Mon dernier voyage (texte concours)

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Nous n'avions pas de sujet, mais notre texte devait commencer par "La ville dont le prince est un robot". Il y avait un nombre de pages max, mais ne m'en rappelle plus. Celui-là, j'ai bien aimé l'écrire, c'était fun. J'aime bien les contraintes de commencer par une phrase type ou de caser des mots.



La ville dont le prince est un robot fut sans aucun doute l'expérience la plus étrange que je n'ai jamais eu au cours de mes nombreux voyages.

Depuis que j'étais en âge de parler, mon père et moi étions constamment en mouvement, à la recherche de nouvelles terres inexplorées et inhabitées. Envieux d'aventures fantastiques et improbables, c'était avec entrain et excitation que nous nous levions chaque matin pour faire face à notre destin.

C'était un hiver froid et pluvieux, il faisait si sombre que je me souviens encore, à l'heure où j'écris ces lignes, de nos corps congelés, blottis l'un contre l'autre, grelottants doucement tandis que nos souliers foulaient le sol enneigé avec un bruit étouffé. La faible lumière des torches n'éclairait pas trois mètres au-devant, et nos yeux souffraient du vent glacial qui nous fouettait le visage. Nous n'avions pas bu ni mangé depuis un bon moment, la fatigue s'accumulait. Nos regards se croisaient parfois, désespérés, et mon père souriait faiblement, me chuchotant de tenir bon, que tout allait s'arranger.

C'est alors qu'au loin apparut une lumière. Dans la nuit noire, elle était si belle, si pure, étincelante d'un éclat merveilleux. A mesure que nous avancions, les lumières se faisaient plus nombreuses ; c'était un miracle ! Mon père avait ri, quel bonheur d'entendre sa voix mélodieuse, enjouée et rayonnante ! Nous étions sauvés.

Lorsque nous arrivâmes, les rues étaient désertes mais derrière chaque fenêtre se tenaient hommes, femmes et enfants qui nous regardaient avec curiosité. Une petite fille nous salua, son chien aboya à côté d'elle. Son père nous ouvrit la porte et nous accueillit chaleureusement, nous débarrassant de nos vêtements mouillés pendant que nous les remercions mille fois. D'après ses dires, les visiteurs étaient si peu nombreux qu'ils étaient toujours les bienvenus. Il nous offrit deux bols de bouillon que nous bûmes goulûment, puis nous installa dans le salon, juste à côté de la grande cheminée. Nous dormîmes d'un sommeil profond, sans rêve.

Le lendemain, une foule de villageois vint à notre rencontre. « D'où venez-vous ? », « Qui êtes-vous ? », « Comment avez-vous pu survivre à une telle tempête ? ». Mon père riait à gorge déployée, répondant patiemment à chacune des questions. Deux petits garçons vinrent à mes côtés ; ils me prirent par la main et me demandèrent gaiement de jouer avec eux, ce que je fis.

C'est alors qu'arriva une dizaine de gardes, peu robustes, armés jusqu'aux dents. Lorsqu'ils s'approchèrent, les villageois se retirèrent immédiatement, certains enfants commencèrent à pleurer. Mon père s'avança respectueusement, il savait très bien qu'ils venaient pour nous. Il leur demanda poliment ce qu'ils désiraient. « Suivez-nous, ordre du prince. » furent les seuls mots qu'ils prononcèrent.

Nous arrivâmes aux pieds d'un château, d'apparence petit et peu soigné. Les gardes postés devant l'entrée se mirent au garde-à-vous, et le meneur du groupe qui nous escortait leur intima un « repos ! » sec et autoritaire. L'instant d'après, nous faisions face à un immense trône.

Sur celui-ci y était assis un garçon d'apparence petit adolescent, d'une douzaine d'années. Ses jambes étaient nonchalamment croisées, son menton calé au creux de sa main droite, la gauche négligemment posée sur l'accoudoir. De son regard suintait un dédain non dissimulé, et le mépris présent dans sa voix me fit frissonner. « Qui êtes-vous et que venez-vous faire dans mon royaume ? » Mon père s'excusa aussitôt de déranger, et lui fit part de notre situation. Derrière lui, je ne pipais mot, observant avec attention le comportement du petit bonhomme qui nous écoutait.

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