Seul avec du monde autour (exercice bonus écriture S1)

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Le bonus écriture était un bonus spécialement pour les étudiants de Semestre 1, qui n'est malheureusement plus dispo pour les semestres suivants (en sachant si vous êtes curieux qu'à l'heure où j'écris je suis en S4, donc fin de 2e année). J'avais un prof plutôt fun qui nous donnait de nouveaux exercices toutes les semaines. J'en ai un (et demi) de recopié sur mon drive, les autres doivent toujours être dans mon carnet (car je ne voulais pas écrire sur ordi ; grosse erreur voyons ! ne faites pas la même), donc j'imagine qu'un jour je les recopierai et les poserai ici.

Je ne me souviens vaguement du thème de l'exercice, d'abord on était sortis de la salle pendant une demi-heure pour nous balader et observer les gens. J'avais choisi d'observer plus particulièrement leurs regards.



Foule. Il y avait foule. Bien trop de paire d'yeux à droite, à gauche, partout. Pourtant, aucun regard ne vint se porter sur lui.

Les gens le bousculaient, s'excusant sans même prendre la peine de relever la tête. Tous marchaient droit devant eux, sans faire fi du monde extérieur, leurs pas rythmés d'une cadence rapide et régulière. Ils semblaient avancer par automatisme.

Et leurs yeux, leurs magnifiques pupilles colorées d'une infinité de nuances colorées, leurs yeux braqués inlassablement sur ce petit rectangle lumineux qu'ils chérissaient comme leur trésor le plus précieux.

Lui, en cet instant, aurait préféré n'en avoir jamais possédé un.

Ses iris verts luisant de larmes restaient toutefois figés sur son écran. Ce dernier vira finalement au noir, mais l'image, bien nette, restait gravée dans sa mémoire aussi clairement qu'il sentait le sol s'effondrer sous ses pieds sous le poids du monde qui lui était subitement tombé sur les épaules.

L'orage gronda. Les nuages gris n'avaient jamais paru aussi menaçants. Quelques gouttes tombèrent finalement du ciel et une pluie fine arrosa les quelques arbres plantés çà et là. Le temps semblait s'accommoder à merveille à son humeur.

Les autres pestaient, rangeant leurs têtes sous leur capuche en se courbant pour éviter les projectiles aquatiques, trottinant vers les bâtiments intérieurs.

Ah, ça pour les voir, ils les voyaient bien, les bâtiments. Ils voyaient bien les bancs confortables qui les attendaient à l'abri, bien au chaud, malgré leurs pupilles dilatées par l'obscurité qui tombait peu à peu.

Pourtant, personne ne le voyait, lui.

Les gouttes d'eau lui tombaient sur le visage, ruisselant sur ses joues et plaquant ses cheveux sur son front brûlant. Mais il ne bougeait pas, se moquant du froid qui lui mordait la peau à travers ses vêtements, se moquant de son sac, tombé au sol, qui se noyait malencontreusement.

Son téléphone lui glissa des mains et tomba par terre.

Il pleuvait.

Les gens couraient de part et d'autre. Lui restait planté au milieu du rien.

Les ploc ploc de la pluie qui redoublait d'intensité le sortirent finalement de sa transe, le faisant cligner des yeux. Il ne savait pas s'il avait pleuré ou s'il s'agissait simplement de l'eau qui pleurait depuis le ciel. Il s'en fichait, tout compte fait, cela revenait au même.

Pleurer ne la ramènerait pas.

Elle était morte.

Il se remit finalement en marche, comprenant qu'il pouvait difficilement faire autrement à cet instant. Le regard dans le vague, dans le flou, il avançait sans même s'en rendre compte, non conscient de ses affaires qu'il avait laissées là-bas, sur place, sans prendre la peine de les récupérer. Un sac, des cahiers, un téléphone, ça se remplaçait, tout ça.

Mais toi, maman, comment pourrais-je te remplacer ?

Il entra dans le bâtiment, la chaleur le fit frissonner. Sa tête lui tournait.

C'est simple, c'est tout simplement impossible. Je ne peux pas.

Quelques têtes curieuses se retournèrent vers lui. Avait-il pensé à voix haute ? Il n'en savait rien ; dans tous les cas, les quelques étudiants haussèrent bien vite les épaules et se désintéressèrent de lui.

Trempé jusqu'aux os, chacun de ses pas laissait derrière lui un peu de pluie, un peu de malheur à qui-voudrait-en-prendre.

Pas de "Ça ne va pas ?". Aucun "Tu veux ma veste ? Où est ton sac ?". Pas même un "Excuse-moi, mais tu salis le sol."

Rien. Néant.

Juste ce message, gravé, incrusté dans son crâne à jamais. Un "Je suis désolé." Ces paroles pouvaient vouloir dire n'importe quoi, mais de la part de son père qui ne s'excusait jamais, il savait exactement ce que ces trois petits mots de malheur signifiaient.

Alors il marcha, errant au beau milieu de ces gens qui ne savaient ni regarder, ni observer.


Fin

ProjetsWhere stories live. Discover now