Deux

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      Je sentis le sang quitter mon visage à mesure que je prenais conscience de ce qu'il se passait. L'Alpha ne me lâchait pas des yeux, et je ne retins mes larmes qu'avec difficulté. Cette voix. Cette voix dans ma tête que j'avais espéré disparue à jamais. Elle revenait me hanter, des souvenirs sanglants à ses côtés. Je me rappelais l'odeur, les cris, les pleurs. Je me rappelais de l'après, Alexis en pleurs, leurs corps sans vie dans les bras. Leur sang de la bouche, que j'ôtais par la vile et par les larmes. Les heures passés tous les deux, physiquement si proches mais la conscience si loin du massacre dans lequel nos âmes se noyaient. Puis les corps qui s'embrasent, nos pas hasardeux dans la neige, les pleurs de nouveau, les remords pour toujours. À la suite de cela, alors qu'Alexis et moi tentions de disparaître et d'effacer avec la même envie cette nuit tragique, j'avais étouffé l'animal qui brûlait en moi. Jour après jour, je rejetais son existence et ses paroles insidieuses. Je savais que si je l'écoutais une fois de plus, le Loup reviendrait tout détruire autour de lui. Cette fois, il ne restait plus que mon frère jumeau. Et à présent, je ne vivais que pour lui.

Ma gorge se serra. Les lèvres de l'Alpha s'animèrent, mais je n'entendis rien. Prostrée au fond de ma conscience, j'écoutais le silence. Je sentais le Loup, sa présence, son aura. J'attendais effrayée qu'il bondisse des méandres de mon esprit où pendant des mois il avait été enfermé. Il pouvait à tout moment choisir de prendre ma place et même, s'il en avait la force, me renvoyer dans sa cage. On agrippa soudain mon bras et je fus de nouveau projetée dans la réalité. Mon ouïe revint brusquement, m'esquintant les oreilles. Alexis, car c'était lui qui m'avait arraché à l'Alpha, me fit passer dans son dos pour me cacher. Plusieurs grondements menaçants répondirent à ce geste. La réaction était normale. Il venait de m'arracher à leur Alpha, qui m'avait reconnue. En plus de ça, les lycans semblaient nous avoir assimilés à des partenaires, ce qui aggravait encore plus notre situation. Nos odeurs assez similaires pouvait clairement laisser penser qu'Alexis et moi étions des loups associés. En effet, si deux individus de notre espèce souhaitaient une relation amoureuse entre eux alors qu'ils n'étaient pas âme-soeurs, ils pouvaient eux aussi se marquer. À la différences des moitiés réunis par la déesse lupine, leurs morsures d'appartenance au niveau de la nuque disparaissaient très rapidement à cause notre cicatrisation très rapide. Peu de partenaires choisissaient cette méthode, et se contentaient de mélanger leurs odeurs pour éviter la présence d'autres prétendants.  

- Est-ce que ça va ? me souffla Alexis, inquiet?

       Je secouai la tête pour le rassurer. La réalité était tout autre. Lorsque nous habitions à Toronto, de quelques rares loups solitaires nous avaient partagé les causes de leur départ. L'un d'eux, dont le haut du corps était recouvert de cicatrices si profondes que même ses capacités régénératrices n'avaient rien pu faire, l'avait fait. Ces blessures avaient été faites par un lycéen jaloux qui, en rencontrant sa moitié, s'était rendu compte qu'elle partageait déjà sa vie avec un autre mâle. Le loup solitaire, pour sauver sa peau, avait dû quitter sa meute et même changer de pays. 

J'avais peur que cette meute traitent Alexis de la même manière. Bien qu'ils n'aient pas été clairement hostiles depuis le début de notre altercation, l'annonce de mon lien avec leur Alpha pouvait tout changer. J'évitai d'ailleurs de trop bouger, pour éviter voir ne serait-ce qu'un centimètre de cette personne. Moins je le voyais et plus j'avais de chances de rendormir le loup sans que ça ne dégénère.

- Je le répète, on ne compte pas rester, déclara étonnamment très calmement mon jumeau. On est solitaires, on ne faisait  que passer et on ne serait jamais permis de rester si on avait su que vous ét...

- Tu as compris la situation dans laquelle tu es ? le coupa un loup à notre droite.

      Je zieutai rapidement vers l'individu. C'était le loup de l'hôtel. Son regard croisa le mien et je vis ses sourcils ainsi que son nez se froncer. Le mélange des odeurs devait l'agacer. 

Mine [en cours de correction]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant