Dans la peau de Léna
Ça doit bien faire une semaine que nous n'avons plus aucunes nouvelles de Kenzo. Après s'en être pris à tous ceux qui étaient là au moment où il a découvert sa "vérité non-dite", il est parti en courant de la maison en étant rempli de rage. Je ne l'avais jamais vu comme ça. Kenzo est relativement calme, il sourit presque tout le temps et a la tête sur les épaules. On ne le voit pas souvent, ni Morgan, mais on sait qu'ils sont là. Qu'ils veillent sur nous et qu'ils nous aiment, parce que nous sommes une famille. Mais après ce qui s'est passé il y a une semaine, je ne sais pas si Kenzo nous considère encore comme sa famille. A sa place, je me sentirai blessée, trahie et complètement perdue. Du jour au lendemain, des étrangers lui apprennent que toute sa vie est bâtie sur un mensonge. Le mensonge de son existence.
Je suis d'autant plus choquée d'apprendre que taty Mona a été violée par tonton Rayan. Enfin, je ne sais pas...généralement, les violeurs ne restent pas bien longtemps dans la vie de leur victime. Ils n'y restent pas du tout d'ailleurs. En plus, elle a voulu mettre fin à ses jours...et tonton Moha qui a tenté de la faire avorter par la force...rien ne va dans cette histoire. C'est un mélange de trop de choses incompréhensible pour mon esprit. Mais quand on regarde bien, malgré tout ça, Mona et Rayan ont réussi à construire une famille solide et heureuse. Ils sont parvenus à passer outre tous leurs problèmes, et ceux qui ont dû résulter de cet évènement. Connaissant les soeurs de taty Mona, Myriam et Mallory ont dû être les plus indulgentes et compréhensives. Elles sont posées et très empathique. Contrairement à Molly qui se permet de très vite juger les gens et leurs décisions. Elle a dû être la dernière à se résigner aux événements qui se sont déroulés et de ce qui en a découlé. Bien évidemment, elle a dû en faire tout un plat en en rajoutant des caisses et en n'essayant même pas de se mettre à la place des autres. Je l'aime bien, parce qu'en soit elle reste gentille, mais elle peut se montrer très vache. Particulièrement quand quelque chose ne va pas dans son sens.
Je suis affreusement triste pour Kenzo qui se retrouve en plein milieu d'une tornade, et je ne sais pas s'il va s'en sortir. Son père nous a dit que ça ne servait à rien de le chercher, si Kenzo ne veut pas que nous le retrouvions, nous ne pourrons jamais le trouver. Il pense savoir où il est mais préfère le laisser pendant un moment, histoire que ça se tasse un peu. Tonton Rayan ira le chercher quand il le sentira prêt à faire face à la réalité des choses. Ça peut prendre du temps mais il est confiant dans le fait que Kenzo saura lui pardonner, à lui, à taty Mona et à tous ceux qui lui ont involontairement causé du tort. En tout cas, Kenzo pourra toujours compter sur nous, ses cousins. Même si, pour le moment, il ne veut ni de notre aide ni notre soutien.
Une autre personne qui souffre énormément de ces révélations dévastatrices, c'est Imany. Elle était parvenue à mettre la mort de sa soeur et la souffrance que ça lui causait de côté pour avancer, et voilà que tout lui revient en pleine face. Mais encore plus fort. Il se trouve que tonton Mathéo est en parti responsable de ce qui est arrivé. Comme si ça ne suffisait pas déjà, Imany doit en plus encaisser le fait que son père soit, d'une quelconque manière, impliqué dans la disparition subite de sa petite soeur. C'est comme une avalanche qui vient l'assevelir pour mieux la tuer encore. Elle pleure depuis une semaine, sans relâche, en refusant de voir ses parents. Même Mam's a tenté de la voir mais elle l'a remballé, si bien qu'il préfère rester avec les Khelafi et le reste. Tonton Mathéo essaie de ne rien montrer mais nous voyons et comprenons bien qu'il se sent mal. Surtout qu'il aurait préféré que nous apprenions tout ça d'une autre façon. Ces gens ont craché leur venin en se cachant derrière une feuille de papier. Ils ont lâché deux bombes qui ont fait de multiples dégâts, tout en atteignant leur cible.
C'est pensive que je sors de ma chambre après avoir passé une nuit presque blanche, à entendre les pleurs d'Imany et de taty Inaya toute la nuit. Et c'est comme ça depuis une semaine. Personne ne peut leur en vouloir, en même temps personne ne sait quoi faire. Maman et ses soeurs ne savent pas comment réagir. Entre maman et taty Thays qui n'ont aucune idée de ce par quoi passe taty Inaya, et taty Elysa qui sait parfaitement ce qu'elle ressent, elles sont perdues dans les actes à suivre envers elle.
: Léna?
Je tends le cou vers les escaliers pour constater que c'est Mam's qui m'interpelle. Il sort de la douche, ça se voit rien qu'à la multitude de gouttes d'eau qui s'échappent de ses cheveux pour s'abattre soit sur la serviette qu'il porte autour du cou, soit sur son tee-shirt. Je le regarde en attendant qu'il me parle. Il s'approche de moi pour réduire la distance et éviter de crier. Ça se voit qu'il est fatigué et inquiet à la fois. Je sais déjà de qui il va me parler, faut pas être devin.
Mam's: Comment elle va?
Moi: Du mieux qu'elle pourrait dans cette situation. Je ne sais pas quoi te dire d'autre.
Mam's: T'inquiètes p'tite tête. C'est déjà beaucoup pour moi. Tu crois qu'elle...
Moi: Sombre comme la première fois? Je ne sais pas et je n'espère pas. Avec tonton Malik et Tyron qui ont disparu, Kenzo qui s'est évaporé dans la nature, ce serait bien si on pouvait éviter de perdre deux personnes de plus dans la tristesse.
Mam's: Humm. C'est quand même bizarre que Tyron ai réussi à disparaître sous nos yeux, alors que la maison est gardée par des centaines de gars.
Moi: Liam pense qu'il y a des infiltrés parmi eux. C'est sûrement l'un d'eux qui a fait ça. Enfin, ils ont dû être plusieurs.
Mam's: Faut qu'on fasse plus attention.
Moi: C'est clair.
Papa: Mam's! Dépêches-toi! Moha, Amin et Amir t'attendant au cabanon!
Moi: Au cabanon? Depuis quand il y a un cabanon dans cette maison?
Mam's: Un conseil Léna, ne cherche pas à comprendre. J'y vais.
Il me donne une p'tite claque et s'en va de nouveau vers la salle de bain. Il y en a deux communes. Kays, Amin, Amir, Liam et lui ainsi qu'Idriss, Samir et Samuel se douchent dans la première qui se trouvent au-rez-de-chaussée. Nous les filles, nous utilisons l'autre qui est à l'étage. Contrairement aux parents de la maison qui utilisent leur salle de bain personnelles. Une organisation bien particulière pour ne pas se retrouver dans des situations gênantes dès le matin ou très tard la nuit, si on tient compte du fait qu'Amir et Liam ont une préférence pour se doucher vers les minuit.
Je descends à mon tour et me dirige vers la cuisine. Je me prépare une assiette bien garnie avec un verre de jus et une bouteille d'eau. Je vais ensuite au salon et vérifie qu'il n'y a personne. Une fois fait et certaine qu'il n'y a personne, je récupère de ma poche la boîte de médicament que je prends soin de cacher à ma famille. Ce sont des cachets que je dois impérativement prendre matin et soir, depuis que j'ai 15 ans. Ils me permettent de ne pas faire de malaise ou d'avoir des vomissements à répétition à n'importe quelle heure ou endroit de la maison.
À cause des coups de mon père, des cauchemars monstrueux et crises d'angoisse que je faisais dès que je pensais à lui et à Amel, des opérations inoubliables pour mes blessures sérieuses, je suis contrainte de prendre ces cachets jusqu'à ce que mon médecin traitant me dise de ne plus en prendre. Ça fait bien cinq ans que je prends ces merdes qui me maintiennent en vie, d'une certaine manière. Il faut en plus que je cache ce traitement à ma famille entière pour ne pas les froisser. Mon père essaie de se repentir mais c'est difficile pour moi d'oublier. Encore plus quand je regarde ces cachets que je dois prendre. Même Liam n'est pas au courant. C'est vous dire à quel point je ne veux que personne l'apprenne.
Je retire mon cachet du matin en appuyant sur le support en aluminium, porte le cachet à ma bouche et l'avale à l'aide d'une bonne gorgée d'eau. Je prends un temps pour m'assurer que je l'ai bien avalé et commence à petit-déjeuner, en replaçant soigneusement la boîte dans ma poche. Je me perds dans mes pensées quand maman vient s'asseoir à côté de moi. Je me sens mal à l'aise, ça fait bien longtemps que je ne me suis pas retrouvée seule avec elle. Pourtant je ne lui en veux pas. C'est juste que j'ai perdu l'habitude d'aller vers elle instinctivement quand quelque chose ne va pas. J'ai mis sur sourdine son rôle de maman pendant tellement longtemps que je ne sais pas comment aborder ce pas qu'elle fait vers moi. Je sais qu'elle voudrait que tout redevienne comme avant, je le souhaite aussi. Mais il y a un monde entre ce que l'on souhaite et ce qui se passe dans la réalité. Je me contente pour le moment de poser mon bol de fruits sur la table basse pour lui montrer que sa présence ne m'est pas indifférente. Je veux bien qu'on ai une discussion. J'ai besoin de retrouver ma maman, malgré tout ce que je pense au fond de moi.
Moi: Maman...Je suis désolée pour ce que je t'ai dis la dernière fois. Je n'en pensais pas un mot. J'étais juste énervée de revoir papa et...de son comportement. Il faisait comme si de rien n'était, il a voulu m'approcher comme s'il ne c'était rien passé. Ma tête, mon coeur, mon être entier étaient tétanisés de le voir m'approcher, avec toutes les bonnes volontés du monde, alors que ma bouche lui hurlait de ne pas me toucher. C'est triste à dire, et ça doit être difficile à entendre, mais... j'ai une peur monstrueuse de mon père. Je n'arrive plus à effacer le monstre qu'il est devenu alors que je ne lui ai rien fait. C'est au-dessus de mes forces de passer outre. J'ai eu trop mal et je continue d'avoir mal rien qu'en pensant que mon papa...Mon papa à moi...m'ai blessé...
Elle ne me répond rien et me saute dessus, en me serrant dans ses bras. Elle me sert contre elle comme si elle ne voulait pas que je parte. Avec toute cette histoire, j'en viens à oublier que je lui avais annoncé mon départ pour les États-Unis avec la ferme intention de ne plus revenir. Évidemment, j'en suis incapable. Je souffrirait trop de ne pas revoir ma mère, mes frères et soeurs, et même mon père. J'ai beau dire ce que je veux, hurler et les mépriser, j'aime ma famille plus que tout. Et avec du recul, je me rends compte que nous avons tous souffert de la jalousie maladive d'Amel. Elle est la seule coupable de tout ça. C'est elle qui a voulu nous détruire tout simplement parce qu'elle n'était pas l'une des nôtres. Ça me fait encore plus mal de me dire qu'elle a réussit, pendant cinq ans à m'éloigner de ma famille. A nous séparer. Inconsciemment, je me mets à pleurer dans les bras de ma mère, en même temps qu'elle.
Moi: Je ne veux plus partir loin de vous. Je ne veux plus avoir mal maman.
Maman: Ça n'arrivera plus ma chérie. Je te promets que ça n'arrivera plus. J'ai été faible devant la situation, on l'a tous été, mais c'est fini maintenant. Et je peux t'assurer qu'Amel va regretter de s'en être pris à ma famille. A notre famille.
Je la sens sincère et fragile à la fois. Je n'ai pas besoin de me venger d'Amel. La reconstitution de ma famille sera la plus belle vengeance que j'aurai eu sur elle.
Après ce moment de pleurs et de remords, nous avons retrouvé un bout de notre relation complice entre une mère et sa fille. Je lui ai raconté tout ce qui c'était passé dans ma vie durant les cinq années où je n'étais pas avec eux. Je lui ai également parlé de Kaïnza, Emma-Rose et Shayma, de leur caractère, de leur famille toute très sympathique et des galères qu'on a pu avoir. Elle est heureuse que j'ai pu rester ouverte à de nouvelles amitiés malgré tout ce qui s'est passé et semble un peu plus soulagée, mais je ne sais pas pourquoi. Ensuite, la réalité nous a rattrapé. Malik, Tyron et Kenzo restaient introuvable, tandis qu'Imany et sa mère demeuraient dans la tristesse. Heureusement qu'Illan n'était pas là au moment de la lecture de la lettre. Il n'a certainement pas besoin de savoir que son père est impliqué dans la mort de sa petite soeur. Il a beau avoir 19 ans aujourd'hui, il reste quand le plus petit de sa famille. D'ailleurs, de là où je suis, je le vois parler avec Darcy et Alyssa tout en s'occupant d'Évyh, de Luann et des autres petits que sont Malha, Marwa, Madhy et Azhra (la petite soeur de Sarah, Samuel et Safir). Ils semblent si loin et peu préoccupés de tout ce qui se passe. C'est ce que je croyais quand maman me sort de ma rêverie.
Maman: On croit souvent à tord qu'Illan ne comprend pas ce qui se passe autour de lui. Il est silencieux, discret mais ce n'est pas pour autant qu'il n'est pas conscient de certaines choses. Il essaie juste de garder la tête hors de l'eau. Et heureusement, parce que sinon nous ne saurions plus quoi faire des petits qui restent. Il les protège de tout ça, comme il l'aurait fait pour Maya.
Au même moment, mon regard croise celui d'Illan, qui me sourit. Je suis surprise de voir qu'il sourit pendant que tout s'effrite autour de nous, et autour de lui plus encore. Je comprends alors qu'il ne retient que le bon côté de tout ça: notre famille est réunie sous le même toit, se soutient et se maintient de par nos espoirs et notre volonté de faire de demain, un jour meilleur. C'est incroyable de le voir comme ça. Un véritable petit homme. Je lui rends son sourire avant de monter voir comment va Imany, en n'oubliant pas d'embrasser ma mère sur la joue. Je me retrouve à l'étage et me dirige vers la chambre d'Imany et Kalya. Elles y dorment à deux. J'ouvre timidement la porte pour éviter de me faire gueuler dessus, au cas où elles ne seraient pas d'humeur. Kalya est très perturbée par la disparition de Tyron. Même si, à mon avis, je pense qu'il est avec son père. C'est déjà plus rassurant mais sans confirmation, on ne peut qu'imaginer le pire.
Je referme la porte derrière moi et découvre une chambre remplie de tristesse. La fenêtre est fermée, les rideaux sont tirés pour empêcher la moindre source de lumière de s'introduire dans la pièce. J'ai l'impression de me voir, il y a cinq ans, quand plus rien n'allait dans ma vie. Mon père qui me bat, ma mère qui ne réagit pas, et Kalya et Imany qui s'éloignent de moi pour le plus grand bonheur d'Amel. Je sais ce que ça fait de se sentir au plus mal, et je ne le leur souhaite pas. Il faut que je fasse quelque chose pour elles. Alors je prends mon courage à deux mains et pars ouvrir la seule fenêtre de cette grande chambre. Elles me regardent faire, presque choqué de mon geste. Je sens enfin le vent frapper contre mon visage, tout en s'emparant de l'ensemble de la chambre. La lumière du soleil fait son apparition aussi. Dans un grand moment de confiance, je me tourne vers les filles et m'empare de leur drap, qu'elles utilisaient jusque là comme bouclier contre toute personne tentant de les aider. Je les tire jusqu'à les retirer entièrement sur elles. Je dépose les draps sur le grand canapé qui se trouve dans l'angle de la chambre, près de la porte, et les observe. Elles ont envie de dire quelque chose, mais elles se retiennent. Il faut les provoquer.
Moi: Si vous voulez m'insulter, allez-y. Mais croyez-le ou pas, je ne vous lâcherai pas aujourd'hui.
Elles ne disent toujours rien. Très bien, on va aller plus loin. J'ai de quoi faire en plus.
Moi: Sauf si vous voulez vraiment que je vous laisse tranquille. Après tout, moi j'ai encore mes deux parents, mon grand frère, mes trois petites soeurs ainsi que mon dernier petit frère avec moi. Alors je ne vois pas pourquoi je prendrai pitié de vous. Vous ne m'avez pas soutenu quand mon père me passait à tabac. Vous étiez en train de jouer les gentilles petites copines avec une meuf qui s'en foutait complètement de vous. Elle s'est rapprochée de vous uniquement parce qu'elle voulait m'atteindre. Et bien qu'elle ai réussi, elle s'est fichue de vous de la plus belle des manières.
Kalya commence à s'énerver de plus en plus. A vraie dire, je n'ai pas besoin qu'Imany s'énerve aussi. Il suffirait juste que Kalya parle pour qu'elle en fasse autant. Je vais continuer mon petit speech, qui ne me fait pas plaisir d'ailleurs, pour pousser à bout Kalya et qu'elle dise enfin quelque chose. Même une insulte m'irait amplement.
Moi: Quand on regarde bien, vous vivez à travers moi. Et depuis toujours. Il a juste suffit qu'Amel arrive pour le prouver: Sarah vous en voulait à mort, les garçons ne vous parlaient plus. Tu te rends compte Kalya? Ton propre frère qui t'engueule et ne te parle presque plus uniquement parce que tu me tenais à part. Ça veut vraiment dire que tout passe par moi et que sans moi, vous n'êtes rien. Juste deux pathétiques filles qui n'ont rien dans la tête, sauf de l'air bien sûr.
Kalya: TU CHERCHES QUOI EN DISANT ÇA!? TU VEUX QUE J'TE FASSE BOUFFER MON POING OU MON PIED?! ESPÈCE DE...
Imany: Pas besoin de l'insulter, Kalya. Elle a eu ce qu'elle voulait.
Kalya: Elle a eu quoi?!
Imany: Elle voulait nous faire parler, pour qu'on arrête de se morfondre.
Kalya me fixe comprenant enfin ce à quoi je voulais aboutir en m'en prenant à elles de la sorte. Même si je pensais tout ce que j'ai dis, hormis le fait que j'ai encore ma famille et qu'elles vivent à travers moi. Ces deux parties là devaient juste servir à les énerver. Chose faite. Je m'assieds sur une des chaises présentes, entre leur deux lits et attends que Kalya se calme. Elle pourrait me frapper si l'envie lui prenait. Mais entre nous, après tout ce que j'ai déjà pris avec mon père, je ne me laisserai sûrement pas faire. Quand elle parait enfin posée et apte à écouter, je prends une grande inspiration et me lance.
Moi: Ce n'est pas facile pour moi de revenir une fois de plus vers vous, quand on sait tout ce qui s'est passé entre nous. Mais ce n'est pas facile pour moi non plus de vous voir dans cet état. Je préférais encore vous voir avec Amel, plutôt qu'ici, enfermées dans vos chambres à vous morfondre sur vous-mêmes alors qu'à l'extérieur de cette pièce, il y a des gens qui souffrent aussi mais qui sont prêts à écouter vos souffrances. Qui sont prêts à prendre sur eux pour comprendre vos peines et vous aider à aller mieux. Vous n'êtes pas toutes seules. Vous avez Kays et Illan pour vous épauler. Vous avez aussi ma mère, ta mère à toi Kalya, taty Elysa et taty Inaya bien sûr. En plus de taty Safia, taty Alya et taty Fiona. Si vous n'arrivez pas à parler aux garçons, parlez au moins à l'une de ses sept femmes là. Et si ça ne vous va toujours pas...Je...je suis là moi. Vous pouvez venir me voir ou m'appeler quand vous voulez, à l'heure que vous voulez. Enfin non, pas après 22h parce que j'ai besoin de sommeil réparateur. Et voir vos vieilles têtes de sorcières péniblement affreuses après 22h ne m'aiderait pas à dormir.
Elles se regardent avant de partir dans un fou rire. Je me joins à elle sans plus attendre, faute de leur rire beaucoup trop communicatif. La porte de la chambre s'ouvre dans un fracas étonnant, laissant place à Delya et Sarah. Elles nous examinent surprises, anxieuses et finalement soulagées. Elles s'avancent décidées à comprendre ce qui se passe. Imany se lève de son lit, à la surprise générale.
Imany: Pas besoin de grandes explications. Léna a une fois de plus prouvé qu'elle est la plus grande et la plus sage d'entre nous, malgré son jeune âge.
Moi: J'ai 20ans quand même. Juste deux ans de moins que vous. Pas la peine de jouer aux grandes.
Delya: Tu restes quand même plus petite que nous, p'tite tête.
Moi: Déjà, arrêtez de m'appeler comme ça. Vous ne pouvez pas savoir comment c'est agaçant!
Sarah: Minimoys s'énerve! Sa p'tite tête va éclater!
Kalya: Faudrait pas, on a besoin d'elle. Sauf si elle prévoit de toujours partir aux States.
Moi: J'y vais plus. Comme tu l'as dit, vous avez besoin de moi.
Kalya: Façon de parler cousine.
Moi: Ouiii, bien-sûr.
Delya: Bref, on fait quoi maintenant?
Imany: Je dois parler à mon père, pour laisser Maya reposer en paix.
Moi: Maya ne pourra reposer en paix que lorsque vous en aurez terminé avec le fils de pute qu'il a tué et tous ceux qui y ont participé.
Sarah: Léna a raison. Vous devez le faire, ensemble, pour Maya.
Kalya: Quant à moi, je vais faire tout ce que je peux pour retrouver Tyron et mon père. Ainsi que ceux qui les ont enlevé.
Delya: Et ceux qui vous ont envoyé la lettre aussi. Ils ont mis à mal l'ensemble de la famille. Leur but c'est uniquement ça et ils ne s'arrêteront que quand on s'entretuera.
Moi: Ça n'arrivera pas. Pas tant qu'on sera des Delannay-El Khafir-Khelafi.
T.Thays: On croirait entendre Malik, Marwan, Moha, Drissa et Assan.
T.Fiona: Je ne sais pas si c'est une bonne chose alors.
T.Safia: Encore moins quand on sait qu'elles sont aussi déterminées que nous à mettre fin à tout ça. Une bonne fois pour toute.
Maman: Non. Je crois au contraire que c'est une très bonne chose.
On se regarde toutes avec de légers sourires. Je ne veux plus voir la peur, la tristesse ou la déception de ma famille. Je ne veux plus qu'on se déchire pour des erreurs du passé. Je ne veux plus que quiconque utilise nos plaies pour arriver à leur fin. Je veux que ma famille redevienne soudée et unie. Je veux que ma famille redevienne une famille, avec chaque membre, aussi barjots et cinglés les uns que les autres.
Mais avant que tout ça ne devienne une réalité, il faudrait déjà qu'au sein même de notre famille, nous arrivions à regarder nos blessures, nos échecs et nos défaites en face. Que nous les affrontions et que nous les effacions dans une volonté commune de tout changer. Il n'y a que de cette manière que nous pourrons défier ceux qui entravent notre route et récupérer ce qui nous appartient de plein droit. Il n'est plus l'heure de se meurtrir et de se laisser porter par le vent. Ce temps est révolu et laisse place à l'heure du changement.
Nos parents n'aimaient pas le changement? Voyons ce qu'ils ont à dire contre un passé qui revient sans cesse.
"Les batailles de la vie ne sont pas gagnées par les plus forts, ni par les plus rapides, mais par ceux qui n'abandonnent jamais."
[Hassan II,
Ancien roi du Maroc]
@Lylhie