Mine [en cours de correction]

By maarie_sam

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Alice et son frère jumeau, Alexis, vivent depuis près de deux ans loin du peuple lycan pour fuir leur ancienn... More

CORRECTION DE RIGUEUR
Glossaire
Prologue
Un
Trois
Quatre
Cinq
Six [réécrit]
Sept [réécrit]
Huit [réécrit]
Neuf [réécrit]
Dix [réécrit]
Onze : L'aurore avant le chaos [réécrit]
Chapter 11
Chapter 12
Chapter 13
Chapter 14
Chapter 16
Chapter 17
Chapter 18
Chapter 19
Chapter 20
Chapter 21
Chapter 22
Chapter 23
Chapter 24
Chapter 25
Chapter 26
Chapter 27
Chapter 28
Chapter 29
Chapter 30
Chapter 31
Chapter 32
Chapter 33
Chapter 34
Chapter 35
Chapter 36
Chapter 37
Chapter 38
Chapter 39
Chapter 40
Chapter 41
Chapter 42
Chapter 43
Chapter 44
Chapter 45
Chapter 46
Épilogue [réécrit]
Remerciements, suite ?

Deux

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By maarie_sam

      Je sentis le sang quitter mon visage à mesure que je prenais conscience de ce qu'il se passait. L'Alpha ne me lâchait pas des yeux, et je ne retins mes larmes qu'avec difficulté. Cette voix. Cette voix dans ma tête que j'avais espéré disparue à jamais. Elle revenait me hanter, des souvenirs sanglants à ses côtés. Je me rappelais l'odeur, les cris, les pleurs. Je me rappelais de l'après, Alexis en pleurs, leurs corps sans vie dans les bras. Leur sang de la bouche, que j'ôtais par la vile et par les larmes. Les heures passés tous les deux, physiquement si proches mais la conscience si loin du massacre dans lequel nos âmes se noyaient. Puis les corps qui s'embrasent, nos pas hasardeux dans la neige, les pleurs de nouveau, les remords pour toujours. À la suite de cela, alors qu'Alexis et moi tentions de disparaître et d'effacer avec la même envie cette nuit tragique, j'avais étouffé l'animal qui brûlait en moi. Jour après jour, je rejetais son existence et ses paroles insidieuses. Je savais que si je l'écoutais une fois de plus, le Loup reviendrait tout détruire autour de lui. Cette fois, il ne restait plus que mon frère jumeau. Et à présent, je ne vivais que pour lui.

Ma gorge se serra. Les lèvres de l'Alpha s'animèrent, mais je n'entendis rien. Prostrée au fond de ma conscience, j'écoutais le silence. Je sentais le Loup, sa présence, son aura. J'attendais effrayée qu'il bondisse des méandres de mon esprit où pendant des mois il avait été enfermé. Il pouvait à tout moment choisir de prendre ma place et même, s'il en avait la force, me renvoyer dans sa cage. On agrippa soudain mon bras et je fus de nouveau projetée dans la réalité. Mon ouïe revint brusquement, m'esquintant les oreilles. Alexis, car c'était lui qui m'avait arraché à l'Alpha, me fit passer dans son dos pour me cacher. Plusieurs grondements menaçants répondirent à ce geste. La réaction était normale. Il venait de m'arracher à leur Alpha, qui m'avait reconnue. En plus de ça, les lycans semblaient nous avoir assimilés à des partenaires, ce qui aggravait encore plus notre situation. Nos odeurs assez similaires pouvait clairement laisser penser qu'Alexis et moi étions des loups associés. En effet, si deux individus de notre espèce souhaitaient une relation amoureuse entre eux alors qu'ils n'étaient pas âme-soeurs, ils pouvaient eux aussi se marquer. À la différences des moitiés réunis par la déesse lupine, leurs morsures d'appartenance au niveau de la nuque disparaissaient très rapidement à cause notre cicatrisation très rapide. Peu de partenaires choisissaient cette méthode, et se contentaient de mélanger leurs odeurs pour éviter la présence d'autres prétendants.  

- Est-ce que ça va ? me souffla Alexis, inquiet?

       Je secouai la tête pour le rassurer. La réalité était tout autre. Lorsque nous habitions à Toronto, de quelques rares loups solitaires nous avaient partagé les causes de leur départ. L'un d'eux, dont le haut du corps était recouvert de cicatrices si profondes que même ses capacités régénératrices n'avaient rien pu faire, l'avait fait. Ces blessures avaient été faites par un lycéen jaloux qui, en rencontrant sa moitié, s'était rendu compte qu'elle partageait déjà sa vie avec un autre mâle. Le loup solitaire, pour sauver sa peau, avait dû quitter sa meute et même changer de pays. 

J'avais peur que cette meute traitent Alexis de la même manière. Bien qu'ils n'aient pas été clairement hostiles depuis le début de notre altercation, l'annonce de mon lien avec leur Alpha pouvait tout changer. J'évitai d'ailleurs de trop bouger, pour éviter voir ne serait-ce qu'un centimètre de cette personne. Moins je le voyais et plus j'avais de chances de rendormir le loup sans que ça ne dégénère.

- Je le répète, on ne compte pas rester, déclara étonnamment très calmement mon jumeau. On est solitaires, on ne faisait  que passer et on ne serait jamais permis de rester si on avait su que vous ét...

- Tu as compris la situation dans laquelle tu es ? le coupa un loup à notre droite.

      Je zieutai rapidement vers l'individu. C'était le loup de l'hôtel. Son regard croisa le mien et je vis ses sourcils ainsi que son nez se froncer. Le mélange des odeurs devait l'agacer. 

Ils doivent tous être agacés, susurra le Loup. Une louve qui semble fricoter avec le mauvais mâle ne doit pas plaire à tout le monde.

      Un frisson me traversa des pieds à la tête et je revins me coller contre le dos d'Alexis. Nous n'aurions jamais dû venir ici. 

- J'ai très bien compris, répondit Alexis. Mais nous ne restons pas, même si ils se sont reconnus.

     Alexis avait réalisé presque aussi rapidement que les loups. Pour autant, il n'avait pas l'air de souhaiter expliciter concernant notre lien de parenté.

- Le lien ne s'est pas encore créé, plus tôt nous quittons votre territoire et mieux ce sera, finit-il par asséner. Elle refuse la reconnaissance.

- Hors de question, siffla l'Alpha en déployant son aura suffocante.

Sa voix rauque me pétrifia et je courbai instinctivement l'échine. Mais pas autant que l'autre.

Il ne te laissera jamais partir, tu es son âme-sœur après tout.

       Son âme-sœur. Ce mot résonnait en moi depuis que nos regards s'étaient croisés mais je ne voulais pas l'entendre. Je ne voulais pas d'une moitié, plus depuis deux ans. L'éternité promise à ses côtés, je ne la voulais plus. Je ne la méritais plus. Mais je savais aussi que mon âme-soeur, cet Alpha, ne pouvait pas comprendre de se faire rejeter par celle qui lui est destinée. Je ne pouvais pas protéger Alexis de sa réaction possiblement explosive. Le mettre en danger n'était pas un option. Tant pis si j'étais celle qui allait souffrir quand ma vraie nature serait découverte.

     Je fis un pas en arrière, loin d'Alexis. Celui-ci tourna la tête vers moi, intrigué. Il comprit bien vite sur mon visage quelle décision je prenais. Et cela ne lui fit pas plaisir vu le grondement qu'il me fit. Je l'ignorai et avançai jusqu'à passer devant lui. Là, je fis face à l'Alpha. À mon âme-soeur, dont les yeux me transperçaient. Sans savoir pourquoi, je compris immédiatement à quel point il était confus, et surtout très très énervé.

- Je pense qu'il y a un grand malenten...

- Qu'est-ce qu'il se passe ici ?

La situation devient de pire en pire, on dirait un gag à ce niveau, ricana la voix dans le fond de ma conscience.

     Comme si la situation n'était pas assez compliqué, un groupe de la sécurité venait vers nous. Elle avait probablement été alertée par des clients inquiets de voir une bande de mastodontes menaçants qui encerclaient deux jeunes personnes. En y regardant de plus près, je constatai que nous commencions tout de même à être un bon petit nombre. À l'Alpha et le loup de l'hôtel s'était ajoutés trois autres mâles. L'un d'eux s'approcha d'ailleurs des agents de sécurité pour s'expliquer. Au vu de leur proximité, je supposais qu'ils se connaissaient.

    Alexis profita de la déconcentration général pour me tirer vers lui.

- Tu cours sans te retourner.

        Sans me laisser le temps de répliquer, il me poussa dans la direction opposé à mon âme-soeur. Dans un même mouvement, il asséna au loup de l'hôtel un violent coup de poing dans la mâchoire afin de l'empêcher de m'attraper au passage et fila avec moi. Sans un regard en arrière, nous filâmes dans les rues en arrière sous les cris énervés des loups. Je remarquai rapidement que nous allions à l'opposé de notre hôtel et que nous nous approchions de la forêt. Face à des hommes à moitié loups, nous ne ferions pas long feu dans ce type d'environnement. Alexis bifurqua soudain dans une rue et je le suivis sans hésiter, le souffle rapide. 

- Merde ! grogna-t-il en fixant droit devant lui. Il n'y avait aucune meute sur ce territoire normalement ! Si je revois ce loup solitaire, je lui pète la gueule !

     Il était hors de lui.

- On doit partir, lui dis-je. Ils se sont uniquement fait distancer avec les hommes, ils vont sûrement mettre très peu de temps à nous trouver. On doit aller récupérer nos valises et on retourne à Toronto, peut-être que Barry voudra bien nous louer un nouvel appartement ou que...

         Mon faux jumeau fit une halte imprévue et s'engouffra dans une ruelle. Nous nous y arrêtâmes un instant pour récupérer notre souffle et mettre nos idées au clair. Il s'adossa contre le mur et pressa ses poings sur son visage. Je remarquai quelques gouttes de sang sur ses phalanges et une grimace de dégoût m'échappa. La vue du sang sur lui, même si ce n'était pas le sien, m'était désagréable.

- Pourquoi fallait-il que se soit maintenant ? soupira-t-il avec découragement. Pourquoi, après tout ces efforts, tu devais trouver ton âme-soeur à ce moment ?

       Je ne répondis pas. Il se souhaitait pas être blessant dans ses paroles, mais cela me fit quand même monter les larmes aux yeux. C'était à cause de moi que nous nous enfoncions dans ces problèmes perpétuels. J'étais ce problème perpétuel pour lui. Le réveil du Loup était aussi un grand danger pour nous, mais je ne lui en fis pas part. Il haïssait cet être de tout son monde, et savoir qu'il était de retour, tapi dans mon corps, le ferait fuir le plus loin de moi. 

- On ne peut rien y faire après, concéda-t-il. Si la déesse l'a voulu, ça devait arriver maintenant...

     Ses yeux verts me regardèrent.

- Est-ce que tu veux l'accepter ? demanda-t-il réellement curieux. Quoi que tu décides, je te suivrai de toute façon. Tu ne peux pas survivre sans moi de toute façon, vu la maladroite que tu es.

    Pendant un moment, je ne sus quoi répondre. Quels options avais-je en réalité ? Fuir avec Alexis, au risque de nous faire retrouver ? Ou alors rester auprès de cette moitié dont je ne connaissais rien et qui pouvait à tout moment me supprimer ? Le choix était trop dur. J'ouvris la bouche, prête à lui répondre mais nous fûmes interrompus par un puissant bruit de pneus. Un coup d'oeil vers la rue que nous avions emprunté un moment auparavant nous indiqua que l'on avait été retrouvés. Deux lycans inconnus sortirent de la voiture et bondirent dans notre direction. Le premier atterrit en forme lupine directement sur mon frère jumeau qui s'écroula au sol. Le lycan d'un brun sombre était immense, bien plus que les loups qui n'étaient pas mutants. Je voulus aller l'aider mais le second loup me barra la route. Ses ongles étaient devenus des longues griffes et ses pupilles avaient une teinte jaune fauve. Le message était clair : si je tentais quoi que se soit, je finissais par terre. J'intimai à Alexis de ne pas bouger et il s'exécuta. Deux loups qui n'hésitaient pas à se transformer en pleine ville surpassaient très largement les louveteaux inexpérimentés que nous étions. 

       Nous ne patientâmes pas. L'Alpha arriva en l'espace d'un rien de temps. Son aura d'Alpha était actif à son paroxysme. Alexis comme moi eûmes le souffle coupé. Un vertige me vint et je manquai de m'effondrer. Le loup près de moi me rattrapa in extremis, et ses griffes m'écorchèrent le bras par accident. Je sifflai de douleur, tant pour la blessure que pour les effets si dérangeants de l'aura. Alors que je vérifiais que je ne saignais pas trop, l'Alpha se dirigea directement du côté de mon frère, suivi de deux autres de ses loups.

- Mettez le hors de mon territoire, ordonna-t-il froidement sans me jeter un regard. Qu'il ne remette plus les pieds ici, et qu'il ne touche plus à ma Luna.

     Nos réactions furent immédiates. Alexis et moi contestâmes aussitôt la directive. Alexis tenta de se libérer du loup mais il fut vite maintenu et relevé par les autres mâles. Les mains maintenus derrière son dos, mon frère gronda et ses épaules tremblèrent signe qu'il allait tenter de muter. Sa dernière transformation datant d'il y a longtemps, je savais à quel point cela allait être douloureux. Il n'en eut pour autant pas le temps. Le lycan de l'hôtel lui tapa dans la nuque et Alexis s'écroula d'un coup. Il ne bougea plus. Cela me fit vriller. Et le Loup aussi. Je me jetai vers lui sans réfléchir. Le premier qui tenta de m'attraper valsa contre le mur, assommé sur le coup. Les suivants, plus malins, me retinrent à trois. Je gigotai dans tous les sens pour m'échapper de leur emprise. Je manquai de me déboiter l'épaule et celui qui me tenait dû le sentir car il renforça sa prise, me faisant gémir de douleur. L'Alpha lui intima de ne pas me faire mal. Toujours sans me regarder, il s'approcha des oppresseurs de mon jumeau et leur donna ses indications.  Des larmes s'accumulèrent au coin de mes yeux. Un loup agrippa son corps inconscient et le mit sur son épaule sous mes yeux impuissants. Chaque pas l'éloignait un peu plus de moi.

- Laissez mon frère tranquille ! hurlai-je comme dernier recours.

       Une onde me traversa alors, m'étourdissant. Elle était toute aussi étouffante que l'aura de l'Alpha. Mais cela ne venait pas de lui, vu son regard étonné, et celui des autres loups. Cela venait de moi.

Il est utile, non ? Ce côté que tu détestes tant.

        Mon corps se courba en deux et une douleur plus forte que jamais brûla l'entièreté mon être. Je n'eus pas le temps de comprendre ce qu'il m'arrivait qu'une souffrance plus grande encore me fit convulser. Mes yeux larmoyants se révulsèrent alors et tout devint noir.

        J'ouvris brusquement les yeux et me redressai tel un automate. Ma tête se cogna à une autre et j'entendis une plainte. Ma vue était floue, mon cœur battait fort dans ma poitrine et ma bouche s'ouvrait maladroitement, appelant tout le dioxygène disponible. Des voix valsaient autour de moi sans que je n'en comprenne le sens et cela me donna le tournis. Un haut-le-cœur me prit et je poussai une ombre pour vider mon estomac. Toute tremblante, je tentai de comprendre ce qu'il se passait mais le Loup dans ma tête s'était tu. Il n'avait pas disparu, loin de là, je sentais sa présence dans ma poitrine, mais il n'émettait aucun son à mon encontre. Une main inconnue mais rassurante se posa doucement sur mon épaule, et une autre approcha une gourde de ma bouche. Je bus un peu, pour apaiser ma gorge.  

         On me souleva ensuite avec précaution. Tout était désordonné, je ne comprenais rien à ce qu'il se passait et tout ce bruit n'arrangeait rien à la situation. Je tentai de percevoir la voix de mon frère dans toute cette agitation mais rien. Je captai à mesure que celui qui me portait avançait, des regards curieux qui me suivaient. Nous quittâmes la ruelle pour rejoindre les voitures qui en obstruaient l'entrée. On me déposa à l'arrière de l'une d'elle, et on me prit mon manteau. Je remarquai seulement maintenant que celui qui s'occupait de moi était l'Alpha, mon âme-soeur. 

- Où est mon frère ? 

      L'Alpha me poussa un peu pour m'inciter à entrer un peu plus dans la voiture. Trop éreintée pour réagir, je me laissai faire. Immobile, je le contemplai   alors qu'il attachait ma ceinture, ses doigts glissant ma chevelure qui la dérangeait.

- Il est dans la voiture de derrière, finit-il par répondre alors qu'il s'attachait lui-même. Il vient avec nous, pas d'inquiétude.

    Je jetai un regard en arrière sans réussir à voir Alexis. Je fis tout de même confiance à l'Alpha sans bien savoir pourquoi. Peut-être parce que sa colère de tantôt s'était évaporée et son visage adouci. Deux mâles s'assirent à l'avant, et la voiture s'engagea sur la route. Un silence occupa l'habitacle et je manquai par deux fois de m'assoupir, rattrapée par une fatigue que je ne comprenais pas. La voiture s'aventura hors de la ville, puis sur des routes de forêt recouvertes de neige.  La dernière voie que nous suivîmes était camouflée par les arbres et un vieux portail. L'homme du côté passager descendit pour libérer pour enlever le cadenas. Le moteur rugit une quinzaine de minutes encore avant que la voiture ne débouche sur une clairière où se regroupait plusieurs chalets en bois. Le conducteur comme l'autre loup sortirent de la voiture, un sourire qui se voulait rassurant à mon égard.

- Ils vont s'occuper de ton frère, il se réveillera bientôt, m'expliqua l'Alpha.

- Fais attention, le prévint l'un des loups.

      L'Alpha balaya la remarque d'un geste de la main. Nous étions maintenant seuls, lui et moi. Je me fis toute petite, respirant le moins fort possible et évitant soigneusement tout contact visuel ou physique avec l'Alpha. J'eus un sursaut quand ses doigts frôlèrent ma nuque. Je me crispai mais ne bougeai pas. Très doucement, il souleva mes cheveux bouclés, comme s'il allait les nouer en un chignon maladroit. De son autre main, il saisit le tissu du pull over qui recouvrait ma nuque et le tira. Enfin, il se pencha vers moi et son visage disparut de mon champ de vision. 

- Quel est ton nom ? me demanda-t-il.

     Son souffle frappa ma peau nue et un frémissement me traversa. 

- Ton nom.

- Erika, finis-je par répondre.

- Tu mens, vos carte d'identité sont fausses.

      Son ton semblait amusé. 

- Alice.

- Alice, répéta-t-il.

      Entendre mon nom dans sa bouche sonnait bien.

- Donc l'autre loup est ton frère ?

- Jumeau, précisai-je. 

          L'Alpha laissa glisser ses doigts sur ma nuque, et se redressa. Ses cheveux bruns et légèrement ondulés dansèrent de droite à gauche alors qu'il hochait la tête. Je me retins de m'y attarder et me détournai. Il était difficile de détacher mon attention de lui. En dehors de son rôle important dans la hiérarchie des meutes qui était plutôt impressionnante, j'avais comme une envie tacite de m'intéresser à ses gestes ou aux traits de son visage. Sa main releva mon menton pour attirer mon attention. Nos yeux se rencontrèrent et un baume apaisant enveloppa ma poitrine. Il me posa d'autres questions sur mon frère, les raisons de notre venue et moi. Je répondis à certaines, en éludai d'autres et ignorai quelques rares interrogations qui pouvaient nous nuire.

        Sa main quitta mon menton distraitement pour mon visage. Ses doigts frôlèrent ma joue, mes tempes, mon front. Son visage, lui, indiquait qu'il semblait plongé dans ses pensées alors même que l'intensité de son regard sur moi ne faillissait pas. Son manège continua jusqu'à la situation initiale, avec sa main posée sur ma nuque. Tous ces contacts physiques, qui étaient très courants chez les lycanthropes mais totalement étrangers pour moi, ne me déplaisaient pas. J'avais envié bon nombre des membres de ma meute de naissance qui eux, pouvaient donner et recevoir autant d'affection qu'un jeune loup pouvait espérer. Ses doigts chauds pressèrent ma nuque et sa haute silhouette se pencha encore vers moi, de sorte à ce que nos nez se touchent presque.

- Notre rencontre d'aujourd'hui n'a pas été des plus agréables, concéda-t-il.

      Je ne pus m'empêcher d'approuver, un peu trop vivement peut-être, vu l'esquisse de sourire qui apparut sur son visage. Mais cela ne dura pas, car ses sourcils se froncèrent vite.

- Tu as fui tout à l'heure, mais plus maintenant. Pourquoi ? 

       Ma bouche s'ouvrit et se ferma sans qu'un son ne puisse en sortir. Je ne savais pas quoi à cela. La situation dans laquelle Alexis et moi avions été projetés était trop dur à partager. Il ne s'agaça pas de mon silence et me fit comprendre qu'il n'insisterait pas. Son visage dévia du mien et ses lèvres vinrent effleurer mon cou. Le bout de son nez frotta ma nuque, à l'endroit où les âme-soeurs étaient censés se marquer pour se prouver leur appartenance et leur amour mutuelle. Un grondement satisfait lui échappa même et mes joues s'embrasèrent. Je n'étais décidément pas du tout habituée à ce genre d'interactions !

- Je n'ai pas du tout envie de te forcer à faire quelque chose dont tu n'as pas envie, dit-il tout bas, donc je ne te marquerai pas selon le rituel de la déesse. Pour autant, je ne veux pas te laisser partir. C'est toi qui m'est destinée, tu le sais autant que moi. Même si tu as fui, je veux que tu me laisses une chance. Tente au moins de vivre ici, avec ton frère, avec moi, comme un loup de la meute. Laisse-moi juste te faire une marque temporaire, au moins pour que tu sois liée à mes loups. Je veux simplement pouvoir sentir ta présence sur la toile des consciences au lieu de surveiller le moindre de tes faits et gestes pour éviter que tu t'en ailles. 

- D'accord. 

     La réponse avait fusé toute seule, presque instinctivement. Lui n'hésita pas non plus. Ses crocs se plantèrent dans ma chair de ma nuque, déchirant mon épiderme. La douleur me fit couiner et je gigotai pour apaiser ma peine. Il n'en tint pas rigueur et resserra sa prise à l'arrière de mon col. Son autre bras entoura ma taille pour lui permettre d'avoir un meilleur angle pour la morsure, qui fut bien moins douloureux. L'Alpha resta quelques minutes comme ça sans bouger. Je sentais les muscles de son bras se crisper contre mon ventre. Se retenir de me marquer correctement devait être difficile. Habituellement, cela devait se faisait souvent en période de chaleurs ou de rut, qui pouvaient survenir de manière impromptue à la suite de la rencontre avec sa moitié. 

Il va se calmer le loup, sinon lui aussi il va se faire croquer et ce ne sera pas agréable, grogna le Loup, qui sortait de nulle part.

       Je tentai tant bien que mal de repousser cette conscience détestable loin de mon esprit et de mes pensées. J'avais trop de choses en tête pour m'ajouter cette charge. Mon âme-sœur finit par me lâcher, sa langue s'attardant autour des marques sensibles laissées par sa morsure. Je ne sentais pas encore les liens qui était censés m'unir avec sa meute, mais les premières manifestations ne devraient pas se faire attendre. Ses bras m'enlacèrent avec poigne mais sans me faire mal, et il appuya son front sur mon épaule en soupirant.

- Je ne t'ai même pas donné mon nom et tu as déjà ma marque sur ta peau, ricana-t-il faiblement. C'est vraiment une journée difficile.

    Un gloussement m'échappa aussi. Cette journée avait été difficile pour tout le monde, et la fatigue commençait à peser sur mon mental. Nous restâmes là, accrochés l'un à l'autre, rattrapés par la folie de ces dernières heures.

- Kurt, murmura-t-il. Je m'appelle Kurt.

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