Les Fossoyeurs (L'Hybride, li...

By AmlieAndrea

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~ HISTOIRE TERMINÉE ~ WARNING : Il s'agit d'un tome 2... Donc ASSUREZ-VOUS DE LIRE LE TOME 1 AVANT DE COMMEN... More

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Dans le volume précédent...
1.1 - Une Nouvelle Ere
1.2 : Une Nouvelle Ere
1.3 : Une Nouvelle Ere
2.1 - Les Liens du Sang
2.2 - Les Liens du Sang
2.3 - Les Liens du Sang
3.1 : L'Élection
3.2 : L'Élection
3.3 : L'Élection
3.4 : l'Élection
4.1 : l'Inconnu
5.1 : Nicolas
5.2 : Nicolas
6.1 : Les Fossoyeurs
6.2 : Les Fossoyeurs
6.3 : Les Fossoyeurs
6.4 : Les Fossoyeurs
6.5 : Les Fossoyeurs
7.1 La Voyageuse
7.2 La Voyageuse
7.3 La Voyageuse
8.1 : le Troisième Esprit
8.2 : le Troisième Esprit
8.3 : le Troisième Esprit
9.1 : les Voix
9.2 : les Voix
9.3 : les Voix
10.1 : le Président
10.2 : le Président
10.3 : le Président
10.4 : le Président
11.1 : la Chute
11.2 : la Chute
11.3 : la Chute
11.4 : la Chute
12.1 : la Pierre Triple
12.2 : la Pierre Triple
12.3 : la Pierre Triple
13.1 : Surpuissance
13.2 : Surpuissance
13.3 : Surpuissance
14.1 : Cours Magistral
14.2 : Cours Magistral
14.3 : Cours Magistral
14.4 : Cours Magistral
Une petite pause dans cet océan de lettres, de mots, de paragraphes, de chapi...
15.1 : Déphasée
15.2 : Déphasée
15.3 : Déphasée
16.1 : Aimé Bonaventure
16.2 : Aimé Bonaventure
17.1 : Jennifer
17.2 : Jennifer
17.3 : Jennifer
18.1 : L'Affront
18.2 : L'Affront
18.3 : L'Affront
18.4 : L'Affront
18.5 : L'Affront
19.1 : Liens
19.2 : Liens
19.3 : Liens
20.1 : Gilles
20.2 : Gilles
20.3 : Gilles
21.1 : Le Futur
21.2 : Le Futur
21.3 : Le Futur
21.4 : Le Futur
22.1 : le Quotidien
22.2 : le Quotidien
22.3 : le Quotidien
22.4 : le Quotidien
23.1 : Souvenirs
23.2 : Souvenirs
Lexique
Voilà, c'est fini...
Le point : tome 3, toussa toussa

4.2 : l'Inconnu

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By AmlieAndrea


Après avoir tourné comme un lion en cage pendant une heure de plus, incapable de se décider sur la manière dont elle devait agir ni si elle le devait, Clara se rendit au bar. Son refuge l'avait toujours aidée à se remettre les idées en place.

Sur place, et malgré l'heure, elle surprit Boris et Gilles en grande discussion, assis à deux tabourets du comptoir.

— Mais qu'est-ce que vous faites là, tous les deux ? s'exclama-t-elle. Il n'est même pas quinze heures !

Les deux hommes échangèrent un bref regard avant d'éclater de rire.

— Bonjour à toi aussi, dit Boris.

— On va bien, et toi ?

Elle planta les poings sur ses hanches.

— Ce n'est pas un hall de gare.

— On s'est croisés par hasard devant la porte... du coup, on est entrés. Ne t'en fais pas, on ne s'octroie pas des consommations gratuites, se défendit Boris.

Gilles leva une tasse de café fumant.

— Je paierai ma consommation ! dit-il.

Elle secoua la tête, amusée. Un café de plus ou de moins... après tout ce qu'il avait fait pour elle et le bar !

— Je suis entourée d'idiots.

— Et en plus on se fait insulter !

Elle les rejoignit, un sourire aux lèvres. Celui de Gilles confirmait qu'il ne cherchait qu'à la taquiner.

— Si tu veux tout savoir, on voulait juste vérifier la marque de café – Boris ne voulait pas me croire.

Le principal intéressé haussa les épaules.

— J'y peux rien si la dernière fois que j'en ai bu, il était horrible.

— Hein ? Le café est dégoûtant ? comprit-elle.

— Mais non ! dit Gilles en rigolant. Sans doute que la dernière personne qui lui en a servi une tasse n'était pas douée.

— Ouais, t'en fais pas Chloé. C'était pas ici. J'ai jamais trouvé que le café d'ici était à vomir.

Elle acquiesça.

— Tu m'as fait peur ! Et c'est Clara...

— Je ne m'y ferai jamais...

Il fourra les doigts dans sa courte chevelure, puis termina sa propre tasse.

— On en a profité pour suivre la retransmission de la conférence devant un café, expliqua Gilles. Ça doit bientôt commencer, d'ailleurs.

Ils se tournèrent vers le téléviseur, toujours installé sur un coin du bar. Pour l'instant, il n'affichait qu'une succession de spots publicitaires.

— Tu en penses quoi, toi ?

Clara les observa à tour de rôle, embarrassée. L'euphorie des retrouvailles en famille s'était envolée. Elle ne pouvait pas leur expliquer tous ses soupçons. Seul Gilles aurait compris, mais elle préférait ne pas le relancer sur ce sujet.

— Je ne sais pas trop.

Elle posa un coude sur le comptoir en marbre, toujours parfaitement lustré, et se hissa sur un tabouret voisin.

— Il ne t'inspire pas non plus, hein ?

Boris lui adressa un sourire entendu, tandis que Gilles se tournait vers l'écran. Les publicités enfin terminées, la conférence allait commencer.

— Je me demande ce qu'il va bien pouvoir nous dire.

Clara monta le son. L'image n'était pas nette et sautait beaucoup ; le vieux moniteur de Georges commençait à faire son temps. Gilles lui asséna deux ou trois coups bien placés et l'image se stabilisa sur une salle bondée de journalistes. Les caméras se massaient devant la scène où se dressait un pupitre bardé de micros. Tous attendaient l'arrivée du nouveau président, et le commentateur exprimait à lui seul, à travers ses mots et ses intonations, l'impatience de tous les spectateurs.

Dès les premières secondes, Clara remarqua que quelque chose n'allait pas. Dans la salle où se déroulait la conférence, elle apercevait sans effort le nombre trop important d'hommes armés. Devant chaque issue, devant chaque fenêtre, régulièrement postés autour de l'assemblée de journalistes... il y en avait partout. Elle ne voyait pas Éric, mais elle le savait, là, au milieu de ses semblables, pris au piège de son métier.

Quand le porte-parole se présenta, les flashs se multiplièrent. Cette fois encore, le nouveau représentant de l'état se dérobait au peuple qui l'avait élu. L'homme se positionna devant le pupitre, deux gardes armés s'installèrent à chaque issue. Le trio du bar s'en émut et Gilles le premier condamna cette démonstration de force, avant de la comparer à celle des dictateurs de certains pays d'Afrique ou du Moyen-Orient. Toutefois, ce qui quelques années plus tôt aurait paru choquant voire provocant, n'interpellait aujourd'hui plus grand monde. La criminalité en constante croissance dans Clarme justifiait de telles mesures, et même l'ancien président se parait d'une escorte dissuasive à chacune de ses sorties. Clara comptait parmi les derniers récalcitrants et son regard était inévitablement attiré par les pistolets bien visibles qu'ils portaient sur eux. Une hostilité presque palpable régnait dans la pièce.

Le porte-parole, dissimulé derrière de grosses lunettes qui dévoraient presque la moitié de son visage, se défit de son chapeau pour la première fois, et dévoila une chevelure courte et claire. Elle se pencha vers l'écran pour mieux distinguer ses traits mais le vieux poste lui refusait tout détail superflu. Alors, il prononça les premiers mots et comme à l'accoutumée, Clara se tétanisa. Cette impression de danger, encore.

Ses traits lui étaient familiers et sa voix lui hérissait le poil. Ils s'étaient déjà rencontrés... mais à quelle occasion ? Sa mémoire refusait de faire les bonnes associations.

Ses premières annonces, qui portèrent sur le programme contre la délinquance et l'augmentation de la criminalité, provoquèrent un tollé général : il annonça, ni plus ni moins, que des troupes militaires allaient être débarquées dans les quartiers les plus mal famés pour y réprimer sans ménagement les fauteurs de troubles. Sous prétexte de sécurité, il affirmait n'avoir pas d'autre choix que de faire « table rase » du passé et de repartir sur de bonnes bases. Clarme « bénéficierait » la première du tout nouveau dispositif, qui s'étendrait dans un second temps à tout le territoire.

Boris adressa un regard perplexe à ses deux collègues.

— Euh... vous avez compris comme moi ?

— Ouais, répondit Gilles. Ça sent pas bon du tout. Il essaie même pas de maquiller.

Il se tourna vers Clara, l'air suspicieux.

— T'en dis quoi ?

Il insistait... Mais Clara n'en savait pas davantage. Elle pinça les lèvres, encore indécise : soit un fou dangereux venait d'accéder au pouvoir, soit un sorcier fou dangereux venait d'y accéder. Dans les deux cas, Clara pouvait difficilement intervenir de manière discrète. Il attirait bien trop l'attention. Quant à la manière forte, elle rechignait encore à l'employer.

— J'en dis qu'on est dans de beaux draps, se contenta-t-elle de répondre.

Il fronça les sourcils, jeta un regard à sa montre, puis se concentra à nouveau sur le téléviseur.

Au fil des questions, le porte-parole, au nom de son président, exprima clairement son désir de rendre au pays toute sa splendeur, tant économique qu'esthétique. Par conséquent, chaque maison ou immeuble considéré comme ne correspondant pas à l'image d'une nation riche et prospère serait détruit sans sommation, afin de reforger une ville belle et neuve.

Gilles et Boris, atterrés, échangèrent un regard halluciné.

Lorsqu'il annonça que des bulldozers se trouvaient déjà sur certaines places depuis le début de la matinée, que leurs résidents fussent ou non encore à l'intérieur, le vase déborda. Les journalistes crièrent au scandale, aux droits de l'homme. Aussitôt, les protestataires furent guidés par les hommes armés et conduits hors de la salle. Éric se trouvait dans le lot. Tous ceux qui avaient su retenir leur langue observèrent la scène et, sitôt le dernier journaliste emmené, un silence de mort plana sur eux.

— C'est impossible, murmura-t-elle, ahurie.

Non content des violentes réactions qu'il avait provoquées, le porte-parole enchaîna sur la libération très prochaine de tous les détenus de la prison de Clarme – ce qu'il appela son amnistie présidentielle. Bien évidemment, une telle déclaration provoqua un nouveau tollé et vida la salle d'une nouvelle vague de journalistes. Ce fou dangereux en devenait même contradictoire, à disperser son armée dans la ville pour appréhender tout criminel potentiel. Organisait-il une chasse à l'homme ?

— Pincez-moi et dites-moi que je rêve, dit Gilles.

Boris tapa du poing sur la table.

— Mais c'est quoi ce type ? On est au-delà du dictateur, là !

— Ça m'en a tout l'air, murmura Clara. Éric avait des soupçons sur la légitimité de ce vote... Je commence à le croire.

— Non mais c'est quand même très grave, ce qui se passe, là...

Elle se laissa glisser en bas du tabouret.

— Et Éric est en danger ! Qui sait ce que ce type va lui faire ? À lui et aux autres journalistes...

Elle se tourna vers l'écran où le porte-parole terminait son discours. Cette voix... elle était certaine de l'avoir déjà entendue ! Mais où ?

— Je dois aller l'aider.

Boris la rattrapa de justesse.

— Et tu comptes faire quoi, wonder woman ? Te faire arrêter aussi ? Ça va pas l'avancer.

À la grande surprise du gardien, Gilles s'interposa.

— Tu devrais la laisser aller. Je suis sûr que notre petite Chl... Clara peut arranger les choses.

— Vous me cachez quoi, tous les deux ?

Gilles lui adressa un clin d'œil. Clara lui fut reconnaissante de cette aide inattendue et se précipita dehors.

— C'est qu'elle a de la ressource notre petite patronne.


Elle atteignit la première rue passante où elle interrompit sa course. Une foule en colère avançait, toujours plus nombreuse. Les slogans étaient les mêmes : démission, dehors. Après la mise en état d'arrestation de plus des trois quarts des journalistes venus assister à la conférence, les opposants s'étaient naturellement retrouvés dans la rue pour faire entendre leurs voix. Un choix risqué, compte tenu de ce qui était arrivé aux derniers ayant exprimé leur désaccord. Surprise par ce soulèvement, il représentait aussi le moyen le plus rapide pour aller jusqu'au lieu de la conférence.

Prête à se jeter dans la foule, Clara s'arrêta net. Un Fossoyeur passa. Puis un second. Un autre encore... et davantage. Clara cessa le décompte, horrifiée. En trois ans, elle n'en avait croisé qu'un et cela lui avait suffi pour comprendre qu'il valait mieux les éviter. Alors pour quelle raison se multipliaient-ils ainsi, parmi les manifestants ?

La terreur s'intensifia quand elle remarqua les armes qu'ils portaient sur eux. À leur ceinture ou au poing, tous ceux qui arboraient l'uniforme de la garde présidentielle en possédaient une. Les Fossoyeurs n'affichant aucun signe distinctif jetaient aux alentours un regard qui n'inspirait rien de bon. D'instinct, les hommes pris dans cette dangereuse cohorte s'en éloignaient ; ainsi, les plus dangereux membres du défilé apparaissaient toujours un peu à l'écart des autres. Un point positif, qui l'aidait à mieux les repérer.

Clara marqua un temps d'arrêt, stupéfiée par sa propre réflexion : un lien existait sûrement entre l'arrivée en ville de tous ces Fossoyeurs et l'élection surprise de l'inconnu.

Devant le flux toujours régulier de ces êtres que ses yeux voyaient mais contre lesquels ses pouvoirs ne pouvaient rien, Clara sentit son courage se tarir comme une source en plein désert. Elle affronterait sans ciller un tyran sanguinaire ou une foule incontrôlable. Elle tiendrait bon face à un sorcier fou furieux ou un esprit mauvais. Mais une armée de Fossoyeurs ? Face à un seul, elle se trouvait déjà désarmée ! Comment lutter contre des individus insensibles à sa magie et terriblement plus forts qu'un être humain ordinaire ? Elle éprouvait le besoin d'agir, mais sa raison – ou sa peur – l'avertissait d'un ennemi supérieur en nombre et en force. Seule, elle ne gagnerait pas.

Ses connaissances non plus ne l'aideraient pas : la magie de l'Ange ne se mesurait pas à la force brute. Quand bien même elle se gonflerait de muscles à en faire pâlir un bodybuilder, elle ne pourrait gérer qu'un seul Fossoyeur. Si d'autres se mêlaient à un éventuel face à face, elle serait aussitôt perdue.

Mais je ne peux pas laisser faire !

En proie au doute et à l'angoisse de voir Clarme et ses habitants en danger de mort, Clara se tenait à l'angle de la rue sans bouger. Le fleuve humain s'écoulait devant elle, mais elle ne parvenait pas à s'y mêler. Incapable d'agir autant que de rebrousser chemin. Elle comptait affronter le président et son armée de Fossoyeurs, mais comment les atteindre sans y laisser la vie ?

« Je comprends ton désir de rétablir les choses, intervint l'Ange. Hélas, ma magie ne te sera que de peu de secours. Les Fossoyeurs n'y sont pas sensibles, tu le sais. Ils semblent la... repousser. Ces créatures sont encore jeunes et j'ignore beaucoup de choses les concernant. Chaque fois que l'occasion s'est présentée pour moi de les étudier, mon hôte a trouvé la mort... Je refuse que tu mettes toi aussi ta vie en danger.

— Mais les Fossoyeurs sont là... On ne peut pas les laisser faire ! s'offusqua-t-elle. Ce n'est plus une question d'étude, mais de résistance ! De... de... préservation...

— Je ne peux pas t'en empêcher – et en toute honnêteté, je ne le souhaite pas. Sache seulement que je n'hésiterai pas à t'imposer mon pouvoir si la situation devient trop dangereuse pour ta vie. Ton âme est trop précieuse pour que je la gaspille. »

Elle prit une profonde inspiration, troublée par les paroles de l'Ange. Ainsi, les Fossoyeurs lui avaient déjà coûté plusieurs hôtes ? C'était une confirmation : elle s'attaquait à un adversaire au-delà de ses capacités. Une attaque de front ne la conduirait qu'aux ennuis et à la mort. Seule une offensive moins directe porterait peut-être quelques fruits...

Gonflée à bloc, elle se mêla aux manifestants. Aux aguets, elle surveillait du coin de l'œil les Fossoyeurs disséminés autour d'elle. Ceux qui affichaient ouvertement leur appartenance au nouveau président, en dépit de leurs armes à feu, ne bronchèrent pas. Leur présence parmi la foule des opposants l'interpellait. Cependant, ils avançaient, mêlés aux autres, sans dévoiler d'agressivité. Fort heureusement ; sans cela, Clara aurait assisté à une boucherie.

L'avenue sur laquelle elle déboucha s'était noircie de monde. Certains criaient, d'autres hurlaient, et le sol tremblait à chaque effondrement d'immeuble. Dans ce climat apocalyptique, gonflé de peur et de colère, Clara éprouva les plus grandes difficultés à se fermer aux émotions qui l'entouraient. Chaque manifestant qui l'effleurait de trop près provoquait en elle un élan de douleur, de peine, d'angoisse, de rage, de tristesse. Cette empathie, qu'elle avait jusqu'alors maîtrisée, commençait à perdre les pédales.

« Faux, déclara l'Ange. Je t'en ai jusqu'à présent préservée. Tu ne l'as jamais maîtrisée. C'est maintenant que tu vas apprendre. Face aux Fossoyeurs, tu risques d'en avoir besoin.

— Mais je ne sens même pas leur présence !

— Alors apprends à déchiffrer les émotions des gens qui les entourent. Cela pourrait t'aider au moins à cerner leur présence. »

Sans surprise, l'Ange ne fit preuve d'aucune efficacité contre le flot d'émotions étrangères qui ne cessaient de s'immiscer en elle. Pendant quelques secondes, elle s'efforça de les décrypter, mais l'afflux était si violent, si massif qu'elle perdit vite pied. Faire le tri lui parut insurmontable. Tant bien que mal, elle renforça ses défenses mentales et poursuivit sa route.

Au milieu de cette masse compacte de gens, Clara avançait à peine. Pourtant, l'heure pressait : la situation d'Éric ne pouvait que s'aggraver. Impossible d'accélérer dans ces conditions. Une seule solution s'imposa à elle : foncer tête baissée, sans hésiter à cogner les épaules de ses voisins ni à écraser quelques pieds... enfin, pas trop. La douleur demeurait parmi les sentiments les plus difficiles à contrer.

Portée par le mouvement, elle fit confiance aux manifestants pour se diriger vers le même endroit qu'elle. Avec ce monde et les immeubles qui disparaissaient les uns après les autres, elle n'était plus certaine de retrouver son chemin. Un cri secoua la foule, puis le grondement d'un immeuble. La foule s'arrêta. Clara vacilla, saisie par l'intense douleur des blessés. On la bouscula. Une fois, deux fois.

— T'as vu ça ?

— Il va raser Clarme !

— On ne peut pas le laisser faire...

— Moi je me barre... je veux pas mourir ici.

Incapable de faire taire son empathie, Clara ne se remit pas en marche au même moment que le reste de la colonne. Elle s'en mordit les doigts. Non seulement elle était éjectée de droite à gauche comme la balle d'un flipper, mais en plus elle en perdait sa concentration pour lutter contre sa trop grande empathie.

« Je n'y arrive pas ! se plaignit-elle auprès de l'Ange.

— Je vais en retenir une partie. Mais tu ne dois pas ignorer la douleur des gens qui t'entourent. »

Un poids se leva lorsque l'Ange usa de son sort. Aussitôt, elle dressa autour d'elle une barrière physique, destinée à la protéger des plus gros impacts. Tandis qu'elle inspectait les alentours, les manifestants glissaient autour d'elle, éconduits par son sortilège. Malheureusement, il ne résista pas aux trop nombreux Fossoyeurs et à la densité incroyable de population. Les bousculades reprirent, une première fois puis une seconde. À la troisième, un homme la percuta dans le dos. Le choc fut si violent qu'elle en perdit l'équilibre et tomba à terre. Le bouclier se disloqua instantanément. Tétanisée par sa situation, son cerveau s'enraya. Parviendrait-elle à se relever ? À reconstruire son bouclier ? Ou serait-elle piétinée sans vergogne, abandonnée par le commun des mortels, qui se moquerait bien de la savoir sous ses pieds ?

Elle s'attendait encore au poids des semelles prêtes à écraser ses membres quand l'homme qui l'avait renversée s'arrêta. De son corps, il fit obstacle aux autres et lui tendit la main.

— Pardonnez-moi, je ne voulais pas vous faire tomber.

Un bras devant le visage pour se protéger, Clara resta paralysée.

Cette voix...

— Vous allez bien ?

Rêvait-elle ? Avec une lenteur pourtant pleine d'impatience, elle ôta son bras de sa vue et resta figée en reconnaissant le visage de l'homme qui venait à la fois de mettre sa vie en danger et de la sauver.

— Debout, insista-t-il. Vous allez vous faire marcher dessus.

Elle secoua la tête et attrapa son poignet. Bouche bée, elle le dévisagea sans retenue : rêve ou réalité ?

Autour d'eux, la foule s'écoulait avec fluidité. Un brouhaha assourdissant résonnait entre les bâtiments. Le soleil frappait sans relâche. Rien n'avait changé. Pourtant, le monde de Clara venait de basculer. Toute pensée de Fossoyeur ou de Président avait disparu.

— Nicolas ? murmura-t-elle.

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