Projets

By OenixAkaru

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De l'idée d'une amie qui a fait la même chose, au diable mon envie de ne faire que des fanfictions sur Wattpa... More

Jour 56 (texte concours)
Tutoiement (texte concours)
Nos mondes virtuels (texte concours)
Mon dernier voyage (texte concours)
Ma très chère mère (texte concours)
Nouveau monde (texte concours)
Psychologie humaine
Sans titre (1)
Seul avec du monde autour (exercice bonus écriture S1)
Ombres (exercice cours d'écriture S2)
Boule de papier (exercice cours d'écriture S2)
Titres (exercice cours d'écriture S2)
Petit Chaperon Rouge (exercice cours d'écriture S3)
Médée (exercice cours d'écriture S3)
Maltonius Olbren (exercice cours d'écriture S3)
Kafka (exercice cours d'écriture S3)
Un dîner [de cons] d'artistes (exercice cours d'art et littérature S4)
Les mémoires de XxxXxXx (exercice cours d'écriture S4)
Nordisk Nattens Drøm (exercice cours d'écriture S4)
Gregory Crewdson (exercice cours d'écriture S4)
Le Lac de Carcès (exercice cours d'écriture S4)
Centons (exercice cours d'écriture S4)
Journal (exercice cours d'écriture S4)
Sherlock (exercice cours d'écriture S4)
Loups (exercice cours d'écriture S4)
Paysages (exercice cours d'écriture S4)

La Chose (texte concours)

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By OenixAkaru

Ceci est le premier texte de concours que j'ai écrit, il y a un bon moment, en 2018 je crois ? Je l'ai relu il y a quelques mois par curiosité, et j'ai été frappé par les répétitions et les incohérences que j'avais pu faire, mais je n'ai pas eu la foi de les corriger x) De toute façon, je pense préférer mettre mes textes de concours tel quels, que vous puissiez lire comme si vous étiez le jury xD

Il est un peu long, un peu glauque aussi. Il n'y avait pas de thème particulier pour le concours, donc allez savoir où j'ai trouvé mon inspiration.



La mort ne m'a jamais effrayé.

D'aussi loin que me vient l'idée de mourir, je n'y ai toujours vu qu'un simple passage du corps fonctionnel à l'arrêt du système. Rien là dedans de bien triste ou sujet à la frayeur ; un simple repos éternel et paisible après des années de souffrances silencieuses.

Contrairement à la grande majorité des humains dotés d'un-tant-soit-peu d'intelligence, la pleine certitude de ma mort, un jour lambda et aléatoire dans le grand livre de l'Histoire de la vie, me rassure, d'une certaine manière. Savoir qu'un jour, quelque part, mon existence prendra fin, et que la Grande Faucheuse emportera tous mes soucis très loin de mon être et de mon âme, ne peut que me soulager. Qui a besoin de se ronger les sangs pour une chose aussi inévitable et imprévisible ?

Depuis ma naissance, j'ai toujours eu une éducation admirable. J'avais un père constamment en déplacement aux quatre coins du monde, et une mère au foyer qui n'avait d'yeux que pour sa pauvre et ridicule bibliothèque qui, à tout casser, ne contenait même pas cent romans. Néanmoins, ma nourrisse, une femme incroyable qui aurait très bien pu être ma mère si le lien du sang importait peu, m'a élevé et vu grandir comme si son existence entière se réduisait à ma petite personne. Elle m'a materné, m'a appris à lire, à écrire et à compter ; elle m'a préparé à manger, a changé mes couches et m'a couché chaque soir, me chantant des comptines et me berçant contre sa poitrine ; elle m'a enseigné les valeurs morales, les bonnes manière ; ce que je suis devenu est le fruit de son travail, non celui de ma génitrice, qui n'a fait que me mettre au monde ; et à l'instant même où le cordon ombilical était coupé, c'était encore ma nourrice, toute tremblante, qui avait pris dans ses bras la petite chose toute frêle et fragile que j'étais.



C'était une journée brumeuse, le téléphone avait sonné, et un vieux monsieur avait parlé, de sa voix monotone, de l'autre côté du combiné. Mon oreille innocente collée à l'appareil froid, il m'avait annoncé le décès de ma mère, à huit heures deux du matin, en allant faire des courses au marché du coin, à moins de trois bornes de chez nous. Je n'ai juste pas su quoi répondre, et il me semble d'ailleurs n'avoir pas articulé le moindre son. Ma mère biologique était morte ; bon. Qu'est-ce que cela pouvait bien me faire ? Elle n'a jamais porté un semblant d'intérêt envers moi, et n'était même pas fichue de trouver un travail et d'encaisser un salaire. Ma mère n'était qu'une femme parmi tant d'autres.

Lorsque j'avais annoncé la nouvelle à ma nourrice lors du repas du soir, elle avait fondu en larmes. Je ne l'avais pas comprise ; jamais ma mère ne se souciait d'elle, et ne portait d'attention à ce qu'elle faisait ; chaque jour, elle avait simplement une liste de tâches ingrates à faire, en plus de devoir s'occuper de moi, et, plus tard, de mon petit frère de cinq ans mon cadet. Toute sa vie ne se résumait qu'à l'obéissance, et lorsqu'à l'école nous avions étudié l'esclavage, j'avais levé la main et affirmé à mon professeur qu'une nourrisse était une esclave, ce qui m'avait valu deux cents lignes à copier pour le lendemain.

J'avais pris ma nourrice dans mes bras, même si cela donnait plus l'impression du contraire ; cependant, aucune trace d'un quelconque chagrin sur mon visage, et mon ressenti restait neutre ; je ne voyais en ma mère défunte qu'une personne inutile, indigne de la moindre émotion de peine ou de regret suite à sa perte.

À partir de ce jour, ma définition de la mort ne se résumait plus qu'à « l'individu ayant perdu la vie ». Nul chagrin, peur, joie ni dégoût ; juste un cœur qui s'arrête de battre et un enterrement barbant où un groupe de personnes vêtues de noir pleuraient bruyamment à côté d'un morceau de pierre taillée, lissée et gravée.



Lorsque mon père est mort, moins d'un an plus tard, je n'ai rien ressenti de plus.

Je ne l'avais vu que quelques fois dans ma vie ; et s'il appelait quelquefois sur le fixe de la maison, ça n'était que pour prendre des nouvelles de l'entretient du jardin.

Néanmoins, je venais de passer mes onze ans ; et si les finances n'étaient pas mon point fort, je savais quand même que notre situation venait de prendre un tournant plus risqué. Plus personne n'était présent pour ramener l'argent, et nous étions désormais trois à nourrir et loger, sans salaire et sans réel héritage.

Ma nourrice, Anjya, avait alors tenté de vendre la maison, à un prix raisonnable et tout à fait accessible ; trois mois plus tard, nous avions vendu, nous avions l'argent, mais nous étions à la rue.

Anjya trouva un petit appart en location pour trois personnes ; modeste et assez propre, plutôt bien situé, nous pûmes l'avoir assez rapidement. Les choses revenaient peu à peu à la normale.

C'est à ce moment là qu'elle tomba malade. Rien de bien grave, une simple toux, aggravée d'une petite fièvre ; elle fut amenée à l'hôpital lorsqu'elle dépassa les quarante-et-un degrés, et nous payâmes les frais, plus coûteux que nous le pensions. Ça n'était pas qu'une simple fièvre ; elle mourut douze jours plus tard.

Sa mort ne me fit rien, et je me surpris à détester ça. Je considérais Anjya comme l'une des personnes – avec mon frère – les plus chères à mes yeux, et savoir que même sa perte m'indifférait me compressait la poitrine et me brûlait les poumons. N'importe quelle personne pleurerait le décès d'un être cher, non ? Pourquoi pas moi ?



Un monsieur dans la trentaine nous recueillit, mon frère et moi. C'était le propriétaire de l'appart que nous louions, et lorsqu'il connut notre situation, il en fut tellement touché – c'étaient ses mots – qu'il prit la décision de veiller sur nous. Il nous demanda nos noms, nous n'en avions pas vraiment ; ma mère n'avait jamais pris la peine de nous en donner, et Anjya n'avait pas osé le faire. Le monsieur, nommé Kiraah, nous confia alors de nouvelles identités ; j'étais Akkya, mon frère était Gayl.

Pendant deux ans et demi, tout allait bien. Gayl et moi nous étions bien intégrés dans ce nouveau système de vie. Les proches de Kiraah nous ont adorés dès l'instant où ils nous ont vus ; et immédiatement, nous faisions officiellement partie de la famille.

Mais je savais que quelque chose n'allait pas. Quelque chose clochait avec moi. Un sentiment inexplicable s'emparait quelquefois de moi, et à chaque fois, je me retirai dans un coin pour vomir, l'estomac retourné et la tête lourde.

Je sus définitivement que je n'étais pas normal lorsque je le tuai volontairement.

J'étais dans les bois qui surplombaient la maison, ce jour là. Il faisait presque nuit, mais il faisait bon, et j'avais pris ma lampe torche et lisais mon livre tranquillement, assis, adossé à un arbre. Il était alors apparu, sûrement alerté par la lumière ; ses petits yeux verdâtres luisaient dans la nuit, et son pelages roux soyeux brillait lorsque je l'éclairai ; il miaulait, miaulait sans cesse, m'empêchant de lire correctement. J'avais alors posé mon livre, prenant grand soin de ne pas l'abîmer et de ne pas perdre ma page, avais pris une grosse pierre à deux pas de moi, et avait frappé ce chaton sans la moindre considération, avec un agacement simple. Lorsque je reprenais mes esprits et que je me rendis compte de mon acte, sa petite tête était écrasée, souillée par son propre sang, et la cervelle qui dégoulinait lentement sur l'herbe imprégnait ma main d'une substance poisseuse, visqueuse, et collante.

J'avais alors regardé la pauvre bête ; inanimée, par ma faute, elle gisait là, à mes pieds. La bile m'était montée à la gorge, une certaine nausée s'était emparée de moi ; puis je m'étais relevé, avait récupéré mon livre, perdant ma page au passage, et avais simplement shooté dans le corps, qui était allé se planter dans un buisson, hors de vue des passants. Une bête finirait bien par achever le travail que j'avais si peu soigneusement commencé. Ça n'était qu'un chat parmi tant d'autres.

En rentrant chez moi, j'avais essuyé ma main sur mon pantalon, non sans dégoût, et je me souviens même avoir craché dans ma paume pour tenter de la nettoyer avec ma salive.

Franchissant la porte d'entrée, Kiraah m'avait demandé si j'allais bien. Il paraissait inquiet, et, d'après lui, j'étais blanc comme un linge. Puis il avait remarqué le sang sur ma cuisse droite ; il s'était alors précipité sur moi, m'examinant de la tête aux pieds, alertant Gayl au passage. J'avais ensuite raconté une fausse découverte du cadavre de l'animal, omettant volontairement mon implication dans ce meurtre. Kiraah m'avait pris dans ses bras, me caressant le dos, et m'avait chuchoté des mots apaisants.

C'était vrai, après tout. Ce que j'avais raconté était vrai.

Mais je n'avais pipé mot à propos de l'auteur de sa mort. Je n'avais pas dit que c'était moi le fautif.

Il m'avait demandé si tout allait bien, et j'avais hoché la tête. Gayl me regardait intensément, mais je n'ai pu décrypter le message dans ses yeux.

Nous étions ensuite allés nous coucher, dans le silence le plus total après cet incident. Gayl et moi partagions la même chambre, nos lits étaient en face ; le mien contre le mur de droite, le sien contre celui de gauche. La chambre était plongée dans l'obscurité la plus totale, et le petit halo de lumière qui traversait la fente des volets n'éclairait en rien. Néanmoins, aux bruits des ronflements de mon frère et de leur direction, je pus aisément deviner qu'il était dos à moi.

« C'était toi, hein ? m'avait-il demandé au bout d'un moment, alors que je pensais qu'il dormait.

– Pardon ? avais-je répondu, dans l'incompréhension.

– Le chaton, avait-il continué, de la voix la plus neutre possible. C'est toi qui l'a tué, non ? »

Mes yeux s'étaient alors écarquillés, et j'avais réprimé un hoquet de surprise, qui, malheureusement, ne lui avait pas échappé.

« Je le savais, avait-il dit. C'était évident.

– Tu te trompes, avais-je tenté de me rattraper. Ça n'était pas moi. Je n'ai rien fait.

– Alors c'était en toi. C'était toi, sans être toi.

– De... quoi ?»

Il ne m'avait pas répondu, me laissant dans ce désarroi le plus total, triste à mon sort. Il savait réellement ? Est-ce que Kiraah savait, lui aussi ? Et puis... Il n'était pas en colère ? Ni triste ? Ni effrayé ?

Je ne comprenais pas.

Je n'avais pas fermé l'œil de la nuit.



La deuxième fois, ce fut un chien.

Kiraah avait adopté un chiot. Il estimait que notre famille n'était pas au complet ; et bien qu'il ne s'amusait pas à chercher de compagne ou de compagnon – il trouvait que cela ne servait à rien, que cet amour là était inutile, idiot et irréel – il pensait qu'un animal de compagnie serait bien plus utile pour notre petite famille et apporterait plus de joie et d'animation. L'événement du chat semblait l'avoir beaucoup marqué lui aussi, donc il avait abandonné l'idée pour se concentrer sur un chiot.

C'était un magnifique petit labrador beige, aux éclats dorés, et il avait la particularité d'avoir les yeux d'un bleu si clair qu'on pouvait presque les voir blancs. Il était très joueur, très mignon, et Gayl et moi étions vraiment heureux de l'avoir parmi nous.

Le jour de mes quatorze ans, mon anniversaire avait été grandiose. Le chiot était devenu chien, nous l'avions nommé Bruchius, et il s'amusait beaucoup avec mes restes de papier cadeau. L'anniversaire des neuf ans de Gayl allait bientôt arriver également, ce qui l'excitait d'ailleurs ; il aimait particulièrement Bruchius, comme s'il était le petit frère jamais né qu'il aurait aimé avoir, et voulais partager ses cadeaux et son gâteau avec lui.

Le soir de ma fête, donc, alors que nous avions tout rangé, tout nettoyé, et tout débarrassé, j'avais retrouvé le chien dans le lit de mon frère. Kiraah nous avait demandé de ne pas l'emmener avec nous, dans notre chambre, pour qu'il ne prenne pas de mauvaises habitudes et ne salisse pas nos draps. Malgré tout, Gayl l'avait bien autorisé à venir dans son lit, puisqu'il y était ; et cela m'avait particulièrement déplu.

J'avais donc pris le malheureux par les oreilles, et il ne s'était pas défendu ; il était encore assez jeune, il n'avait pas un an, et il savait se montrer raisonnable quand il devait être puni.

Je l'avais poussé assez brusquement dans le salon, et l'avais grondé. Gayl était arrivé à ce moment là, et m'avait supplié de le laisser dormir avec nous, ce à quoi j'avais répondu par la négative assez méchamment. Il avait alors fait la moue, avant de regagner sa chambre, penaud.

Gayl ne m'avait jamais demandé de dormir avec lui. Il ne s'était jamais glissé dans mon lit, sous ma couette, après un cauchemar. Non, il allait voir Bruchius.

Et l'affection qu'il lui portait m'énervait. Pire, me rendait furieux. M'horripilait.

Alors, lorsque j'avais eu la confirmation que Gayl dormait bien, j'étais retourné dans le salon, j'avais mis mon manteau et mes chaussures, réveillant le fauve au passage ; j'avais pris un de ces couteaux de cuisine que mon père gardait de côté pour découper les gros morceaux de viande grillée au barbecue, j'avais attaché la laisse à son collier, lui promettant une promenade, et nous étions sortis.

Nous avions fait quelques mètres, de sorte à ce que nous fûmes assez loin de la maison. Et alors que Bruchius reniflait un petit tas d'herbe sentant probablement l'urine animale, j'avais levé le poing, couteau en main, et l'avais abattu sur sa tête, juste en dessous de ses oreilles. Il avait couiné, assez bruyamment ; et par peur de réveiller quelque personne qu'il soit du voisinage, je lui avait ensuite tranché la gorge en vitesse, et il s'était tu.

Il m'avait fallut un moment pour comprendre ce que je venait de faire. J'aimais Bruchius. Mais j'aimais mon frère encore plus. Et mon frère devait m'aimer plus que Bruchius. C'était la règle, entre frères, non ?

Pour rendre plus facile le transport, je lui avait découpé les membres, m'occupant d'abord des pattes, puis de la tête et de la queue, que j'avais rassemblés en petit tas, un peu plus loin.

J'étais ensuite rentré à la maison, et avais effacé toute trace d'un quelconque passage. J'avais lavé le couteau, l'avais rangé à sa place, j'avais reposé mon manteau et mes chaussures à l'endroit exact où ils étaient auparavant, et avais raccroché la laisse à la porte.

J'aimais Bruchius, mais l'avoir tué ne me faisait rien.

Cette sensation était étrange. Plaisante. Écœurante. Déroutante. Excitante.

Mais il n'était qu'un chien parmi tant d'autres. Il n'était qu'un animal qui venait de s'éteindre.

Je ne dormis pas cette nuit là non plus.



Le lendemain matin, Kiraah et Gayl avaient cherché Bruchius partout. Absolument partout. J'avais fait semblant de dormir, et on ne m'avait pas dérangé ; et lorsque j'avais entendu Kiraah hurler, un peu plus haut dans la forêt, je sus qu'il l'avait trouvé.

Gayl ne m'avait pas adressé la parole de la journée. Il avait beaucoup pleuré, ses yeux étaient rouges et gonflés ; la maison n'avait jamais été aussi silencieuse.

« C'était encore toi, n'est-ce pas, grand frère ? m'avait-il demandé alors que nous nous étions couchés.

– Oui. »

Je n'avais même pas cherché à le nier ; il le savait, il l'avait deviné. Mentir ne m'aurait rien apporté.

Pourtant, je n'en était pas convaincu.

Était-ce vraiment moi ?

« Tu vas me dénoncer à Kiraah ? avais-je demandé, un peu inquiet.

– Non. Tu es mon frère. Je ne ferai jamais une chose pareille. »

Il s'était endormi sur ces mots là, et je n'avais pas tardé à le suivre.



Cette nuit là, je fis un affreux rêve.

Il faisait sombre, froid, humide, et l'atmosphère était lourde et pesante. Je ne distinguais rien, je ne savais même pas si je touchais le sol ou si je flottais ; je n'entendais rien, et je ne savais même pas si je respirais ou non.

Les alentours semblèrent s'éclaircir ; et une silhouette noire, toute en fumée, se tenait juste devant moi.

« Bonsoir, Akkya, dit-elle, d'une voix caverneuse et roque.

– Qui êtes-vous ?

– Une partie de toi. Comment vas-tu ?

– Bien, merci. »

Je ne comprenais pas ce que « une partie de toi » signifiait, mais l'ombre ne me semblait pas accueillante du tout.

« Qu'est-ce que vous voulez ? demandais-je, méfiant.

– Je viens simplement te rendre visite. N'en ai-je pas le droit ?

– Vous êtes étrange.

– Le plus étrange, ici, c'est toi, tu ne crois pas ? Ça n'est pas moi qui ai découpé ce chien, ou frappé ce chat.

– Comment vous savez ça ? »

Ça commençait à devenir angoissant. Vraiment angoissant.

La silhouette sembla rire, et tripla de volume ; ses grands yeux vides me scrutaient, à deux millimètres de mon visage ; ses doigts difformes caressaient mon cou, et sa queue – je n'avais même pas remarqué qu'elle en avait une – s'enroulait autour de mon bassin. J'avais la confirmation que cette chose m'était bien hostile.

« Je sais tout de toi, Akkya. Absolument tout.

– Laissez moi. Je veux me réveiller. »

Me débattre ne servait à rien ; lorsque j'essayai, sa prise sur moi se resserra.

« Tu es pris au piège, Akkya. Tu ne pourras plus jamais sortir de là.

– Lâchez-moi ! Laissez moi tranquille !

– Ça n'est pas fini, Akkya. Ça vient tout juste de commencer. »

J'eus la sensation de m'étouffer, et l'air me manqua.



Je me réveillai en sursaut.

La chambre était plongée dans le noir ; le réveil indiquait trois heures passées. Gayl dormait à poings fermés, ses bras entourant sa peluche préférée, un petit lapin bleu. Je pris une grande bouffée d'air, soulagé d'apprendre que mon système respiratoire se portait à merveille, et je me levai de mon lit, sans faire de bruit, ouvrai la porte qui grinça sur mon passage, et descendis deux à deux les marches qui me séparaient de la cuisine. Je me servis un grand verre d'eau, le bus d'une traite ; et jetai un œil dans le miroir mural du salon.

Mon cœur rata un battement.

Mon reflet ne me reflétait pas. Il la reflétait elle. Cette ombre difforme avait pris un semblant d'apparence humaine, et je la voyais à travers moi. Ses gros yeux globuleux me fixaient, un immense sourire était collé sur sa figure.

Ça n'avait rien d'humain. Et ça n'était pas moi.

Les jours passèrent. D'après mes camarades et mes professeurs, j'étais plus solitaire, plus sombre et plus renfermé. Certains s'en inquiétaient, d'autres s'en fichaient ; les plus froussards avaient une peur bleue dès que je les approchais à moins de vingt mètres. J'attisais la curiosité de toute ma classe, ce qui me déplut très fortement.

La nuit, je dormais mal, ou je ne dormais pas du tout. Au moment où mes yeux se fermaient, je la voyais, je sentais son aura, je pouvais ressentir les frissons qui me parcouraient l'échine et qui me compressaient le ventre. C'était là, ça attendait que je m'endorme.

Les cours étaient abominables, autant par tous ces regards qui me scrutaient sans cesse que par la fatigue qui s'accumulait.



Elle fut de trop.

Elle s'appelait Junne. Elle était mignonne, gentille avec tout le monde, mais je la trouvais particulièrement collante et énervante.

La journée touchait à sa fin, et la dernière chose que je voulais, c'était de me retrouver coincé entre un mur et sa personne, me tendant une lettre blanche ornée d'un énorme cœur rouge ridicule.

« C'est... t-tiens, c'est pour toi ! »

Je pris la lettre et la lis. Une déclaration d'amour. Comme si je n'avais que ça à faire.

Elle m'énerve.

« Qui est au courant que tu es ici ? demandais-je. »

Elle sembla déroutée par ma question.

« H-hein ?

– Qui sait que tu es ici avec moi ? répondis-je plus brusquement.

– O-oh... personne, je ne l'ai dit à personne.

– Tu en es sûre ? »

Elle semblait terrorisée.

« O-oui, sûre et certaine.

– Parfait. »

Ce furent les derniers mot qu'elle entendit. Je m'approchai d'elle, collai nos visages, comme si j'allais l'embrasser ; elle ferma les yeux, les rouvrant deux secondes plus tard, alors que la lame d'un simple petit couteau transperçait son tee-shirt noir. Prise de convulsions, elle s'effondra par terre ; et je lui déchirai la trachée, pour être sûr qu'elle ne soit plus vivante.

J'avais tué un humain. Ça n'était pas un chat ou un chien ; je venais d'ôter une vie humaine.

Bah... Ça n'était qu'une mort en plus. Elle n'avait rien d'important, elle ne valait rien. C'était une fille parmi tant d'autres.

L'école fut fermée lorsqu'un cantinier retrouva son corps, et l'incident fit grand bruit dans la presse. On ne parlait plus que de ça ; « le meurtre de l'école ».

« Pourquoi fais-tu ça ? m'avait demandé Gayl le soir même, lorsque nous fûmes couchés.

– Elle m'avait donné une lettre d'amour.

– Et ? Justement, c'est chouette.

– Elle était agaçante. »



Une semaine plus tard, j'assassinai un petit garçon perdu dans un centre commercial ; il m'avait dérangé, me demandant de l'aider. Je l'avais emmené dans les toilettes publiques et l'avais noyé, puis l'avais laissé là, sa tête plongée dans la cuvette. Une demi-heure plus tard, les pompiers et la police arrivaient, tandis que je rejoignais Gayl et Kiraah, une paire de chaussures que je venais d'acheter en mains.

« Quand vas-tu t'arrêter ? me demanda-t-il encore une fois, la nuit tombée.

– Je ne sais pas, dis-je.

– C'est dangereux. Tu devrais arrêter.

– Il m'embêtait. »

La chose grandissait. Lorsque je passai devant un miroir, je la voyais, plus noire et plus affreuse chaque jour. Personne ne remarquait rien, et mon reflet, d'après mon frère, était tout à fait normal. Mais je la voyais bien comme elle était réellement ; et une sorte de dégoût grandissait en moi, un dégoût de moi-même, et plus le temps passait, plus la silhouette grandissait, et plus je détestais ce que j'étais devenu.



L'école de Gayl n'était qu'à quelques minutes à pied de la mienne, si bien que, lorsque je finissais tôt, je pouvais le récupérer, et nous rentrions alors ensembles chez nous. Je le voyais, sortant de l'école, un grand sourire collé sur son visage, faisant des grands signes d'au revoir à ses amis.

Mais cette fois là, je le vis sortir, la tête basse, ses yeux fuyants les miens, un affreux bleu, sur sa joue, datant d'aujourd'hui.

« Qui t'a fait ça ? » demandais-je sur la défensive.

Personne n'avait le droit de toucher à mon frère.

« C'est personne. C'est rien d'important.

– Ne me mens pas. Dis moi qui t'a fait ça. »

Il baissa la tête, refusant de parler.

Les mêmes questions furent posées lorsque nous passâmes la porte d'entrée. Kiraah s'était jeté sur lui, furieux, et son regard voulait tout dire sur les envies de meurtres qu'il contrôlait – lui – aisément.

« C'est personne. Tout va bien, c'est rien. », furent les mots qu'il s'entêtait à répéter, encore et encore.

Les jours suivants, je m'assurais de venir le chercher personnellement. Et, à chaque fois, il revenait avec un autre bleu, un coquard, les bras griffés, rougis.

« Dis moi qui te fait subir tout ça, lui ordonnais-je une fois la lune levée.

– C'est pers-

– Arrête ! Arrête de mentir, et dis moi qui c'est ! Je m'inquiète pour toi ! »

Il s'était alors levé de son lit, et m'avait rejoint dans le mien, m'enlaçant de ses petits bras tremblants et fragiles.

« Une bande de garçon, dit-il finalement au bout d'un moment, reniflant au passage. Ils sont cinq. Je peux rien faire contre eux. »

Je lui caressai la tête, pendant qu'il se calmait sur mon épaule. Il faut croire que je suis confortable, puisqu'il finit par s'y endormir.

« Moi, je peux. »

Le lendemain, les cinq garçons avaient disparu.

J'avais séché les cours. J'avais épié, observé qui étaient ces salauds qui harcelaient mon frère. Je les avais vus, j'avais retenu leurs visages, leurs noms ; et avant même que la journée ne se termine, je les avais éliminés, un par un, sans me soucier de me salir les mains.

Ils avaient fait du mal à mon frère. Ils le méritaient. Ils n'étaient que des humains parmi tant d'autres.

« Merci. » m'avait simplement chuchoté Gayl avant de s'endormir.



Cette nuit là, la silhouette qui logeait en moi était vingt fois plus grande. Je m'étais endormi, exténué, et elle se tenait devant moi, dans toute sa splendeur.

« Bonsoir, Akkya. Cela faisait longtemps.

– Vous allez me laisser tranquille, à la fin ?! »

J'étais fatigué de cette chose. Elle vivait en moi, me pompant l'énergie ; elle me donnait le tournis, elle me donnait des nausées ; et j'étais prêt à parier qu'elle n'était pas étrangère à ces pulsions meurtrières.

« Oh, Akkya. C'est donc ainsi que tu traites ton bon ami ? Je suis vexé.

– Vous n'êtes pas mon ami. Allez-vous en.

– Non, tu as raison. Je ne suis pas ton ami. Je suis bien plus que ça. »

Encore, ça recommençait. Ça se rapprochait, ça m'entourait de ses doigts griffus, ça m'entaillait les bras et ça me compressait le torse.

« Je suis toi.

– Vous n'êtes pas moi. Vous n'êtes qu'une ombre. Fichez-moi la paix.

– Et si je refuse ?

– Lâchez-moi ! »

Un de ses doigts glissa dans ma bouche, me faisant m'étouffer.

« Ah ? C'est si désagréable que ça ? Comme c'est amusant... »

Elle riait, et quelques larmes coulèrent involontairement le long de mes joues, par manque d'air.

« Oh, zut, je vais finir par te tuer... non pas que ça ne me dérange réellement, au fond, mais nous avons encore tellement de choses à faire ensembles... »

Elle libéra ma gorge, je toussai bruyamment, la bouche sèche, peinant à reprendre ma respiration.

« Akkya, Akkya... Mon pauvre petit Akkya, qu'allons-nous pouvoir faire de toi ? »

Elle chantait, fredonnait, d'une manière si étrange... J'en tressaillis.

Je n'ai pas peur de grand-chose. Même la mort ne m'effraie pas, bien que ce ne soit pas un sujet très gai ou anodin. La mort des autres me laisse indifférent, ma propre mort m'apparaît comme un doux échappatoire...

Mais, à l'instant, j'avais terriblement peur de ce que cette chose pouvait bien me faire faire.

Et j'avais raison d'avoir peur.

Parce que pour la première fois, la chose prit le contrôle.

Elle m'engloutit, aussi rapidement que les vagues déchaînées nous noient en pleine mer. M'entourant de tous côtés, je ne pouvais plus rien faire, simplement regarder à travers mes yeux qui étaient devenus les siens. Paralysé de la tête aux pieds, je ne pouvais qu'être spectateur du massacre qui allait avoir lieu.

Elle bougea. Lentement, comme si elle ne s'était pas encore tout à fait habituée à mon corps, elle ondulait. L'obscurité de la pièce ne semblait pas la gêner ; et elle se planta juste devant mon frère, qui dormait profondément.

« Non, pas ça. »

Je ne pus articuler le moindre son. Je ne pouvais que penser, penser le plus fort possible et atteindre cette horreur qui allait faire n'importe quoi.

« Oh, tu ne veux pas que je touche à ton frangin, c'est cela ? »

Son ton était taquin, moqueur ; elle s'amusait. Elle parlait seule, et je ne pouvais que lui transmettre le fond de ma pensée.

« Ne fait pas ça. »

« Ah ? Et que ce passerait-il si je le faisais quand même ? »

Elle s'approcha. Je tentai de me défaire de son emprise, en vain ; la fatigue de ces derniers jours se faisait ressentir.

J'étais totalement à sa merci.

Et elle allait tuer mon frère.

« Je t'en supplie, pensais-je, priant de toutes mes forces pour que mes supplications la touche ne serait-ce qu'un peu. Pas lui. Pas eux. N'importe qui, mais pas eux. »

Elle ne m'écoutait pas. Elle faisait comme elle voulait. Elle jouait.

Elle s'assit sur son bassin, et mon frère se réveilla instantanément. Il me dévisageait, non, il la dévisageait, incrédule.

« Akkya ?

– Oui, c'est moi, répondit la chose.

– Non, tu n'es pas Akkya, répondit Gayl au bout d'un moment. Qu'est-ce que vous avez fait à mon grand frère ? »

Elle rit. Un rire démoniaque, qui me fit froid dans le dos.

Cette chose était totalement inhumaine.

« Tu as raison, je ne suis pas Akkya. Je suis bien mieux. Bien pire. »

D'un mouvement étrange, elle allongea ses doigts, formant ainsi de longues griffes pointues et tranchantes. S'amusant d'abord à entailler les bras de Gayl, qui restait interdit, terrifié, elle les planta ensuite dans son ventre ; mon frère s'étrangla. Elle fouilla, cherchant quelque chose, mit un certain temps à trouver sa convoitise ; elle retira ensuite sa main, et je pus discerner un cœur, encore chaud, battant au creux de ses doigts. Elle rit, elle se lécha les lèvres. Elle observait ce membre dont elle était sûrement dépourvue.

Elle l'écrasa, il explosa ; ce fut tout.

L'instant d'après, elle disparut. Me laissant seul sur le cadavre de mon frère.

J'étais tétanisé. Je voyais flou. J'allais vomir.

J'avais terriblement mal à la poitrine.

J'étouffais.

J'avais mal.

Mes yeux se posèrent à nouveau sur le corps de Gayl, en dessous de moi.

Ils s'embuèrent.

Mon cœur se brisa en un milliard de petits morceaux.

Je hurlai.



Kiraah ne mit que sept secondes à débarquer. Il me vit, je le vis. Il s'approcha, tremblant comme une feuille.

« Ce... ce n'est pas moi... c'est elle...

– Akkya... qu'est-ce que tu as fait...

– Rien... je te le jure, ça n'est pas moi... »

Je pleurais. Pour la première fois, je pleurais à chaudes larmes.

Il fallait que ça sorte. Que ça se finisse.

Avec le peu de force et de courage qu'il me restait, je l'appelai, la réclamait. Elle allongea mes doigts, encore une fois, elle transforma ma main, et mes ongles fins s'agrandirent. Elle reprenait sa place, son droit, son dû ; mais j'arrivais toutefois à garder mon calme. Je pouvais la contrôler. J'étais maître de mes actions.

Kiraah la vit ; il tendit un bras en ma direction.

« N-ne fais pas ça... arrête...

– Je suis désolé... je voulais pas... »

J'ouvris ma chemise de nuit ; il faisait froid.

« Ce... c'est pas grave... ne bouge plus, d'accord... ?

– Je vais arrêter ça, promis. »

Les yeux écarquillés, il n'osait pas bouger.

Je souris.

« Tu étais un père formidable. »

Je me plantai la chose ; mon souffle se coupa lorsque mes doigts transpercèrent mon organe vital ; ma vision s'obscurcit, ma conscience dériva, et je sombrai dans les ténèbres.



« Akkya ? »

Sa voix me ramena sur Terre, et je clignai des paupières. Devant moi, elle était assise, les jambes croisées, mon dossier en main, sur son fauteuil ; le canapé sur lequel j'étais allongé me parut soudain très inconfortable.

« Je vous ai posé une question. »

Je jetai un vague regard aux alentours ; fixé à la porte en toutes lettres, le mot « psychiatre » menaçait de se décrocher.

Mes parents m'attendaient dehors, avec mon frère et le chien.

« Avez-vous peur de la mort ? »

Je déglutis avec peine, me remémorant la chose.

Je plantai mes yeux dans ceux de la dame, et je pus y déceler une vague d'effroi.

Elle était en moi.

Elle regardait.

Elle vivait

« Non. »


Fin

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