La flamme de la Salamandre

Av Chloe_m0726

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France. 1519. " Ils m'ont retrouvée, Léonard. Même après toutes ces années. Prends soin de ma fille, je t'en... Mer

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Casting + Trailer
Prologue : Par une nuit d'orage ...
Chapitre 1 : Voler de ses propres ailes
Chapitre 2 : Un ancien secret
Chapitre 3 : Le retour d'une amie
Chapitre 4 : Sous les yeux du roi de France
Chapitre 5 : Des questions sans réponses
Chapitre 6 : Le grand maître
Chapitre 7 : "Je veille sur vous"
Chapitre 8 : La Dame à l'hermine
Chapitre 9 : L'affaire du Clos Lucé
Chapitre 10 : Tel est pris qui croyait prendre
Chapitre 11 : Un mal soudain
Chapitre 12 : Premier entraînement
Chapitre 13 : Le soutien d'une amie
Chapitre 14 : "Padre !"
Chapitre 15 : "Tuez-la !"
Chapitre 16 : Ne reste que des cendres
Chapitre 17 : Un cœur meurtri
Chapitre 18 : Chagrin et colère
Chapitre 19 : La lignée sacrée
Chapitre 20 : Chasser ou être chassée
Chapitre 21 : La cour des Miracles
Chapitre 22 : À qui faire confiance ?
Chapitre 23 : Jouer cartes sur table
Chapitre 24 : "La victoire n'en sera que plus satisfaisante"
Chapitre 25 : L'attaque de Blois
Chapitre 26 : Advienne que pourra
Chapitre 27 : Le cri d'une mère
Chapitre 28 : Pour un verre de vin italien
Chapitre 29 : Un prix trop élevé
Chapitre 30 : La renaissance d'une lignée
Chapitre 31 : Le serment du fer
Chapitre 32 : Les célébrations de Noël
Chapitre 33 : La complexe machinerie de l'amour
Chapitre 34 : La cité éternelle
Chapitre 35 : La légende du Graal
Chapitre 36 : Désir inassouvi
Chapitre 37 : Que le masque tombe
Chapitre 38 : Cruelle révélation
Chapitre 39 : L'amour d'un roi
Chapitre 41 : Une déesse dévorée par les flammes
Chapitre 42 : Un nouveau prétendant ?
Chapitre 43 : Douce jalousie, fidèle jalousie
Chapitre 44 : Mise en garde
Chapitre 45 : Une bataille acharnée
Chapitre 46 : "Quelqu'un a déjà caché un corps ?"
Chapitre 47 : Pour le meilleur et pour le pire
Chapitre 48 : Allié ou ennemi ?
Chapitre 49 : Signer un pacte avec le Diable
Chapitre 50 : Dans l'antre de Sang Bleu
Chapitre 51 : Traverser l'Enfer
Chapitre 52 : "Tuez-les jusqu'aux derniers !"
Chapitre 53 : Tout homme est-il pardonnable ?
Chapitre 54 : Demande en mariage
Chapitre 55 : Au nom de l'amour
Chapitre 56 : La folie d'un homme
Chapitre 57 : "Tout est fini"
Chapitre 58 : Souvenir du passé
Épilogue : Seul l'amour est plus fort que la mort
Ce qu'ils sont devenus
Remerciements + Sondage
Bonus 1 : La fille de sa mère
Bonus 2 : Cesare Borgia
Bonus 3 : Le camp du Drap d'Or
Bonus 4 : L'orgueil d'un génie
Bonus 5 : Et si Éléonore et François avaient eu un enfant

Chapitre 40 : Traîtrise

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Av Chloe_m0726

Francesco

Nerveux, Francesco s'avança devant l'assemblée. Jamais il n'avait été traduit en justice par Sang Bleu. Jamais il ne s'était retrouvé au centre de cette pièce circulaire souterraine. Jamais il n'avait été l'accusé.

Plusieurs flambeaux étaient allumés, mais le jeune homme ne voyait pas les visages des adeptes, cachés sous leurs longues capuches sombres. Néanmoins, il sentait la colère irradier de tous les pores de son père, droit devant lui, sa capuche triangulaire rejetée dans son dos. Gabriel de Dieulafoy le fixait de son œil unique, d'un regard glacial, monté sur un petit promontoire en marbre.

— Francesco Melzi, tu as déshonoré nos rangs, feula Dieulafoy d'une voix mauvaise.

Non. Il ne pouvait pas accepter cela ! Il ne les avait pas déshonorés !

— Je ne suis pas coupable, Maître ! s'opposa-t-il avec une certaine effronterie. J'ai seulement obéi aux ordres.

Dieulafoy ne voulait-il plus le médaillon ? Ne voulait-il plus le Graal ? Il savait bien que si. 

Le regard que son père adoptif lui lança le transit. Il n'y avait pas une once d'amour, ni même d'affection. Mais en avait-il déjà éprouvé ? N'était-il pas seulement une arme au service de la cause et rien d'autre ?

— Obéi aux ordres ? vociféra Dieulafoy, sa voix se répercutant sous les voûtes de pierre de cette salle circulaire. Ne t'avais-je pas ordonné de ne jamais attaquer au grand jour ? De ne jamais te faire reconnaître ? Et toi, qu'as-tu fait ? Tu t'es rendu à une fête romaine où le pape était présent, et tu as attaqué la fille en présence du roi et de nobles seigneurs ! Elle sait maintenant que tu es en vie, et l'effet de surprise que tu avais à ton avantage vient de disparaître !

Francesco ferma la bouche, renfonçant sa tête dans ses épaules.

— Qu'as-tu à dire pour ta défense ? demanda Dieulafoy d'une voix sourde.

Maladroitement, Francesco passa une main sur son bras. Il sentit toutes les cicatrices dues aux châtiments de son père. Mais il craignait cette fois que son châtiment ne soit bien pire ... Il avait commis l'erreur la plus effroyable aux yeux de Sang Bleu. Celle de se faire prendre ... Pourtant, il releva vaillamment la tête, faisant face au visage courroucé de Dieulafoy. La cicatrice qui lui marquait le visage semblait se déformer tant l'homme était en colère.

— J'avais le médaillon à portée de main ...

— Et encore une fois tu as échoué, le coupa Dieulafoy. Et à cause de toi, dix de nos frères sont morts.

Il avait été contraint de donner cet ordre. Autrement, le roi aurait eu les moyens d'user de torture pour les faire parler. Il ne pouvait pas prendre ce risque. On disait que les adeptes ne parlaient pas et qu'ils préféraient se donner la mort plutôt que de trahir leurs secrets. Mais tout homme était faillible. Et Francesco le savait mieux que personne. Lui l'avait été à Rome ...

— Ils connaissaient les risques d'une telle mission, se dédouana Francesco.

— Et toi ? Ne les connaissais-tu pas ? Est-ce ainsi que je t'ai élevé ? Je t'ai appris à réfléchir avant d'agir, et voilà comment tu me remercies ? Tu as mis en péril toute l'organisation en agissant ainsi ! Par ta folie !

— Je ... Je pensais réussir ...

— Tu penses surtout avec ton cœur, Francesco.

Oui, il avait agi par pure jalousie. Il savait qu'il avait fait une erreur. Une grossière erreur. Quand il avait vu qu'Éléonore avait laissé la bague dans sa chambre ... Il n'avait plus réfléchi. 

Il avait été envoyé pour la séduire et espérait apprendre de sa bouche la vérité sur le Graal, mais jamais la jeune femme n'en avait parlé. Sang Bleu s'était contenté de la surveiller durant dix années, guettant la bonne occasion pour agir. Léonard avait été aussi filant qu'une anguille, quittant les villes aussi rapidement qu'il y arrivait. Il avait fallu des années à Francesco pour gagner sa confiance, et il n'était même pas certain de l'avoir eu un jour ... Il avait fouillé la demeure du grand peintre un nombre incalculable de fois sans jamais rien trouver sur le Graal, ou la lignée sacrée. 

Puis, Léonard s'était réfugié en France, sous la protection du roi. Et Francesco avait eu les mains liées. Maudit soit François ! Sans lui, voilà bien longtemps qu'il aurait réussi sa mission !

Si Dieulafoy avait le médaillon et qu'il réussissait à ramener son père du monde des morts, alors peut-être qu'il ne voudrait plus tuer Éléonore. Elle ne le voyait pas, ne le comprenait pas, mais il faisait cela pour lui sauver la vie ! Car peut-être était-il tombé amoureux d'elle finalement ... Et l'idée même de la savoir éprise d'un autre lui faisait horreur. Alors qu'elle avait toutes les raisons du monde de lui en vouloir ...

 — Le cœur est une faiblesse. Il corrompt l'esprit, poursuivit Dieulafoy, sourd à ses pensées.

— Non. Bien sûr que non ! mentit Francesco. Je n'ai pas agi avec mon cœur ! Je sais que j'ai fait une erreur, Maître ! Une énorme erreur ! Et je jure que plus jamais cela ne se reproduira.

— Ça c'est certain ... feula Dieulafoy.

Il frappa avec sa canne à pommeau sculptée d'un serpent qui se mord la queue sur le sol. Le son se répercuta longuement sous les voûtes en pierre.

— Tu connais les lois de notre organisation.

— Père ... murmura Francesco.

Mais le regard de Dieulafoy était de fer.

— Dorénavant, tu n'es plus mon fils. Tu m'as fait honte en agissant aussi inconsidérément. Tu m'as trahi, moi, ainsi que tes frères. Et tout cela pourquoi ? Pour une femme. Ne t'ai-je pas mis en garde maintes et maintes fois contre leurs ruses ? Leurs beautés sont un pouvoir démoniaque ! Elles s'en servent pour dominer les hommes et les soumettre à leurs volontés ! Et les femmes de cette lignée maudite sont les pires ! Aucune femme ne doit devenir l'égale de l'homme !

— Aucune ! crièrent les adeptes dans un même cœur.

Mais Francesco sentit la colère irradier dans son corps. Il ne pouvait pas le bannir ainsi ! Il n'en avait pas le droit !

— Après tout ce que j'ai fait pour vous ! hurla-t-il. J'ai donné ma vie pour vous, je suis devenu votre arme ! J'ai fait tout ce que vous m'ordonniez de faire sans jamais me plaindre, et pour une erreur, une simple erreur, je dois payer ?

— C'est la loi, Francesco. Et la loi doit nous diriger.

— Au diable votre loi !

Si un regard pouvait tuer, Francesco ne serait plus de ce monde. Dieulafoy donna un autre coup de canne sur le sol et releva la tête, martial.

— Moi, Gabriel de Dieulafoy, Grand Maître de Sang Bleu, déclare Francesco Melzi comme traître à notre organisation. Par tes actions, tu as trahi la confiance de tes frères, et nos secrets. Tu es coupable de la mort de dix de tes frères. De tels crimes ne peuvent être pardonnés. Le châtiment est la mort.

La mort ... Ce mot terrible sonna comme un glas. Francesco sentit un frisson effroyable lui parcourir le corps. La mort ... 

Son regard vert tomba sur son épée, toujours attachée à sa ceinture. Il savait ce qu'il devait faire ... Mais il n'en trouvait pas la force. Devait-il payer le prix fort pour une erreur de jugement ? Pour avoir été trahi par ses sentiments ? Il avait dédié toute sa vie à Sang Bleu pour finir ainsi ? Renié par tous et contraint à mourir ?

— Agis en homme et fais-le ! ordonna Dieulafoy, voyant qu'il hésitait.

Francesco sortit son épée de son fourreau. Le crissement lui hérissa l'échine. Il lui suffisait de retourner son épée contre lui et de se l'enfoncer dans le corps. Il pouvait encore mourir avec honneur. Mais ses mains se resserrèrent autour du pommeau sans le retourner contre lui. Il ne voulait pas mourir ... Pas pour cela ... Il ne pouvait pas ... Il avait échoué ... Mais cela méritait-il la mort ?

— Francesco ... gronda celui qu'il pensait être son père. Ne me force pas à le faire. Nos lois sont ainsi.

— Je ne suis pas votre arme ... murmura-t-il soudainement.

— Je te demande pardon ? s'énerva Dieulafoy.

— Je ne suis pas votre arme ! hurla Francesco d'une voix emplie de colère.

Et sans réfléchir, il se rua vers la sortie. Des murmures d'effroi se répandirent sur son passage, surtout quand il tua l'un des hommes qui gardaient l'entrée de la salle ronde. Son sang gicla sur sa longue cape sombre, mais Francesco s'en moquait. Il le repoussa d'un coup d'épaule et grimpa les escaliers quatre à quatre.

— Rattrapez-le ! hurla Dieulafoy. Et tuez-le !

Jamais il ne pourrait s'en sortir. Il était peut-être un redoutable bretteur, sans doute l'un des meilleurs que comptait Sang Bleu, mais il était seul contre une armée. 

Il se débarrassa d'un homme essayant de lui bloquer le passage et eut tout juste le temps de bloquer l'attaque d'un second. Mais pas d'un troisième. La lame s'enfonça dans son épaule, marquant sa chair. Francesco hurla et jaillit bientôt au rez-de-chaussée de l'hôtel de la Sainte Relique. En hommage au Graal bien sûr. Les Dieulafoy, père et fils, ne vivaient que pour cela. 

Et lui, naïvement, avait cru qu'il partageait leurs desseins. Mais il s'était trompé. Que ferait-il du Graal ? Toute sa vie, il avait été formé à devenir une arme, un soldat obéissant aveuglement aux ordres sans discuter. Et aujourd'hui, il venait de se rendre compte avec douleur que toutes ces années de loyaux services ne lui avaient pas fait gagner le respect des siens. Il n'était qu'une arme dont l'on se débarrassait quand elle devenait trop encombrante.

Taisant ses pensées, Francesco frappa un nouvel homme jaillissant de l'étage. Leurs deux épées s'entrechoquèrent violemment. Mais un autre adepte profita de cette distraction pour attaquer. Francesco poussa un hurlement quand il sentit l'épée s'enfoncer dans sa chair. Tremblant, il porta la main à son ventre. Du sang ... Il se sentit soudainement nauséeux. 

Mais mû par une volonté farouche de survivre, il fit tournoyer son épée dans les airs et faucha l'impudent. Puis, il se débarrassa du second d'un coup de pied avant de poursuivre sa course folle. Il grimpa à l'étage à toutes jambes, des gouttes de sang glissant derrière lui. Il ne tiendrait plus très longtemps ... Déjà sa vision s'obscurcissait. 

Il s'écroula contre une commode, mais se redressa à grande peine. À bout de souffle, il abattit son épée sur un autre homme qui lui bloquait le passage. Mais, il n'avait plus de force. La lame lui effleura le visage et il sentit sa joue le brûler. Il allait mourir ... Comment avait-il pensé avoir une chance de s'enfuir ?

— Cesse de te battre, résonna alors la voix de Dieulafoy dans son dos. C'est terminé.

— Non ...

— Oh Francesco ... Que crois-tu qu'il se passera si tu réussis à t'enfuir ? Que ta chère et tendre reviendra vers toi ? Crois-tu seulement qu'elle te pardonnera ce que tu as fait ? Ne sois pas sot. Tu es ma créature. Sans moi, tu n'es rien.

Il n'attendait pas le pardon d'Éléonore car il ne l'aurait jamais. Comment pourrait-elle lui pardonner d'être responsable de la mort de son père ? D'avoir tué son enfant ? Et d'avoir essayé de la tuer elle à Blois ? Jamais elle ne pourrait ... Mais s'il avait une chance de survivre, alors il emploierait sa chance à faire quelque chose de bien pour une fois dans sa vie.

Francesco jeta un dernier regard empli de rage à celui qui fut son père et maître avant de se précipiter vers la fenêtre. Il se jeta sur la vitre qui se brisa en mille morceaux sous le choc. Le jeune homme se sentit tomber, tomber à une vitesse folle. Le vent de la nuit parisienne lui fouetta le visage. Mais ce fut atrocement pire quand l'eau de la Seine se referma sur lui. 

Il sentit les moindres blessures de son corps irradier, semblant le brûler de l'intérieur. Il essaya de nager jusqu'à la surface, mais le courant était trop fort, et lui trop faible. Il se débattit longuement, en vain. Bientôt, des points noirs dansèrent devant ses yeux. Peut-être allait-il mourir finalement ... Il tendit une main vers la surface. Seule l'obscurité lui répondit. Brusquement, il se laissa sombrer, vaincu. 

*                        *                       *

Éléonore

Après notre retour de Rome, je m'étais hâtée vers la Lorraine, avec seulement en tête l'idée merveilleuse de revoir Antoinette et ma fille. Marin de Montchenu et Robert de La Marck m'avaient accompagnée, François et Anne ayant à faire. La rencontre entre le roi d'Angleterre et le roi de France ne tarderait pas et j'avais hâte d'y être. 

J'avais passé presque un mois dans le duché de Lorraine, accueilli aimablement par le duc Antoine, beau-frère d'Antoinette ; l'époux de cette dernière étant à la Cour. Ce mois passé en compagnie de mon amie et de ma fille avait été le Paradis. Marie avait si grandi ... Elle avait de courts cheveux roux bouclés qu'elle tenait sans doute de son père. Antoinette avait menti à son époux en prétendant que sa grand-mère était rousse et que la couleur des cheveux de l'enfant était donc tout à fait normal. Heureusement, Claude de Lorraine n'avait pas posé trop de questions. En revanche, les yeux de la petite étaient noisette, comme les miens. Elle était en parfaite santé, grâce au bon soin d'Antoinette. 

J'avais également raconté à mon amie tout ce qui nous était arrivés à Rome, sans omettre le moindre détail. Antoinette avait été stupéfaite d'apprendre que Francesco était encore en vie et que c'était lui qui était responsable de tous nos malheurs.

Mais presque aussitôt, nous avions dû repartir. Le roi nous avait toutes deux invitées à le suivre jusqu'à cette rencontre avec les Anglais, qui devait se tenir entre Ardres et Guînes. François m'avait tout spécialement demandée pour que j'organise des spectacles lors de cette rencontre. Et sans doute aussi car j'étais devenue sa maîtresse.

Ce fut pourquoi, en ce sept juin, nous galopâmes jusqu'au lieu de rencontre avec le souverain anglais. François galopait en tête, splendide dans son pourpoint bleu et blanc, aux couleurs de la France. Des fils d'or cousus sur son pourpoint représentaient des fleurs de lys et un énorme collier en or massif pendait autour de son cou. Pour parfaire l'ensemble, il portait un petit chapeau avec une plume blanche. 

Antoinette était restée avec le reste de la Cour, à l'arrière, dans l'immense cortège de carrosses. Mais ce n'était pas mon cas. J'étais à cheval, entre Anne, Robert et Marin qui ne me quittaient plus d'une semelle. Les aventures que nous avions déjà vécues avaient créées des liens indéfectibles entre nous. Mais, à mon grand malheur, nous n'étions pas seuls. Jean de Lorraine, chevauchant devant nous, ne cessait de me jeter des regards noirs en biais. Il n'avait rien dit à mon sujet, contraint d'obéir à l'ordre de son souverain.

Agacée par ses regards, je lui fis un petit sourire amusé avant de lui faire un signe de la main. Le cardinal détourna immédiatement le regard.

— Éléonore ... soupira Anne, plus amusé qu'autre chose.

— Quoi ? Il n'a qu'à pas me fixer avec tant d'insistance !

— C'est votre beauté qui le fait enrager, me complimenta Anne.

— Tutoyons-nous, proposai-je. Nous ne sommes plus des étrangers désormais, ni même des inconnus ou des connaissances.

— Ça sera pour moi le plus grand des honneurs, Éléonore, me sourit Anne, prenant ma main pour y déposer un baiser poli.

— Anne ... souffla Robert. Faut-il que vous séduisiez toutes les femmes ?

Ce dernier haussa seulement les épaules, mais Marin se retourna vers moi, ses cheveux bruns de jais ondulant dans le vent chaud de ce mois de juin.

— J'ai appris que vous alliez réaliser un spectacle pour la Cour, qu'avez-vous prévu ?

Apparemment, le tutoiement n'était pas dans leurs habitudes.

— Encore une Salamandre ? me demanda Robert.

— Non, j'ai trouvé mieux, ricanai-je. Mais c'est vrai qu'il y a lien avec le feu ...

— Vous ne comptez tout de même pas prendre feu ? s'écria Marin.

— Rassurez-vous Messeigneurs, je serai encore en un seul morceau après cette prestation.

— Ne nous fais pas languir ... insista Anne, ses yeux gris ne me quittant pas une seule seconde.

Lui avait très vite adopté le tutoiement.

— Je ne dirai pas un mot. Même le roi l'ignore. Mais rassurez-vous, vous n'attendrez pas bien longtemps avant de le découvrir ...

— J'en ai grande hâte ... m'avoua Anne.

Je lui dédiai l'un de mes plus beaux sourires, mais fus vite interrompue par la voix grave de Robert.

— Nous y sommes.

Je me figeai, émerveillée par le paysage qui s'offrait à mes yeux. C'était magnifique. Une vraie forêt de tentes s'étalait devant nous ; les plus prestigieuses d'entre elles recouvertes d'étoffes brodées de fils d'or. Certaines étaient gigantesques, d'autres plus petites, mais toutes resplendissaient au soleil. 

En quelques jours seulement, une ville éphémère venait d'être créée pour accueillir l'escorte du roi de France et celle du roi d'Angleterre, chacun ayant près de trois mille personnes à ses côtés.

— C'est magnifique ... murmurai-je.

Les trois hommes ne dirent rien, mais je vis à leurs regards qu'eux aussi étaient éblouis devant tant de faste et de magnificence. Car même si François recherchait l'appui anglais contre l'empereur, il voulait aussi prouver au roi d'Angleterre la splendeur et la puissance de la France.

— Messeigneurs, Mesdames, résonna alors la voix de François, bienvenue au Camp du Drap d'or.

C'était en effet une très belle appellation. Je vis alors apparaître au loin d'autres cavaliers. Sans doute les Anglais. 

François nous fit signe de rester ici et s'avança seul au-devant de la délégation anglaise. Un autre cavalier fit de même en face et j'en déduisis que c'était le roi d'Angleterre : Henry VIII. Des cheveux roux vif, une large stature, il avait une main posée sur sa hanche, ne tenant les rênes de sa monture que de l'autre.

— Est-ce le roi d'Angleterre ? demandai-je à mes amis pour en être certaine.

— Oui, me répondit Robert. C'est Henry VIII Tudor.

François et lui échangèrent des paroles aimables, à en juger par leurs sourires mielleux. Puis, les deux souverains dirigèrent leurs montures vers le campement. Les deux cortèges se mirent en branle. Le camp du Drap d'or nous ouvrait les bras. 

Bien qu'il y ait une certaine euphorie collective, je ne cessais de jeter des coups d'œil partout, craignant que Francesco n'apparaisse de derrière une tente. Mais force est de constater qu'il n'y était pas. Et puis, pourquoi Sang Bleu m'attaquerait ici, entourée de hauts-dignitaires de deux puissants royaumes ? Ça serait pure folie ! 

Pourtant, Francesco m'avait attaquée à une fête où se trouvait le pape. Malgré les réjouissances, je restais méfiante. J'avais le pressentiment que cette rencontre entre deux puissants souverains ne serait pas de tout repos. 

*

Je vous laisse sur de nombreuses interrogations ! Francesco est-il encore en vie, ou a-t-il succombé à ses blessures ?

Quelle prestation Éléonore a-t-elle en tête ?

Quant aux réjouissances du Camp du Drap d'Or, j'espère que vous ne serez pas déçus de rencontrer le roi d'Angleterre 😉

*

Le camp du Drap d'Or est le nom donné à la rencontre diplomatique qui se déroula entre le roi François Ier et Henri VIII d'Angleterre du 7 au 24 juin 1520, dans un lieu situé dans le Nord de la France, à Balinghem près de Calais, entre Ardres, appartenant à la France, et Guînes, anglaise à l'époque.

Son nom, Camp du Drap d'or, lui fut donné à cause du faste que les deux cours rivales y déployèrent, les tentes étant recouvertes d'étoffes brodées au fil d'or. Le coût de l'opération fut faramineux. Les divertissements, joutes, danses, feux d'artifice et banquets tinrent une place essentielle.

Les tentes des deux monarques sont grandioses, un château de bois, de toile et de verre pour le roi d'Angleterre, une immense tente sur laquelle se dresse une statue de Saint-Michel terrassant le dragon, pour le roi de France. Beaucoup de nobles français comme anglais se ruinent pour cette entrevue, les dorures et les vêtements qu'ils arborent sont extrêmement coûteux.

Chaque roi avait invité environ trois mille personnes : l'entourage des rois et reines, nobles, officiers, etc ... 

Huile sur toile de 1545, attribuée à Hans Holbein Le Jeune

Fortsett å les

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