Mine [en cours de correction]

By maarie_sam

1.8M 118K 13.4K

Alice et son frère jumeau, Alexis, vivent depuis près de deux ans loin du peuple lycan pour fuir leur ancienn... More

CORRECTION DE RIGUEUR
Glossaire
Prologue
Deux
Trois
Quatre
Cinq
Six [réécrit]
Sept [réécrit]
Huit [réécrit]
Neuf [réécrit]
Dix [réécrit]
Onze : L'aurore avant le chaos [réécrit]
Chapter 11
Chapter 12
Chapter 13
Chapter 14
Chapter 16
Chapter 17
Chapter 18
Chapter 19
Chapter 20
Chapter 21
Chapter 22
Chapter 23
Chapter 24
Chapter 25
Chapter 26
Chapter 27
Chapter 28
Chapter 29
Chapter 30
Chapter 31
Chapter 32
Chapter 33
Chapter 34
Chapter 35
Chapter 36
Chapter 37
Chapter 38
Chapter 39
Chapter 40
Chapter 41
Chapter 42
Chapter 43
Chapter 44
Chapter 45
Chapter 46
Épilogue [réécrit]
Remerciements, suite ?

Un

71.8K 3.3K 567
By maarie_sam

        Un vent froid rentrait par la vitre passager entrouverte et traversait notre voiture de location en sifflant. Mes cheveux bouclés volaient dans tous les sens et s'amusaient à danser devant mes yeux, me bloquant la vue. Agacée, j'appuyai sur un bouton et la tempête qui commençait à prendre forme dans l'habitacle disparut. Un soupir satisfait s'échappa de mes lèvres. C'était tout de suite plus supportable. Alexis était à mes côtés et fixait la route sans broncher, les mains sur le volant, sa tête dodelinant de temps à autre au rythme de la chanson qui s'échappait du poste radio.
      Alexis et moi étions jumeaux. Faux jumeaux en réalité. Nous avions beau être né le même jour, nous nous ressemblions vaguement, comme un frère et une sœur de quelques années d'écart, qui n'avaient en commun que le regard et la chevelure. On m'avait souvent demandé si il était mon cousin, voire mon petit-ami, et lorsque nous disions être jumeaux, cela en étonnait plus d'un. 

       Mon frère tourna les yeux vers moi et je détournai les miens, faisant comme si de rien était. Puis, pensant qu'il était de nouveau concentré  sur la route, je reposai mon regard sur lui et mes sourcils se haussèrent d'étonnement. Son visage était tordu en une grimace si atroce que je manquais de m'étouffer avec ma salive. Un grognement étrange mais amusé sortit de ma bouche.

- Tu es d'une laideur ! pouffai-je.

- Tu t'es vue ? répliqua-t-il, mort de rire.

- Eh !

       Je lui frappai le bras et, faussement vexée, me tournai vers l'extérieur en fronçant les sourcils. Alexis prit une voix ridiculement féminine pour m'embêter mais je l'ignorai en me concentrant tant bien que mal sur les grands sapins et les bas-côtés recouverts de neige brumeuse. Je ne comptais pas craquer !

- On est encore loin ? demandai-je donc pour changer de sujet.

- Non, me répondit Alexis avec entrain.

     Je soufflai bruyamment et m'affalai sur la porte. La ceinture de sécurité me scia les côtes mais je ne cherchai pas à bouger.

- Tu me répètes la même chose depuis une heure... Tu peux me le dire si tu t'es trompé de chemin, je ne vais pas te zigouiller.

- On ne sait jamais avec toi, se moqua mon jumeau. Et non, on est bien sur la bonne route. Mais si tu trouves que je roule trop lentement, tu me le dis et tu prends ma place.

- Non, ça va !

       Je n'insistai pas plus, sachant que je risquais de devoir finir le trajet. J'avais conduit deux heures, juste avant son tour, ce n'était pas pour retourner au volant ! Alexis et moi avions passé notre code à Toronto l'année de notre seize ans, soit il y a un an de ça. Nous avions dû demander de l'aide à quelques loups solitaires traînant dans la grande ville pour nous payer nos heures et, heureusement, nous avions ensuite trouvé des petits boulots pour tout rembourser. D'ailleurs, le loup qui nous avait hébergé durant notre séjour en avait bien profité. Il faisait payer ses studios  plus ou moins acceptable une fortune aux personnes comme nous. Soit disant que trop d'individus de notre espèce au même endroit pouvait alerter de grands clans et nous mettre en danger. Plutôt le mettre en danger. Mais, ces appartements et la présence de nos semblables nous avaient permis de ne pas être trop dépaysés. Car, se retrouver seul et sans repère, ça changeait de notre vie d'avant. Je l'avais cherché, je ne m'en suis jamais plainte mais ce fut plus compliqué pour Alexis. Et je comprenais.

     Quittant mes pensées qui allaient finir par me rendre maussade, j'aperçus sur le bord de la route un panneau indiquant « Mills, cinq kilomètres ». Excitée, je le pressai d'accélérer en tapotant gaiment sur le tableau de bord. Alexis s'exécuta tandis que je trépignai d'impatience sur mon siège. Bientôt, maisons et bas immeubles apparurent d'entre les arbres et un sourire béat apparut sur mon visage.  Je vis du coin de l'œil le visage de mon frère s'éclairer. Nous allions enfin pouvoir nous poser dans un vrai hôtel et non plus un petit motel suspect au bord de la route. Et peut-être même nous installer définitivement dans cette ville. Mills était une ville  de réputation paisible de taille moyenne, d'environ vingt mille habitants, perdue au milieu d'une immense forêt. Un individu solitaire un peu étrange de notre espèce, notre voisin du dessus à Toronto, nous avait certifié qu'elle n'était sur le territoire d'aucune meute. Un endroit parfait pour disparaître.

    Mon frère se gara et coupa le moteur. Il ferma les yeux un instant puis tourna le visage vers moi. Il me sourit, crispé mais impatient, et quitta la voiture. Sa porte claqua avec force, signe de son impatience, pourtant bien moins visible que la mienne. Je me détachai et me précipitai dehors. Le vent glacial revint valser à mes côtés et je l'accueillis cette fois-ci avec bonheur. Mes bottes s'enfoncèrent dans la neige. 

- Bouge-toi, dit Alexis depuis le coffre. Tes fringues ne vont pas se porter tout seul.

       Je le rejoignis en grommelant et tendis les bras. Un immense sac à dos noir y atterrit, suivi d'un plus petit, le mien. Je mis le premier sur mon dos et attrapai le second par la bandoulière. Alexis portait quant à lui nos deux valises au poids conséquent. Une fois le coffre complètement vide, je pris les clés de la voiture dans sa poche de manteau et fermai notre moyen de transport en un bip strident. Puis, nous nous dirigeâmes vers notre nouvel habitat, qui semblait n'attendre que nous, à une vingtaine de mètres de nous.
     Notre hôtel était un bâtiment banal, pas très haut ni trop large, qui se fondait au milieu des maisons encore décorées des restes de Noël, fêté il y a à peine un mois. Cet hôtel était le seul de la ville, Mills n'étant pas une ville très touristique, nous avions réservé notre séjour des mois à l'avance, pour ne pas risquer de finir sans toit sur la tête en plein mois de février. En plus de ça, les chambres était peu cher et rentraient parfaitement dans nos maigres moyens. L'endroit parfait pour disparaître.

          Je poussai la porte d'entrée et une cloche annonça faiblement notre arrivée. Un souffle chaud et agréable nous frappa au visage et je frissonnai face à ce changement de température. Je tins la porte pour laisser Alexis passer puis entrai à mon tour, les yeux parcourant l'entrée des yeux. Un comptoir recouvert de paperasse se dressait au fond de la pièce. A gauche, une imposante cheminée chauffait la pièce. Des flammes rougeâtres ondulaient dans la cavité. Alexis s'avança dans le hall, se stoppa au comptoir et posa les lourdes valises au sol. Ne voyant personne, il se pencha légèrement.

- Il y a quelqu'un ? demanda-t-il.

     Un couinement surpris vint de sous le comptoir, suivi d'un bruit sourd et d'un outch étouffé. Alexis et moi nous regardâmes et je le vis se retenir de rire. Une femme apparut alors, les joues cramoisies et la main posée sur son front. La vingtaine, des joues rebondies encadrées par une chevelure blonde platine et la silhouette tout en chair, elle s'excusa de sa réaction en un balbutiement à peine compréhensible. La femme posa un tas de feuilles sur les autres, sûrement celles l'ayant faite se cogner.

- Nous avons réservé une chambre, lui dit mon jumeau dans un sourire.

- C'est à quel nom ? 

- Clay et Erika Johns, répondis-je en sortant et en lui tendant nos cartes d'identité.

     Pour pouvoir refaire notre vie, nous avions dû changé d'identité. Pour les humains, Alexis et Alice n'existent pas. Nous avions donc trouver des faussaires pour nous fournir en cartes d'identité factices. Ce ne fut pas difficile à trouver, étant donné qu'il en regorgeait dans le monde lycan. Tous les loups solitaires, ou presque, souhaitaient oublier leur vie précédente. Être exclu de sa meute était un sujet très tabou et cela donnait une très mauvaise réputation, d'où le grand nombre de changements d'identité. Cela permettait aussi de devoir raconter son histoire parfois sombre ou délicate aux nouveaux lycans que l'on rencontrait. Mais les faux papiers étaient très chers et nous avions travaillé encore plus pour parvenir à amasser assez d'argent. Nous étions donc deux frère et sœur, Clay et Erika Johns, de vingt-et-un et dix-huit ans, nés à Toronto. Deux humains sans problèmes, sans études, sans famille, décidés à se créer une nouvelle vie pleine de bonheur. 

       Nous vérifiâmes notre réservation avec la femme de l'accueil. Au vu de notre projet, nous ne pouvions dépenser que peu d'argent avant notre installation définitive. Nous avions donc choisi de demander une chambre pour deux et avions pris le luxe d'inclure les petit-déjeuners et les dîners à l'hotel jusqu'à la fin de notre séjour. La femme nous rendit nos papiers, puis nous assomma avec d'innombrables informations quelconques qui, face à ma fatigue, ne furent bientôt plus écoutées. Voyant mon état, Alexis me proposa de monter sans l'attendre. L'hôtesse ne tarda pas à poser les clés de notre chambre sur le comptoir.

- Je vais me renseigner sur les emplois disponibles dans le coin, ajouta-t-il en poussant les clés vers moi. 

Je hochai la tête sans rien ajouter avant de me diriger vers l'ascenseur, une valise dans chaque main. Je montai jusqu'à notre étage avant de m'aventurer dans le couloir à la recherche de notre numéro. Je manquai par deux fois de trébucher à cause de mes valises, plus particulièrement quand je croisai un homme imposant qui prenais une bonne partie du passage. Mon corps se crispa sans raison quand je passais à côté de lui, et mon regard chercha alors curieusement le sien pour comprendre la raison de cette gêne. La dernière fois que j'avais ressenti ça était il y a quelques mois, quand j'avais fait la rencontre de nouveaux loups. L'homme se pencha soudain vers moi en fronçant les sourcils et le nez. Si j'avais été complètement humaine, je ne l'aurais même pas remarqué mais ma vision plus précise avait pu percevoir ce léger mouvement. Mon coeur manqua un battement. Perturbée, je brisai le contact et accélérai le pas jusqu'à la porte de ma chambre.

- Trouvé ! soufflai-je, impatiente.

    J'insérai la clé dans la serrure et pénétrai dans la pièce avec précipitation, voulant m'échapper le plus vite possible. J'aperçu du coin de l'oeil qu'il avait la tête toujours tournée vers moi et un frisson me traversa. Ce n'est qu'avec la porte fermée que je me permis de me détendre. Aussitôt, mille questions envahirent ma tête. Était-il comme moi ? M'avait-il reconnue comme un membre de sa race ? Je me rassurai tant bien que mal, me rappelant que la ville était aux dernières nouvelles sur aucun territoire. Il n'était probablement qu'un homme intéressé par moi ou, au pire des cas, un loup solitaire de passage comme nous l'étions. Une fois la panique passée, je levai les yeux vers l'intérieur de la pièce et poussait dans un coin lointain de ma mémoire ces hypothèses improbables. C'était une chambre de taille moyenne avec deux lits une place, une grande armoire en bois sombre, une table ronde entourée de trois chaises, une vieille et imposante télévision et un bureau. Je posai les sacs au sol et me dévêtis avant d'aller m'affaler sur un des lits que j'auto-proclamai mien. Je me tortillai sur le matelas, en savourai le confort, et me débarrassai de mes bottes encombrantes. Je fermai les yeux et profitai du calme environnant. Il me semble même assoupie quelques instants tant le silence était agréable. Silence qui fut brisé lorsque mon faux jumeau pénétra dans la pièce. Premièrement, il ouvrit la porte trop fort et elle claqua contre le mur. Second point, il lâcha presque la dernière valise au sol qui fit un bruit monstre. 

- Fais moins de bruit ! m'exclamai-je en me redressant sur mes coudes. Tu vas emmer...

     La fin de ma phrase se perdit alors qu'Alexis me sautait dessus, en criant comme un guerrier. Je me protégeai le visage de mes bras mais le reste de mon corps se désintégra face à son poids de plume. Je laissai échapper un cri de souffrance.

- Alexis ! m'écriai-je en gigotant dans tous les sens. Tu pèses une tonne, bouge de là !

- Je ne pèses pas une tonne c'est toi qui est aussi musclée qu'un cure-dents !

    Je lui tapai l'arrière du crâne et lui assénai un coup de pied dans le mollet. Alexis se poussa sur le côté en gémissant et en faisant semblant de pleurer, sûrement pour m'imiter. Très mauvaise imitation. Je m'assis et croisai mes bras sur ma poitrine en plissant les yeux dans sa direction. Il éclata de rire en voyant ma tête.

- Arrête de te moquer !

     Cela le fit glousser encore plus fort. Levant les yeux au ciel, je lui laissai le temps de se calmer, ce qui dura une bonne poignée de minutes. Je remarquai qu'Alexis n'avait pas réagi à l'odeur de l'homme que j'avais croisé. Bien qu'il ne s'était pas transformé depuis deux ans, mon frère jumeau devait tout de même avoir encore l'odorat entraîné pour reconnaitre les odeurs des lycans. Je m'étais simplement montée la tête toute seule

- Alors ? demandai-je, rassurée. Il y a du travail dans le coin ?


- Mais tu peux faire plein d'autres choses ! insistai-je en enfilant mon manteau. Il doit y avoir d'autres emplois ici. Et puis on peut changer de ville pour trouver ailleurs !

- Alice, tu sais bien que l'on n'a pas assez d'argent pour payer un autre hôtel ou même pour rouler jusqu'à retrouver une plus grande ville. Cette ville est notre meilleure option pour rester incognito, on nous l'a certifiée. En plus de ça on va bientôt rendre la voiture ! 

      Je levai les yeux au ciel.

- Je sais bien... Mais de là à faire une formation pour être esthéticien !

      Je retins avec beaucoup de mal mon sourire. L'idée de faire ce métier l'ennuyait déjà assez, alors si j'osais le narguer avec ça, j'allais passer un sale quart d'heure. Alexis avait demandé à l'hôtesse le journal de la ville pour regarder les annonces d'emplois. Il lui avait aussi demandé conseil mais la jeune femme était peu renseignée. Elle luit avait tout de même assuré qu'un centre esthétique cherchait une personne et qu'il pouvait même se faire former là-bas si besoin. L'autre proposition, qui était d'être vendeuse dans un magasin de lingerie féminine, lui était tout aussi peu rutilante. Malgré son désintérêt flagrant, il semblait avoir déjà accepté sa possible future situation.

- On peut toujours aller vivre dans les bois, proposai-je en fermant mes bottes. Il doit y avoir des biches à chasser.

- Mais bien sûr, ricana froidement Alexis en ouvrant la porte de notre chambre. Devenons des habitants de la forêt, vivons tous les deux au beau milieu des sapins et devenons amis avec les buissons. C'est sûr qu'on va faire long feu !

      Je fis une grimace. Évoquer ce type de train de vie ne fut pas ma meilleure idée. Retrouver la vie en forêt signifiait se rappeler. Et moi, plus que tous, souhaitait oublier comment c'était. Comment ça s'était terminé.

       Nous quittâmes l'hôtel à la recherche de quoi manger.. Nous commençâmes à déambuler dans les rues, les chaussures crissant dans la neige, pour visiter la ville qui allait nous accueillir pendant plusieurs semaines. Comme nous étions proche du centre de Mills, nous croisâmes quelques humains malgré la température plutôt basse. Un commercial se situait à une dizaine de minutes de notre lieu d'hébergement et nous y arrivâmes rapidement. Là, nous trouvâmes un petit restaurant typique. Le déjeuner fut simple et rapide, étant donné que nous n'avions pas de temps à perdre. Il fallait trouver un travail, et vite. Nous nous laissâmes tout de même le temps de savourer des queues de castor, des beignets canadiens recouverts de sirop d'érable. Je laissai mon contact au serveur avant de partir. Alexis lâcha un grand soupir de soulagement en sortant du restaurant. Je levai les yeux.

- Tu exagères, lui dis-je sans me détourner de mon objectif. Tu dis ne pas vouloir vivre en forêt mais tu ne supportes pas de rester enfermer avec des humains. 

- Les humains sont puants, inutiles et irrespectueux, ce n'est pas ma faute ! grogna-t-il. Ils s'aspergent toujours de parfum ou de crèmes chimiques au lieu d'apprendre à se respecter entre eux et à suivre la hiérarchie. C'est écoeurant. Tu le sens bien toi aussi, non ? 

    Je secouai la tête.

- Nous sommes presque comme eux. Ne fais pas comme si les nôtres étaient exemples de respect et de gentillesse, soufflai-je avec amertume.

      Mon frère soupira. Il avait bien du mal à comprendre le fonctionnement des humains, et cela faisait partie de l'un de nos plus grands sujets d'opposition. Pour notre espèce, l'esprit de meute était capital. Mais j'en avais toujours manqué, et c'était maintenant aussi le cas pour mon jumeau. Par ma faute. Nos deux années de vagabondage semblaient avoir effacé de son esprit toutes les horreurs que les loups pouvaient faire aux leurs, voire même aux humains. J'avais beau être la source de son malheur, le voir tant idolâtrer un peuple parfois si haineux avait tendance à me révolter. Toutefois, je ne me permettrai pas de m'opposer à lui à ce sujet. Mes torts étaient bien plus inexcusables que la vision biaisée qu'il avait de notre passé.

- On voit rendre la voiture dans deux heures et demi, dis-je pour changer de sujet. Autant profiter du temps qui nous reste pour aller demander aux magasins du centre commercial si ils recherchent des employés. 

      Alexis acquiesça et nous nous mimes en route. Le centre était en réalité assez petit donc le tour fut assez rapide. Le centre esthétique fut le premier a être visité. Alexis déposa son CV et ses coordonnées, sur lesquelles nous travaillions depuis des mois. Je choisis aussi de laisser mon dossier au cas où. Puis, nous passâmes dans une vieille librairie bien trop poussiéreuse pour notre odorat délicat. À peine rentrés, nous avions dû ressortir en éternuant à tout va. 

- Je préfère encore l'esthétisme ! toussota Alexis, les yeux légèrement rouges.

      J'éclatai de rire, manquant de m'étouffer en reprenant mon souffle. S'enchainèrent ensuite des magasins de vêtements, où nous nous amusâmes plus à regarder la dernière collection vendue qu'à proposer nos services.

- Ça t'irait bien non ? me proposait Alexis pour la dixième fois.

   Je haussai les épaules et regardai les autres mannequins sans m'y attarder. Si je m'étais découvert un attrait pour la mode en vivant dans le monde humain, je restais mesurée et surtout savais économiser quand il le fallait. Le plus dérangeant était surtout que mon frère me proposait les pièces les moins jolis du magasin. Dès qu'un vêtement était d'une couleur ou d'une forme particulière, il susurrait sournoisement mon faux prénom pour me le présenter.

- Clay, on n'est pas là pour ça, râlai-je en le tirant vers la sortie.

     Il m'ignora avec superbe et je grognai de frustration. Il était agaçant quand il faisait ça. Alexis décida de m'acheter un pull over et d'en prendre un assorti pour lui. "Pour que l'on ne se perde pas de vue" disait-il. À la caisse, je remarquai les yeux intéressés de la vendeuse posés sur mon frère. Je le savais beau. Il avait de grands yeux verts, semblables au miens, et affichait souvent un visage aimable et enjoué qui pouvait beaucoup plus Malheureusement, Alexis n'était pas attiré par les femelles humaines. Une perte de temps selon lui, car il se détournerait d'elles dès qu'il trouverait son âme-sœur. Mêler les hommes et les loups autrement que dans des rapports professionnels ou scolaires était plus que déconseillé. Jamais les deux espèces ne pourraient réellement comprendre le fonctionnement de l'autre. L'absence de solidarité chez les uns et les caractéristiques dites surnaturelles chez les autres rendant toute entente impossible.                                                                                                                    

        Je remerciai Alexis, sachant qu'il ne me laisserait le rembourser sous aucun prétexte. L'heure avait bien avancée, et le soleil entamait très lentement sa descente. Je proposai à Alexis de retourner à l'hôtel pour récupérer la voiture et la rendre dans le garage de la compagnie à qui nous l'avions empruntée. Alors que nous allions repartir, je sentis une main se poser sur mon épaule et une voix grave m'interpeller. 

- On pourrait discuter un moment ?

      Je me crispai à l'entente de cette voix. Au-delà d'être grave, elle avait l'air tout droit sorti de la gorge d'un homme des cavernes. Elle était rocailleuse. Animale. Je fis tout de suite le lien avec l'homme que j'avais croisé à l'hôtel. Sans même avoir besoin de le regarder, je ressentais les mêmes sensations qu'il y a quelques heures. Cet homme n'était pas humain Un frisson glacial me traversa.

- Vous faites quoi là ? grogna Alexis en éjectant la main de l'individu et en me tirant vers lui.

      Je sus à la seconde près quand Alexis comprit ce qu'il était. Son corps se tendit et son étreinte se resserra autour de moi. Protecteur, il me cacha de sorte à ce que l'homme ne puisse pas me voir. Mes yeux s'humidifièrent et le souffle commença à me manquer. S'il avait été solitaire, ce loup n'aurait jamais tenté de nous aborder. Cela voulait donc dire qu'il appartenait à une meute, et probablement que nous étions sur son territoire.

- On ne savait pas du tout que nous étions sur un territoire occupé, tenta Alexis pour calmer le jeu. On est solitaires, on ne veut absolument pas prendre votre ville ou votre forêt. Laissez-nous simplement récupérer nos affaires et nous serons partis avant la nuit. 

- Tu mens, grogna le loup. J'ai croisé ta femelle ce matin, elle a très bien senti ce que j'étais. 

      Je sentis le regard d'Alexis se poser sur moi. Il devait sûrement se demander si j'étais encore réellement capable de sentir ce genre de chose. Je regrettai de ne pas lui avoir partagé mes doutes, nous aurions probablement pu nous enfuir avant. 

- Les accidents arrivent, dit une autre voix plus calme. Il faut juste que vous rencontriez notre Alpha pour qu'il vérifie que vous ne mentiez pas. Vous semblez trop jeunes pour être en mission de surveillance mais trop jeunes pour être solitaires, on ne veut pas prendre de risques.

- On ne souhaite pas rencontrer, donc laissez-nous juste partir, gronda mon jumeau dont la voix devenait aussi plus grave. Vous ne faites qu'attirer l'attention sur nous, et personnellement je n'hésiterai pas à faire en sorte d'alerter les humains.

      La menace attira suffisamment mon attention pour calmer mon angoisse. Alexis n'avait pas muté depuis trop longtemps, ce n'était probablement même pas possible pour lui de muter totalement ou partiellement. En plus de ça, il était trop jeune et trop peu inexpérimenté pour espérer prendre le dessus contre deux autres mâles. Il fallait que je prenne les choses en main. Je repoussai Alexis, qui grogna face à ma réaction mais ne lâcha pas du regard les lycans. Sans me tourner vers eux ni leur parler, dont l'animosité faisait remonter en moi des souvenirs douloureux, j'embarquai Alexis avec moi avec le plus de force que possible. En deux secondes, on attrapa de nouveau mon épaule et je manquai de tomber par terre. 

- Pas touche ! siffla Alexis.

     Il se dégagea de ma poigne et bondit sur l'individu. Je fis volte-face pour tenter de l'en empêcher mais un autre homme — probablement l'autre loup — fit rempart. Il essaya de m'apaiser et de me faire comprendre que tout allait bien se passer mais rien n'y faisait : je ne pouvais pas laisser mon frère tout seul ! Je le voyais du coin de l'oeil tenir l'autre homme par le col de la nuque, et pouvais aussi apercevoir que son opposant commençait à être clairement agacé. Alors que j'allais tenter le tout pour le tout, au risque de me prendre un coup, une nausée me saisit et me ramena des années en arrière, quand j'étais régulièrement sujette à ce genre de mal. Cela ne venait que d'une chose. L'aura d'Alpha. Ma nuque se baisse presque d'elle-même tant ce pouvoir était incontesté.

- Vous avez fini de vous donner en spectacle ? gronda une voix dans mon dos. 

     La voix me cloua sur place pour je ne sais quelle raison et un frisson me parcourut des pieds jusqu'à la tête. Je ne bougeai pas, alors que je l'entendais s'approcher de moi. Il semblait être accompagné, tant la pression de l'Aura était importante. La présence de l'Alpha se fit sentir dans mon dos alors que je tentais de me faire plus petit que jamais. Le dominant posa sa paume contre ma nuque et la serra légèrement. Bien que je ne l'ai reçu que certaines fois, je me souvenais que c'était un moyen pour les Alphas de montrer leur supériorité physique sur les autres loups. L'Alpha se posta un peu en retrait à ma gauche. De mon côté, je continuai de garder les yeux rivés vers le sol. J'étais paralysée. Je vis du coin de l'oeil la silhouette de l'homme se baisser à mon hauteur et son souffle caresser mon oreille. Alexis grogna un peu plus loin, mécontent. Il ne pouvait pas faire grand chose de plus face à l'Alpha et cela devait le mettre hors de lui.

- Des humains sont déjà en train de nous regarder, et je n'ai pas envie de gérer cela. Demande à ton mâle de se calmer et il ne vous sera fait aucun mal. 

      Voyant que je ne comptais pas répondre, ses doigts vinrent envelopper le bas de mon visage et lever mon visage. Mes yeux cherchèrent à s'échapper à l'inéluctable entre avec les siens. Il s'attardèrent sur son menton et sa mâchoire barbue, puis glissèrent jusqu'à son nez droit et fin. Ses narines frémissaient doucement et je louchais un temps dessus. L'Alpha grogna en resserrant sa poigne sur mon visage, m'intimant d'arrêter mon manège. J'abdiquai. Enfin, mes pupilles rencontrèrent les siennes. 

     D'un coup, c'était comme si tout se chamboulait. Ce fut comme si je venais d'apprendre à respirer, à voir, à sentir, à ressentir, à vivre. Mon corps semblait affranchi de tous ses méfaits et mon coeur libéré de tous ses maux. Je renaissais . Et il était là, ce besoin. Ce besoin quasiment maladif de fondre sous la chaleur de ses iris.

- Tu pensais pouvoir m'oublier Alice ?

      Et soudain, le monde arrêta de tourner.

Continue Reading

You'll Also Like

1.5K 69 7
Ceci est un ship de Anya Forger x Damian (Damien) Desmond Cette histoire ce passe de leurs 15 à ...(bcp) ans Du coup voila (j'ai jamais eu de l'ins...
1.5K 91 40
Malia Pierce, à dix-neuf ans, était seule, bougeant constamment de peur d'être traquée et retrouvée par ses bourreaux. Elle est la fille de l'Alpha d...
17.5K 852 32
༄ 𝑡/𝑝 𝑢𝑛𝑒 𝑗𝑒𝑢𝑛𝑒 𝑙𝑦𝑐𝑒́𝑒𝑛𝑒 𝑣𝑎 𝑟𝑒𝑛𝑐𝑜𝑛𝑡𝑟𝑒́ 𝑝𝑎𝑟 ℎ𝑎𝑠𝑎𝑟𝑑 𝑐𝑒 𝑚𝑦𝑠𝑡𝑒𝑟𝑖𝑒𝑢𝑥 𝑗𝑒𝑢𝑛𝑒 ℎ𝑜𝑚𝑚𝑒 𝑞𝑢𝑖 𝑣𝑎 𝑐ℎ�...
1.5M 75K 37
Alyss est une louve-garou. Maltraitée par sa meute, elle parvient à s'enfuir en laissant derrière elle plusieurs années de souffrance et de solitude...