La période de Thanksgiving a déjà débuté, tout le monde est rentré chez sa famille pour le weekend. Lukas est au Canada tandis que Judith est dans le Mississipi, chez ses grands-parents. Elle voulait prendre de la distance vu les dernières nouvelles concernant ce dans quoi Dallen traînait.
Je balance mon sac dans la voiture d'Adam encore à l'étage et j'envoie un message à ma mère, lui disant qu'on arrive bientôt. Soyons clairs, ce n'est que stratégique et il me devait bien ça. Mes parents ne savent pas que j'ai rompu, mais ils tenaient à ce qu'il soit avec ma famille pour Thanksgiving. Nous avons eu une grande conversation tous les deux, en aucun cas il n'a évoqué Elijah, mais il s'est excusé un milliard de fois pour s'être comporté aussi mal. Il m'a dit qu'il m'aimait quand même et qu'il comprenait que je ne veuille plus de lui.
Adam me donne les clés de mon appartement en souriant, il glisse sa main dans ses cheveux blancs et je m'installe sur le siège passager. Durant le trajet, nous discutons un peu et je suis contente, dans le fond, de faire la paix avec lui. Ce n'est pas quelqu'un de méchant, c'est juste qu'il ne sait pas ce qu'il veut vraiment.
Je jette un œil dans le rétroviseur de son Audi et grimace en voyant à quel point j'ai l'air fatigué à force de ne pas trouver le sommeil depuis ma nuit avec Elijah. Je n'ai aucun signe de vie depuis cinq jours, quand je lui ai ordonné de s'en aller en pleurant. Même si je suis en colère contre lui, il me manque terriblement. Je ne l'oublierais jamais, ça c'est sûr, mais je ne pourrais pas le fuir éternellement lorsque les cours reprendront.
Adam se gare devant la maison de mes parents, il m'aide à prendre mon sac et je lève les yeux vers lui. Il s'est vêtu d'une chemise rouge et d'un jean noir pour l'occasion. J'ai piqué une robe rouge moulante dans la garde-robe de Judith, elle a insisté pour que je la mette avant qu'elle ne parte à l'aéroport. Je l'aime beaucoup, et ce même si elle me fait une sacrée poitrine avec ce col en V.
— Merci pour le déplacement, ça me fait plaisir...
Il m'observe sans rien dire et hoche la tête.
— Je te dois bien ça et je suis content que pouvoir les voir une dernière fois en bonne et due forme. Dis-moi quand tu leur annonceras, j'ai une part de responsabilité.
J'opine du chef. Je pensais qu'il me reprocherait d'avoir eu recours au chantage, mais on dirait que c'est de bonne grâce qu'il est là. Sa mère ne sait rien des jeux d'alcool, je n'ai pas eu besoin de le dire deux fois pour qu'il cède.
— Mimi ! hurle mon père en ouvrant la porte.
Les bras réconfortant de mon père se resserrent sur moi, je souris contre lui et il me regarde de ses yeux bleus encerclés par les rides du sourire. Ses cheveux gris s'allient parfaitement avec la clarté de ses iris, sa mâchoire carrée est finement bordée par une barbe et ses épaules s'affaissent légèrement avec le temps. Il serre la main d'Adam en le remarquant et je mords ma lèvre.
— Quel plaisir de te revoir, Max, ajoute-t-il.
Je suis un peu nerveuse, j'ai peur que ma mère comprenne ce qu'il se trame. Mon père, Maximilien, le remarquera forcément, mais ma mère, c'est quitte ou double. Ma mère, Daphnée, déboule dans une robe bleu ciel similaire à la mienne pour le bal et je déglutis en me souvenant des mains d'Elijah sur ma peau nue.
— Ma douce Emy, m'enjôle ma mère coiffée d'anglaises brunes. Je suis heureuse que tu sois là !
— Maman, souris-je dans ses bras.
Je sens la main d'Adam dans mon dos et nous entrons dans la maison. Quand ma mère embrasse mon ex-petit ami sur la joue, je me sens mal à l'aise. Cette idée de faux couple est stupide. Carrément stupide. J'offre un espoir sans termes à mes parents. C'est cruel.
Les accolades terminées, je retrouve une bonne partie de ma famille dans le salon : mes oncles et mes tantes maternels et paternels, mes cousines, la grande amie de ma mère et mon grand-père paternel. Adam connaît une bonne partie de ma famille, un de mes oncles s'est dernièrement marié et je suis venue accompagnée pour l'occasion, c'était au tout début de notre relation.
Mon père boit un verre avec sa sœur, ma mère court partout, elle manque même d'oublier la dinde dans le four. Je discute avec mes cousines tandis qu'Adam reste avec tante Lucy, la sœur de ma mère. Lola, ma cousine, a 19 ans et est en droit, tandis que Juliette, mon autre cousine, est de deux ans mon aînée et fonce vers un cursus en biologie.
Malgré moi, je regarde mon portable de temps à autre, comme s'il m'enverrait un message pour s'excuser, mais rien. Je passe un appel à Lukas dans la soirée et j'ai même des nouvelles de Laura, une comédienne au club de théâtre. Puis je tombe sur le contact d'Elijah, j'ai voulu le supprimer, mais je crois que c'est encore trop tôt pour moi.
Le dîner se passe extrêmement bien, ma famille rit à gorge déployée et je m'amuse enfin pour de vrai. Même Adam, peut-être un peu trop... Juliette est venue me voir entre le plat et le dessert pour me dire qu'elle ne voulait pas de problèmes avec moi puisqu'Adam lui faisait des avances. Je lui ai donc expliqué la situation et je crois que ça l'a soulagée.
Mon portable vibre et coupe ma conversation avec ma cousine.
* Je me fous complètement que tu sois en colère contre moi, mais passe une bonne soirée.
Je rougis et mon cœur manque un battement en lisant son nom. Ce nom. Il pense à moi, alors ? Je me lève du canapé et sors sur le parvis pour me calmer. Ce n'est qu'un message, bon sang. Rien qu'un message qui me met dans tous mes états.
* Je ne pensais pas recevoir un message de ta part, mais toi aussi.
La porte d'entrée s'ouvre derrière moi et je cache mon téléphone en tremblant. Est-ce que c'était une bonne idée de répondre ? Mon père pose une grosse veste en cuir sur mon dos et zippe sa polaire avant de sortir sa cigarette électronique. Exactement comme il le ferait. Mon Dieu, je le vois partout.
— Tu es en froid avec Adam ? demande-t-il l'air de rien au bout d'une minute de silence.
— Si on peut dire...
— Ta mère n'a encore rien vu, m'assure-t-il.
Ma mère est du genre à paniquer pour peu, elle aime beaucoup Adam et je sais qu'elle sera triste de savoir qu'on est séparé depuis près d'un mois. La porte s'ouvre une nouvelle fois, c'est Lola qui sort fumer et elle s'excuse pour le dérangement.
— Je ne suis plus avec lui depuis un mois, m'exprimé-je en français à l'adresse de mon père.
Maximilien a conscience que lorsque parle dans sa langue natale, c'est que je veux que ça reste entre nous. Lola n'en saura rien, elle est américaine et ne comprend pas le français.
— On a eu beaucoup de différents deux mois avant notre rupture.
— Et il en est la cause ? questionne-t-il en fixant mon portable serré dans ma main.
Je hoche la tête, silencieuse, et me retiens de fondre en larmes en pensant à lui. Quand on parle du loup, il vient de m'envoyer un message.
* T'es fâchée ?
Je pince les lèvres en comprenant qu'Elijah ne cherche qu'à relancer la conversation. Il n'a rien d'autre à faire que de tenter une nouvelle fois après ce qu'il m'a fait ?
— Je suppose que c'est lui, Mimi, comment est-ce que ça a commencé ? reprend-il.
Mal. Ça se passe toujours mal avec un diablotin expert en matière d'agacer son monde, mais aussi de séduire.
— Ce... Un livre volé... Il m'a volé la pièce de Schisgal... Papa... Ne dis rien à maman, elle aime beaucoup Adam alors je voulais que vous le voyiez... Une dernière fois... Tu sais... Je voulais vous faire plaisir.
Il hausse un sourcil et m'encourage à continuer en vapotant.
— C'est quelqu'un d'impulsif et brutal... soufflé-je en fixant le sol. Il me perturbe beaucoup, je ne voulais pas le voir parce que j'étais avec Adam... C'est difficile, avec lui, on se dispute tout le temps et je n'ai jamais eu autant peur d'aimer un homme.
J'essaye d'utiliser des mots simples, mon niveau de français n'est pas aussi bon que celui de mon père, mais il semble comprendre. Il observe la lune, comme Elijah le faisait sur le mont, avant qu'on se dispute, et mon pouls s'accélère lorsque je me souviens de sa paume sur moi.
— Adam voyait d'autres filles durant notre relation, lâché-je finalement. Alors je l'ai mis dehors parce qu'il me menait en bateau.
— Je suis soulagé que tu n'aies pas laissé traîner ça, alors.
Je pensais qu'il s'énerverait, mais pour le coup, il est pensif. Mon père a toujours pris ma défense pour quoi que ce soit. Au départ, il lorgnait Adam, puis il a commencé à l'apprécier. Au moins un de mes deux parents prend assez bien la nouvelle, je suis soulagée. Je déverrouille mon téléphone et réponds au message.
* Pourquoi serais-je fâchée ?
Je ne veux pas aborder le sujet de ce qu'il s'est passé la dernière fois, mais je suis sûre qu'il compte insister. Pourquoi ? Allez savoir !
* La nuit dernière. Notre nuit. Tu sais de quoi je parle, ne fuis pas.
Je me sens terriblement mal à l'aise.
— Tu souris en fronçant les sourcils, Mimi. Pas mal ! Je vais rentrer, je me les pèle. Et promis, pas un mot à maman.
Je lui adresse un sourire pour le remercier et tape un autre message pour qu'il me laisse tranquille.
* Ça ne comptait pas pour toi, et moi non plus. Et puis, je ne veux pas en parler.
Il répond immédiatement.
* Reine de l'esquive. Tu devras m'en parler un jour, et tu le sais.
* Tu n'as que ça à faire ? D'harceler les filles au téléphone ?
* Je me fais chier avec ma sœur qui me rabâche ton prénom et Roni qui s'enfile des shots tout seul, que veux-tu que je fasse d'autre ?
Il n'est pas avec ses parents pour Thanksgiving ? Pourquoi Mila insiste à lui parler de moi ? C'était une mauvaise aventure, je dois passer à autre chose. Il n'est pas fait pour ressentir ce que moi j'éprouve pour lui. Je tape rageusement sur mon écran
* Dormir et me ficher la paix.
* C'est difficile de dormir tout seul...
Je ris jaune en regardant le ciel noir. Il me met sur les nerfs par textos, quel talent ! Je veux qu'il arrête de me répondre, je vais finir par penser que nous sommes proches et que je suis importante à ses yeux.
* Va te trouver quelqu'un d'autre.
* Tu ne veux pas que je fasse ça, Emy. Mais puisque tu insistes, d'accord. Roni a probablement plein de contacts de nanas du bar.
J'éteins mon téléphone en fronçant les sourcils. En plus d'avoir raison pour la première partie du message, il m'irrite davantage. Ça m'agace qu'il aille trouver quelqu'un d'autre pour dormir. C'est décidé, je dois tourner la page, il va voir quelqu'un d'autre et je traîne avec mon ex.
Tout doit s'éteindre.
* *
En allant fêter Thanksgiving, je n'avais pas anticipé la nuit. Montrer que je suis toujours avec Adam, c'est une chose, dormir avec lui, c'en est une autre. Heureusement, le lit est grand, je ne veux pas dormir trop proche de lui.
Il est seulement vêtu d'un short, il est déjà sous les draps et je suis allée me changer dans la salle de bains. Je troque la robe rouge de Judith contre un bas de pyjama à carreaux et un t-shirt large. Je m'allonge, rallume mon portable avant de me souvenir du dernier message reçu et fronce les sourcils. Je déteste qu'il ait raison, ça a le don de m'énerver. Je suis cependant surprise qu'il n'ait pas insisté. Parfait, il ne devait donc pas s'ennuyer tant que ça pour cesser de me harceler le soir de Thanksgiving. Je soupire et lis un livre sur mon téléphone.
— Emy ?
— Adam ? réponds-je en me tournant vers lui.
— Je... Je sais que tu ne voudrais pas qu'on en parle, mais j'ai besoin de savoir plusieurs choses...
Ça n'est pas bon signe. Je me tends en imaginant qu'il sache Elijah et moi avons couché ensemble en sortant du bal d'hiver, mais je me reprends en lui offrant un sourire aussi faux que du toc.
— Euh... Oui ?
— Tu n'es pas obligée de répondre à mes deux questions, m'avertit-il.
Voyant que je ne dis rien, il commence :
— Le jour où nous avons rompu, as-tu eu mal ?
— Non... murmuré-je. Enfin, c'était supportable. Notre relation devenait étrange et instable en plus de tes mensonges. On m'a mise sur la piste de ton infidélité alors je m'y attendais, d'une certaine façon...
Il acquiesce, se réinstalle sur l'oreiller et j'attache mes cheveux en un chignon flou.
— Quelle est ton autre question ?
— Sandoval. T'es liée d'amitié avec ce connard ?
Bien plus que ça.
— Non, mens-je. Il vient juste m'embêter, mais rien de plus, je n'y fais pas vraiment attention.
— Mmh... Il ne doit pas avoir l'habitude qu'une femme qui lui résiste autant, ricane Adam. Son numéro n'a pas dû fonctionner.
Si tu savais, Adam. Si tu savais ce qu'il m'a fait... Il m'a charmé et le fait encore, je l'aime tellement que j'en ai la boule au ventre rien que d'y penser. Il a encore un coup d'avance sur toi...