'explique :
-A la base, nous ne faisions que de simples expériences sur des animaux ou des insectes. Puis un nouveau scientifique est arrivé au laboratoire et a tout modifié. Toutes les recherches que nous avions faites sur le développement de la vie animal ont été supprimées. Il nous a tout enlevé . Selon lui, ces recherches ne servaient à rien, il fallait faire des expériences sur des humains. Certaines des personnes qui travaillaient avec moi se sont fait embrigadées, manipulées et l'ont rejoint dans ses idées farfelues. Puis, les expériences ont commencé, les premiers bébés furent enlevés et amenés ici. J'ai fait tout mon possible pour l'arrêter. Ce qu'il faisait me terrifiait, mais j'étais impuissante face à cet homme.
-Pourquoi avoir abandonné ? demande soudainement Collin
-Il m'a éjecté, je n'ai rien pu faire...
Je m'agite sous la table avec anxiété, mes mains triturent nerveusement le bas de mon pull, il faut que je lui pose la question.
-Vous attendiez notre arrivée n'est-ce pas ?
Le regard de la grand-mère de Candice change brutalement et un sourire malicieux se dessine sur ses lèvres.
-On m'avait dit que tu étais maline... Crois tu réellement Elona que je propose à des inconnus de venir goûter chez moi sur un coup de tête? Enfin, je suis pas naïve à ce point. C'est plutôt vous qui avaient été sots d'accepter mon invitation aussi rapidement. Je pensais que la tâche me serait difficile pour vous faire venir jusque ici mais vous n'avez pas hésité deux secondes.
Je baisse les yeux honteuse, elle a raison, Collin et moi n'avons pas du tout étaient prudents. Comment avons nous pu nous faire avoir aussi facilement ? Je suppose la fatigue..
-L'homme chez qui vous vous rendez m'a prévenu de votre arrivée, je vous guettais, se justifie t-elle, je me suis dis que vous auriez besoin d'un refuge et d'un bon repas.
Elle nous fait un clin d'œil et part dans la cuisine pour revenir quelques minutes plus tard avec deux grands paniers rempli de provision. Un grand sourire se dessine sur les lèvres de Collin.
-Merci pour tout, madame, Elona et moi vous sommes reconnaissants.
Elle sourit, les yeux brillants.
-Ils m'ont déja pris ma petite fille, je ne voudrais pas qu'il vous arrive la même chose, vous devriez y aller...
Alors monsieur Ross l'a donc prévenue... J'aurais du m'en douter. Cela me fait tellement de peine pour elle et de la voir aussi attristée. Savoir sa petite fille là bas, dans un tel lieu doit être horrible. Elle ne mérite pas une telle peine. Je préfère ne rien dire pour ne pas augmenter sa peine.
-Vous avez raison, nous devrions aller, je répoonds, juste une dernière question, où se trouve ce laboratoire ?
Elle essuie discrètement d'un revers de mains ses yeux humides.
-C'est assez loin, à 30 kilomètres d'ici en dessous des 1500 mètres d'altitude.
Je regarde Collin du coin de l'œil, une fois que nous serons arrivés chez l'homme que nous a parlé Monsieur Ross, nous nous rendrons là-bas, ces expériences ne peuvent plus continuer. Voir la grand-mère de Candice dans un tel état n'a fait que renforcer mon envie d'aller la secourir.
-Merci pour tout, déclare Collin en se levant.
La grand-mère se lève à son tour et nous raccompagne jusqu'à la porte d'entrée. J'enfile mon manteau et mes chaussures et sors sur le perron.
-Ne traînez pas dehors, rendez vous en lieu sûre et cachez vous. Si vous me dîtes que les hommes du labo sont à vos trousses, ils ne vont pas tarder à vous trouver.
-Merci, je lance avec un sourire triste
Elle nous serre rapidement dans ses bras et nous quittons la maison de la vieille dame. Nous enfonçons alors dans les ruelles pour retrouver le centre-ville. Nous marchons vite en rasant les murs. L'adresse que nous a indiqué notre professeur se situe dans un village un peu plus loin. Il nous faut nous y rendre au plus vite. Mes converses s'écrasent dans la neige et je songe au fait que j'aurai dû prendre des bottes car je commence à avoir froid au pied. Il recommence à neiger et le soleil disparaît peu à peu derrière les nuages. Nous atteignons le bout du village, il n'y a plus de maisons juste un petit môtel en bois.
-Peut être devrions nous passer la nuit ici, propose Collin, il est bientôt dix neuf heures et il va faire nuit, nous rejoindrons le village demain.
-Oui, ça me semble une bonne idée, en plus, ce môtel est assez isolé, les hommes du laboratoire ont peu de chance de nous trouver.
Collin pousse alors la porte d'entrée avec un air entendu et une clochette retentit, annonçant notre arrivée. Nous entrons rapidement à l'intérieur et la chaleur de la pièce nous réchauffe. Je me sens de suite mieux. Un vieil homme, assez rond, aux cheveux poivre et sel s'avance vers nous avec un air enjoué. Il porte de fines lunettes rectangulaires et une veste en fourrure, typique de ce temps hivernal.
-Bonjour jeunes gens !
-Bonjour, nous répondons
-Vous cherchez une chambre pour passer la nuit ?
-C'est exact, dit Collin, avez vous une chambre avec deux lits séparés ?
Le vieil homme hausse les sourcils soucieux et réfléchit quelques secondes.
-Malheureusement non, il vous faudra prendre deux chambres différentes si vous ne voulez pas partager le même lit.
Je deviens toute rouge, mal à l'aise par cette conversation.
-Combien coûte une chambre pour la nuit ?
-Vingt-cinq dollars.
Collin me lance un regard interrogateur. Je hausse des épaules en guise de réponse, de toute façon, nous n'avons pas assez d'argent pour prendre deux chambres.
-Nous prendrons donc une seule chambre, conclut Collin
-Très bien ! Suivez moi.
L'homme engage la marche et se dirige vers un couloir. La décoration des lieux est assez rustique. Les murs sont décorés par des cadres aux couleurs pastels rappelant la campagne. Nous arrivons finalement devant une porte au numéro 22 qu'il ouvre.
-Voilà, dit le monsieur, je vous laisse vous installer et puis quand vous serez prêts, descendez à la salle à manger, je vous invite à dîner.
-Merci beaucoup, je réponds timidement