Six [réécrit]

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        Ses mots restèrent dans ma tête toute la soirée et, pourtant, je ne fis pas le moindre effort. Kurt me perturbait bien trop, je n'arrivais pas à réfléchir clairement en sa présence, et me contentait de balbutier quelques phrases incompréhensibles quand il me posait une question. Je voyais qu'il essayait de me mettre à l'aise, de ne pas me brusquer et de me laisser du temps. Cela devait être étrange pour lui aussi mais je n'arrivais pas à compatir. Il était revenu peu de temps après avoir quitté la maison, moins en colère mais toujours aussi renfermé.

     Lui, Luke et moi avions diné ensemble, le louveteau faisant la conversation pour nous et, lors du coucher, je m'étais presque précipité dans sa chambre. Je ne voulais pas dormir dans la même chambre que mon âme-sœur, que je ne connaissais pas, et le Loup en moi semblait être sur la même longueur d'onde.

Tu dors avec un Alpha et tu as des petits dans l'année, avait-il maugréé de sa voix de femme.

    J'avais donc souhaité une bonne nuit à l'Alpha avant de m'éclipser à l'étage. Un grognement agacé avait résonné dans la cuisine mais je ne m'y étais pas attardé. Savoir que la situation l'embêtait me rendait nauséeuse, sûrement à cause du lien qui nous reliait. Ce lien entre deux moitiés, qui semblait devenir de plus en plus fort à mesure que l'on se côtoyait. Je sentais la morsure qu'il m'avait fait pulser sur mon cou, elle m'envoyait de temps à autre des décharges désagréables. Elle paraissait me transmettre les changements d'humeur de Kurt. Je me demandais si c'était de même pour lui.

   Je me retrouvai donc dans la chambre de Luke, l'enfant dans mes bras et un peu perdue. Nous étions en début de soirée mais je me savais fatiguée. Je voulais me coucher le plus tôt possible mais avant, j'avais besoin d'une bonne douche. Je me dirigeai vers la salle de bain accolée à la pièce. Luke bailla contre mon cou. Je décidai le laver lui, de le coucher puis de m'occuper de moi. Le Kappa profita donc d'un bon bain. Ses rires et ses cris joyeux furent un baume pour mon cœur et je ne pus m'empêcher de le couver du regard. Le Loup en moi était attentif lui aussi, et appréciait de voir son frère aussi enjoué. Nous n'arrivions néanmoins pas à ignorer les cicatrices qui défiguraient son dos, ainsi que la douleur qui émanait de ses yeux quand son loup se manifestait. Il semblait avoir vécu tant de choses horribles et il était encore si petit. Qu'aurait-il pu se passer si cela avait continué ? 

Son Loup les aurait vengé, souffla l'Animal.

   Comme le mien l'avait fait. Après toutes ces années, dans la tristesse et le malheur, à subir notre condition. Il l'aurait fait, oui. Il aurait sauvé le petit des griffes de sa meute, de son père violent. Cette constatation me laissa un goût amer dans la bouche. Même si je détestais ce monstre en moi, qui avait brisé la vie d'Alexis, je savais qu'il m'avait permis de me libérer de leur emprise. Je l'avais laissé faire, car la douleur était trop forte, la peine trop lourde et lui seul pouvait arrêter ça. Je n'avais alors pas pensé à la souffrance que j'éprouverais en voyant Alexis haïr avec autant de force une partie de mon être.

   Luke leva les yeux vers moi et me fit un grand sourire aux dents aiguisées. Le Loup était là. Ses yeux s'obscurcissaient à vue d'œil et, bientôt, le noir avait avalé toute la lumière de son regard. Voir un de mon peuple ainsi ne me fit ni chaud ni froid. Peut-être étais-je plus encline à supporter les monstres comme moi. Ma pensée fit gronder l'Animal en moi. Le louveteau se leva sans bruit et tendit les bras vers moi. Son loup m'étudiait, et analysait son environnement. J'attrapai une serviette de bain et essuyai le petit avant de lui faire enfiler un immense tee-shirt que m'avais passé Caitlin une petite heure auparavant. Une fois sec, Luke, ou du moins son Loup, s'accrocha à moi et posa sa joue contre mon sternum. Mon Loup vibra à cet endroit et l'enfant répondit à son appel. Je suivais cet échange des yeux, curieuse. La chevelure brune du petit s'agita et il leva son visage vers moi. Ses yeux avaient retrouvés leur couleur naturelle. Luke se mit sur la pointe des pieds et ses minuscules mains se posèrent sur mes joues. Il frotta son nez contre le mien et me fit un immense sourire.

Mine [en cours de correction]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant