Gregory Crewdson (exercice cours d'écriture S4)

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On arrive aux travaux de l'autre prof qui nous fait faire des exos d'écriture (car pour la première prof, on a eu 4 séances avec elles et on en prenait 2 par projet)

Le prof nous a demandé de choisir une image de Gregory Crewdson (un photographe), d'écrire ce qu'il se passait avant l'image (une seconde avant comme un an, peu importe), de copier le texte et de le coller et de le changer pour qu'il raconte ce qu'il se passe après, en conservant le même nombre de phrases.

Je vous mets en dessous des deux textes le lien vers la photo.



Il ne répondait pas au téléphone. La voix automatique du répondeur débitait encore les mêmes paroles, et merci de laisser un message après le bip sonore.

– Ouais, c'est encore moi. J'ai vu que t'étais pas trop loin, donc je viens voir un peu comment ça va. Appelle si y a le moindre souci, à n'importe quelle heure, peu importe, si t'as besoin d'aide je serai là.

Il raccrocha. La nuit commençait à tomber et le brouillard s'épaississait. Il fronça les sourcils et son pied appuya davantage sur la pédale d'accélération. D'un coup d'oeil, il observa le petit point jaune qui affichait la position de son ami. Sa position à lui avançait à mesure que la voiture roulait, mais le petit point jaune, lui, n'avançait pas d'un pouce.

Au beau milieu de la route, de surcroît.

Il s'impatientait. Des jours que son ami n'allait pas bien, il aurait dû faire quelque chose avant, n'importe quoi d'utile, juste être là, pour lui, attendre que le temps passe, dormir dans son salon, sur le canapé inconfortable pendant que l'autre dormirait tranquillement dans sa chambre, mais au moins il se serait assuré qu'il dormait bien et qu'il ne passait pas son temps à broyer du noir dans ses insomnies. Au lieu de ça, il avait juste observé son ami de loin, durant les moments où ils se croisaient au travail, il n'avait fait que s'inquiéter quand il voyait que son uniforme de police se salissait de jour en jour et que sa barbe était mal rasée, mais il n'avait rien dit, pas agi, et il s'en voulait amèrement.

La mort de sa sœur l'avait ravagé, et il savait que son ami était bien trop fier pour demander de l'aide, alors il se contentait de souffrir en silence et d'enquêter sur l'accident alors même qu'on le lui avait formellement interdit. Trop proche de la victime, disait-on, donc hors de l'enquête, ouste. Injuste ? Oui, complètement.

Une silhouette éclairée au loin, et il écrasa la pédale de frein. Affolés, ses yeux scrutaient l'avant, tentant d'apercevoir quelque chose à travers la brume, tandis qu'il calmait sa respiration, on inspire, un, deux, trois, quatre, cinq, et on expire, voilà, doucement.

Une fois son esprit clair et son pouls ralenti, il le vit enfin. Debout, droit comme un piquet, son ami planté là, au beau milieu de la route. Une analyse plus poussée lui indiqua qu'il était tourné, dos à lui, fixant une voiture dont la porte du conducteur était ouverte. Sa voiture, précisément, comme en témoignaient les gyrophares sur le toit.

– Mais qu'est-ce qu'il fait...?

Une question pertinente, cependant pas de réponses. Au milieu des feuilles mortes qui jonchaient le sol, en plein dans la trajectoire d'une lumière éblouissante qui venait d'on-ne-savait-où, son ami ne bougeait pas. C'était flippant, se dit-il, et il coupa le moteur et ouvrit sa porte. Il faisait froid, de la buée se forma sur ses lunettes. Il n'y avait personne, seulement un bruit très atténué, probablement de la maison derrière qui était éclairée. Son ami ne bronchait pas.

Il n'osait pas approcher. Son téléphone dans une main, l'autre qui se triturait les doigts, peut-être que s'il avançait il lui ferait peur, mais s'il était dans une transe il valait mieux qu'il le réveille, mais si ça tournait mal et qu'il n'arrivait pas à gérer la situation et qu'il se passait quelque chose de plus grave et que-

Tais-toi et fais quelque chose, bon sang.




Il ne répondait toujours pas au téléphone. La voix automatique du répondeur débitait encore et toujours les mêmes paroles, et merci de laisser un message après le bip sonore, bla, bla, bla.

– Ouais, c'est... encore moi. J'ai vu avec le boss, il a dit que tu pouvais prendre ton temps pour revenir travailler. T'oublies pas, tu m'appelle si y a le moindre souci, à n'importe quelle heure, faut pas que t'hésites parce que si t'as besoin d'aide je serai là.

Il raccrocha. La nuit commençait à tomber et le brouillard s'épaississait. Exactement comme hier soir. D'un coup d'œil, il observa le petit point jaune qui affichait la position de la maison de son ami. Sa position à lui avançait à mesure que la voiture roulait, se rapprochant peu à peu de sa destination.

Au beau milieu de la forêt, de surcroît.

Il se sentait mieux. Des jours que son ami n'allait pas bien, et certes il aurait dû faire quelque chose avant, n'importe quoi d'utile, juste être là, pour lui, attendre que le temps passe, dormir dans son salon, sur le canapé inconfortable pendant que l'autre dormirait tranquillement dans sa chambre, mais au moins il se serait assuré qu'il dormait bien et qu'il ne passait pas son temps à broyer du noir dans ses insomnies. Il avait observé son ami de loin, durant les moments où ils se croisaient au travail, il s'était inquiété quand il voyait que son uniforme de police se salissait de jour en jour et que sa barbe était mal rasée, il n'avait pas osé agir, pas osé parler, mais finalement le courage était venu, mieux valait tard que jamais, et il s'était occupé de lui comme un véritable ami le ferait.

La mort de sa sœur l'avait ravagé et le ravagera probablement un bon moment, et puisqu'il était si fier, jamais il ne demandera de l'aide, se contentant de souffrir en silence et de continuer à enquêter sur l'accident alors qu'il n'en avait pas le droit. Trop proche de la victime, évidemment puisqu'il s'agissait de sa sœur. Injuste ? Oui, assurément.

Une silhouette éclairée au loin, et il écrasait la pédale de frein. Il se souvenait encore de la sensation qui lui avait parcouru l'échine, la panique, le pouls affolé, et il avait respiré comme le conseillent les applications sur la méditation, on inspire, un, deux, trois, quatre, cinq, et on expire, voilà, doucement.

Une fois son esprit clair et son pouls ralenti, il l'avait vu. Debout, droit comme un piquet, son ami planté là, au beau milieu de la route. Tourné, dos à lui, il fixait une voiture. Sa voiture, précisément, et il avait eu peur, si peur, que quelque chose d'horrible soit en train de se passer.

– Dans cinq-cents mètres, votre destination se trouvera sur la droite.

Ce n'était pas le moment de se poser des questions, c'était le moment de se concentrer sur ce qu'il y avait devant. Au milieu des feuilles mortes qui jonchaient le sol, entre les arbres qui cachaient le ciel qui s'assombrissait, les branches ne bougeaient pas, signe qu'il n'y avait pas le moindre vent. C'était flippant, se dit-il en arrivant enfin devant la maison de son ami, et il coupa le moteur et ouvrit sa porte. Il faisait froid, de la buée se forma sur ses lunettes. Il n'y avait personne, seulement un bruit très atténué, probablement de la maison en contrebas qu'il avait croisée. Il ne bougeait pas.

Il n'osait pas approcher. Son téléphone dans une main, l'autre qui tenait les affaires de son ami, peut-être que s'il avançait le paysage prendrait vie, la maison l'avalerait tout entier, lui dirait qu'il n'avait rien fait jusqu'au moment critique, que c'était bien beau de l'emmener à l'hôpital mais que s'il n'était pas arrivé à temps, il aurait pu-

Tais-toi et avance, bon sang.


Fin



Lien vers la photographie :

https://www.artnet.fr/artistes/gregory-crewdson/production-still-library-still-2-a-1rbwEy9-3v0a1gaLbK7D4g2

Titre : Production Still (Library Still #2), 2003

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