HISTOIRE ILLUSTRÉE - David...

By Rituhell

38.3K 3.1K 451

Histoire illustrée, improvisée, disponible chaque jour sur Instagram et Facebook. Version non-corrigée. Vous... More

PARTIE 1 - L'enfance de David et Öta
PARTIE 2 - Une profonde amitié
PARTIE 3 - Quand vient la violence
PARTIE 4 - A la recherche des origines
PARTIE 5 - Le Festival de PierreBrulée
PARTIE 6 - Être présent l'un pour l'autre
PARTIE 7 - La rencontre de Esther et Léo
PARTIE 8 - La Naissance de David
PARTIE 9 - Un foyer où rester
PARTIE 10 - Quand la vérité est dévoilée
PARTIE 11 - Trouver sa voie
PARTIE 12 - Est-ce la bonne décision ?
PARTIE 13 - L'équinoxe de l'espoir
PARTIE 14 - Les herboristes de BrancheNoire
PARTIE 15 - La bibliothèque de GemmeNoire
PARTIE 16 - Un enfant dans son ventre
PARTIE 17 - L'apprentissage de David
PARTIE 18 - Les sentiments de Ayel
PARTIE 19 - La Magie des Plantes
PARTIE 20 - Le contrecoups de la magie
PARTIE 21 - Une question de sentiments
PARTIE 22 - Le passé de Ayel
Chapitre Bonus
PARTIE 23 - Elen, le frère perdu.
PARTIE 24 - Retour à la maison
PARTIE 25 - L'oncle de Öta
PARTIE 26 - Le passé d'un père
PARTIE 28 - Se comprendre
PARTIE 29 - Invitation
PARTIE 30 - La célébration de Mortherbe
PARTIE 31 - Sincérité
PARTIE 32 - Audience et Jugement.
PARTIE 33 - Le secret des feuilles
PARTIE 34 - Retour à PierreBrulée
PARTIE 35 - Nouvelle destination
PARTIE 36 - Retour à BrancheNoire
PARTIE 37 - La naissance de Ausra
PARTIE 38 - Le voleur de GemmeNoire
PARTIE 39 - Les ogres de GemmeNoire
PARTIE 40 - Réunion de famille
PARTIE 41 - Le vrai visage de Jol
PARTIE 42 - Le fournisseur de la Caste.
PARTIE 43 - Nouveau départ ?
PARTIE 44 - Öta s'amuse bien
PARTIE 45 - Quand ça va trop loin.
PARTIE 46 - Trois jours sous terre
PARTIE 47 - La souffrance de Tyra
PARTIE 48 - Quand Öta ne sait plus quoi faire
PARTIE 49 - Une nuit mouvementée
PARTIE 50 - L'histoire de Sylène 1/2
PARTIE 51 - Traduction
PARTIE 52 - L'histoire de Sylène 2/2
PARTIE 53 - La dispute de Öta et Elan
PARTIE 55 - La folie de Nora
PARTIE 56 - Le masque de David
PARTIE 57 - Un peu d'hydromel ?
PARTIE 58 - Le don de Söl
Flashback Bonus
PARTIE 59 - Le Refuge de Petrus
PARTIE 60 - Le retour de Nora
PARTIE 61 - Où est Merry ?
PARTIE 62 - Le départ de Tyra
PARTIE 63 - A la recherche de Nora
PARTIE 64 - Le retour de Senna et Tyra
PARTIE 65 - Le refuge de Jol
PARTIE 66 - Suie, Citrouille et Nivis
PARTIE 67 - Le rendez-vous
PARTIE 68 - Retrouvailles
PARTIE 69 - Mage des Veilleurs
PARTIE 70 - Rendez vous
PARTIE 71 - Expédition
PARTIE 72 - Gahan
PARTIE 73 - La fête de l'aurore
PARTIE 74 - Le cadeau de Tyra
PARTIE 75 - Rendez-vous très humide.
PARTIE 76 - Oenthu
PARTIE 77 - Deux magies
PARTIE 78 - Abonde de GemmeNoire
PARTIE 79 - Sortie de prison.
PARTIE 80 - Davin gra gra gra Tihiran
PARTIE 81 - Où est Tihiran ?
PARTIE 82 - Lumière
PARTIE 83 - Le repos de la Dame.
PARTIE 84 - Soirée au sein de la troupe
PARTIE 85 - Une étrange nouvelle
PARTIE 86 - Voyage vers Morthebois
PARTIE 87 - Un début de vérité
PARTIE 88 - Retour à Morthebois
PARTIE 89 - Tensions
PARTIE 90 - Le passé d'Elliot
PARTIE 91 - Promesse
Suite

PARTIE 54 - Le retour de Jol

175 13 3
By Rituhell


Jol avait passé une assez bonne semaine, bien qu'un peu monotone. C'était toujours ainsi lorsqu'elle rendait visite aux amies de sa grand-mère.

Entre les potins, le thé importé du BordMonde, les petits plaisirs sucrés, les balades à cheval, la couture et la broderie... tout était tristement répétitif.

Elle mourrait d'envie de s'enfuir à cheval, galopant dans les champs en quête de liberté. Mais elle se retenait, gardant une attitude parfaite et un sourire à toute épreuve.

Constamment bien habillée, la tête couverte et de beaux bijoux pour la mettre en valeur.

Elle ne comptait plus le nombre de fois où la Dame de la Rose avait demandé :

« Toujours pas de prétendant ? Il est pourtant temps de te trouver un bon parti. »

Et chaque fois, elle finissait inéluctablement par ajouter :

« C'est si dommage que tes sourcils gâchent ton beau visage. Qu'elle tristesse qu'une aussi adorable jeune femme ne soit pas de race pure. Au moins, tu n'as pas hérité des vilaines oreilles de ton père. Ce qui n'est pas le cas de ta sœur, n'est-ce pas ? Pauvre enfant. »

Jol détestait recevoir ces remarques. Si elle avait pu choisir, elle aurait apprécié être plus étris qu'humaine. Elle ne l'avouerait à personne, mais elle aimait les oreilles de son père et enviait sa petite sœur d'en avoir hérité.

Pourtant, ça aurait pu arriver.

Les Etris avaient des attributs physiques liés à leur animal totem. Et bien qu'elle ait hérité du sang humain de sa mère, elle en avait également un.

Le chat. Un animal détesté, chassé et victime des superstitions, mais dont les douces oreilles étaient adorables.

Jol secoua la tête. Ça ne servait à rien de ressasser tout ça, elle ne pouvait pas changer son corps, peu importe à quel point elle le souhaitait.

Aujourd'hui, elle rentrait enfin de son court voyage. Comme toujours, Nora et Merry lui avaient manqué énormément. Elle aurait adoré pouvoir partager ces instants avec eux.

Leur faire découvrir le thé, les sucreries, les balades à cheval... rendre beaux ces moments en les partageant avec ses proches. Avec l'homme qu'elle aimait.

Elle imaginait parfaitement Nora plisser le nez devant le gout amer du thé du Bordmonde, et Merry se goinfrer de gâteaux avec les joues rougies de plaisir.

Mais ce n'était pas possible.
Et elle se sentait mal chaque fois qu'elle y pensait.

Lorsqu'elle rentra de son voyage, Jol fut accueillie par sa mère. Toujours rayonnante et douce, elle l'étreignit avec amour.

Avec toutes les règles qu'elle devait respecter pour être une fille de bonne famille parfaite et délicate, elle ne pouvait pas se montrer trop chaleureuse avec ses parents.

Mais Jol aimait la douceur de sa mère. Alda avait cette manière de la prendre dans ses bras, qui était pleine de tendresse.

C'était bien différent des étreintes de son père, qui l'étouffait et l'écrasait à chaque fois, sous le regard désapprobateur de sa grand-mère.

Mais lorsqu'ils soupèrent tous ensemble, dans un silence pesant, Jol sentit immédiatement que quelque chose n'allait pas. Ses parents semblaient tendus. À fleur de peau.

Évidement, elle remarqua l'absence d'Öta, mais ne s'en formalisa pas. Ce n'était pas inhabituel. Il ne participait pas toujours aux dîners, et ces derniers temps il était souvent enfermé dans sa chambre.

Ce dont elle ne se plaignait pas, au contraire : elle était bien heureuse de ne pas le croiser tous les jours.

Depuis que Nora lui avait dévoilé les menaces qu'Öta avait proféré à son encontre et la violence dont il pouvait faire preuve, elle n'avait plus aucune envie de le voir.

Alors, lorsque Alda lui expliqua à la fin du repas qu'Öta serait absent quelque temps, Jol s'en réjouit.

Enfin le retour de sa tranquillité !

Mais au fond d'elle, bien qu'elle avait du mal à se l'avouer, elle se sentait tout de même légèrement mal. La dernière fois qu'elle avait vu Öta, il était en train de pleurer.

La vision du jeune homme, le visage tordu par la douleur et le désespoir lui avait fait mal au cœur.

Elle avait aussi remarqué les étranges feuilles qui lui poussaient sur les bras, et qu'il s'arrachait avec violence. Elle se posait de nombreuses questions à ce sujet.

Tout était toujours si bizarre avec lui...

Après le repas, comme elle était épuisée du voyage elle décida de se coucher tôt. Alors qu'elle était dans sa chambre, sur le point de se changer, on toqua à sa porte.

Étonnée, elle l'ouvrit et tomba nez à nez avec son père.

« Père ? Que puis-je faire pour vous ?
- J'aimerais te parler. Je peux entrer ? »

« J'aimerais te parler. Je peux entrer ? »
À peine son père eut-il prononcé ces mots que Jol sentit que c'était important.

Élan ne lui parlait pas. Il ne prenait pas le temps de discuter avec elle.
Qu'il vienne ainsi seul, dans sa chambre, était tout sauf une situation normale.

Elle le fit donc entrer, ne laissant rien paraître de son inquiétude, et Élan s'assit sur un de ses fauteuils. Il lui fit signe d'en faire de même, et elle se posa sur son lit.

Cette scène lui rappelait étrangement la visite d'Öta, lorsqu'il était venu la rassurer à propos des projets de mariage de sa grand-mère.

À l'époque, elle avait apprécié son geste et s'était même permis d'imaginer devenir son amie. Quelle idiote ! Il s'était bien moqué d'elle.

La douleur de la trahison, alors qu'elle commençait tout juste à lui accorder sa confiance, était encore difficile à supporter.

« J'ai appris que tu "fréquentes" un garçon. » commença t-il, cherchant ses mots. Jol se tendit immédiatement. Le moment qu'elle redoutait tant arrivait. Depuis que ses parents étaient revenus, elle savait que ce n'était qu'une question de temps.

« Père, je peux tout vous expliquer... » tenta-t-elle d'une petite voix. Élan fronça les sourcils.

Tout sauf ça. Elle ne pourrait pas supporter le regard empli de déception de son père, non. Non !

« Ta mère et moi sommes contre cette relation. Tu es trop jeune et ce n'est pas un bon garçon. » Élan tâchait de se contenir, ne voulant pas brusquer sa fille. « Tu ne le verras plus. »

Jol répliqua alors, les larmes aux yeux : « Trop jeune ? Vous aviez mon âge quand vous avez épousé mère ! Et vous n'étiez pas de bonne famille non plus, vous viviez dans la rue.. Vous devriez me comprendre, nous ne sommes pas si différents !
- Silence ! » claqua la voix d'Élan, faisant reculer Jol. Il se leva et lui attrapa le bras, grondant avec force et colère : « Je t'interdis de reproduire nos erreurs, tu mérites mieux que ça ! »

Jol tenta de se défaire de sa poigne. Il lui faisait mal.
Mais il ne l'écoutait pas. Elle cria alors de désespoir :

« C'est votre apprenti qui vous a dit ces mensonges sur Nora, n'est-ce pas ? C'est une vipère, ne le croyez pas ! Il vous manipule ! »

Élan craqua, ne supportant pas d'écouter Jol dire du mal d'Öta.
Il cria : « Öta est la personne la plus douce et attentionnée que je n'ai jamais rencontrée, je refuse de t'entendre dire du mal de lui ! Tu devrais avoir honte !
- Vous préférez défendre un débauché que vous connaissez à peine, plutôt que votre propre fille ? » gémit elle, la voix brisée :

« Vous ne me rendez guère visite qu'une fois par an, et jamais vous ne vous demandez ce que je veux réellement ! Vous êtes tellement persuadé que je suis une poupée que vous en oubliez que j'ai des sentiments, moi aussi ! »

Ce fut au tour d'Élan de reculer, blessé par les paroles de Jol. Était-il un si mauvais père que ça ? Le visage rouge et en larme de sa fille lui brisa le cœur. Il défit sa prise et tenta de la prendre dans ses bras, mais Jol le repoussa avec hargne.

Ce geste le blessa, et il gronda de colère :

« Tu as le droit d'aimer, mais pas comme ça. Pas lui. Ce garçon est un vaurien violent et malfaisant, s'il s'en sort je refuse qu'il s'approche de toi de nouveau ! »

Jol écarquilla les yeux. D'une voix blanche, elle répéta :

« S'il s'en sort ? »

Comprenant qu'il en avait trop dit sous le coup de la colère, Élan se rassit et croisa les bras. Elle n'avait pas besoin de savoir les détails. Il en était hors de question.

« Rien qui ne te concerne. Tu ne le verras plus, tu n'as pas le choix. »

Jol sentait les larmes perler aux coins de ses yeux. Avait-il fait du mal à Nora ? Elle ne comprenait pas. Elle avait tant espéré que son père et Nora puissent s'entendre un jour, eux qui étaient si semblables...

Ne pouvait-il pas ouvrir les yeux ?

« Qu'avez-vous fait ? » insista-t-elle, la voix brisée.

Acculé, Élan ne put que répondre :

« Ce n'était qu'une question de temps avant qu'il ne t'agresse, alors j'ai fait ce que tout père aurait fait : je lui ai réglé son compte. »

Jol hoqueta, les yeux écarquillés, et soudain se précipita vers la porte de sa chambre. Élan tenta de la retenir, mais elle l'esquiva et commença à dévaler les escaliers en courant.

Sa robe volait derrière elle. Elle arracha son voile et le jeta par terre, dévoilant ses cheveux. Elle retira aussi des chaussures en chemin, dont les talons étaient une gêne.

Peu importait maintenant de bien se comporter. Elle voulait juste rejoindre Nora au plus vite. Nora. Son nom tournait en boucle dans son esprit, l'inquiétude la rongeant.

Elle passa devant Alda et quitta la maison. Élan la suivait de près, mais Alda le retint. Elle avait très bien compris ce qu'il s'était passé, leurs cris n'étant pas franchement discrets.

« Elle va voir ce vaurien, j'en suis sûr ! » cria-t-il de colère. Alda le gifla, le stoppant net. Il cligna des yeux, éberlué.

« Calme-toi. Dis-moi où il habite, je m'en charge. »

Jol traversa la ville sans s'arrêter, terrifiée à l'idée qu'il ait pu arriver quoi que ce soit à Nora. Son cœur battait à tout rompre, elle peinait à respirer tant l'angoisse prenait sa poitrine.

À cette heure-ci, le soleil était couché depuis longtemps et elle peinait parfois à voir devant elle. Plus d'une fois, elle faillit tomber.

Mais finalement, elle atteignit la basse-ville. Elle entendit des sifflements sur son passage, sa belle robe maintenant sale attirant les regards.

Elle ne prit pas la peine de tourner la tête, continuant son chemin.

Jol se faufila dans la maison à moitié détruite et abandonnée où Nora et Merry se cachaient. L'endroit était toujours aussi insalubre et froid, dénué de tout confort.

« Nora ! » cria-t-elle en le voyant.

Le jeune homme avait l'air très mal en point. Son visage était en partie couvert de bandages sales, creusé par la fatigue et constellés de taches de sang séché. Son teint était encore plus blême que d'habitude et son seul œil visible était terne et cerné.

Mais il était vivant.

Il se redressa en entendant son nom et son regard s'éclaira en apercevant Jol.

Nora se leva et Jol se jeta dans ses bras. Il l'enlaça avec douceur et ferma les yeux, profitant de sa chaleur.

Jol éclata alors en sanglots, le visage niché dans le creux de son cou. Elle tremblait.

Nora ne dit rien, resserrant son étreinte et caressant sa tête jusqu'à ce qu'elle se calme.

Lorsque Jol sembla calmée, Nora la repoussa doucement en la prenant par les épaules. Il la détailla de haut en bas avant de grogner :

« T'es sortie comme ça ? Y sont où tes souliers ? Et r'garde l'état d'ta robe, elle est pleine d'boue ! C'pas croyable, même moi j'suis plus propre. »

Jol rougit de honte. Elle rétorqua, la voix cassée :

« Tu peux parler avec ta tronche de cadavre. »

Il grimaça et elle s'inquiéta aussitôt. Il avait réellement l'air mal. Jol tendit la main vers sa joue.

« Bon sang, tu es vraiment brulant. Tu devrais te rasseoir. »

Il s'exécuta, soulagé de se poser. Jol se tourna ensuite vers Merry, qui était présente depuis tout ce temps.

« Que s'est-il passé ?
- Cet idiot s'est encore battu. » Répondit Merry. « Mais vu ton état, je pense que tu sais déjà avec qui, n'est-ce pas ? »

Jol opina du chef, le cœur serré. Elle n'avait pas envie d'aborder le sujet. Elle se pencha sur Nora et souleva son bandage. Il la laissa faire sans mot dire. Son œil était crevé, dans un état immonde et sale. Elle eut un haut-le-cœur.

« Tu as nettoyé sa plaie ?
- Oui, mais je ne suis pas guérisseuse. Sarah m'a donné quelques conseils, mais je ne peux pas faire de miracles. »

Merry désigna un seau d'eau, dont la couleur trouble ne laissait aucun doute sur son état.

« Tu sais que l'eau ici n'est pas très propre, mais en ton absence on à du faire avec.
- Désolé. Laisse-moi faire. »

Jol attrapa un récipient vide qui trainait par terre, puis se plaça devant le seau et se concentra.

Rapidement, l'eau du seau commença à onduler. Elle le quitta ensuite, lévitant autour des mains de Jol.

Avec précaution, la jeune fille sépara le liquide en deux. Une part claire, et une autre sombre et boueuse.

Elle déposa l'eau sale dans le nouveau récipient, puis redéposa la partie propre dans le seau.

« Faire la magie est toujours aussi épuisant. » Soupira-t-elle, les joues rougies par l'effort.

« Merci Jol. » murmura Nora. Elle répondit :

« Bah tu sais, j'ai l'habitude à force de vous purifier l'eau quand je viens. C'est pas tout le temps mais c'est déjà ça. J'ai aucune envie que vous retombiez malade, la dernière fois m'a suffi.
- C'était y'a longtemps. Je t'ai déjà dit que t'étais pas obligée, on est résistants.
- Ouais ouais, c'est ça. J'peux le faire, alors pourquoi s'en priver ?»

« Où avez-vous trouvé ces bandages ? Vous avez demandé de l'aide à Sarah ? » demanda Jol, tout en nettoyant doucement le visage de Nora. Merry opina, tandis que Jol continuait :

« Et elle a pu agir malgré son père ? Qu'avez-vous d'autre ?
- Ouais. Des médicaments, ils sont là-bas. » répondit Nora, en désignant des fioles dans un coin de la pièce.

Elle se redressa et fixa le tas de flacons. Il y en avait beaucoup, ce qui l'étonna. Depuis quand Sarah prenait-elle autant de risques ? Ulrich allait forcément remarquer leur absence.

Ce n'était pas juste quelques flacons isolées, mais toute une collection. Dont certaines assez rares.

Jol n'était peut-être pas herboriste, mais avant de vivre chez sa grand-mère elle avait appris beaucoup de choses auprès de ses parents.

Elle se pencha et regarda attentivement les étiquettes.

Elle fronça les sourcils : « Je les reconnais. Ces fioles proviennent de l'atelier de mon père.
- De ton père ? » répondit Nora, étonné. « Tu dois t'tromper, c'est Sarah qui nous les a donnés.
- Non, j'en suis sûre. Je les reconnaitrais entre mille. »

Merry toussota, gênée, attirant ainsi leur attention. D'une petite voix, elle expliqua en fixant Nora :

« Je ne voulais pas te le dire, de peur que tu refuses les médicaments.
- De quoi ?
- Ils ne viennent pas de Sarah, mais d'Öta. Il les a apportés de lui-même pour t'aider. »

Nora ouvrit la bouche, puis la referma.
Il se renfrogna et resta silencieux, pensif.

Étonnée d'apprendre que les médicaments venaient d'Öta, Jol fut troublée. Elle bredouilla :

« Comment ça, d'Öta ?! Je ne comprends pas ? Pourquoi ferait-il une chose pareille ? Il déteste Nora.
- Et bien... » commença Merry, en jetant un coup d'œil rapide à son frère. « Je pense qu'il se sentait coupable. Après tout, c'est lui qui a crevé l'œil de Nora.
- C'est lui qui à... ? » répéta bêtement Jol.

Jusqu'alors, elle était persuadée que son père était le responsable de sa blessure.

C'est ce qu'il avait eu l'air de dire, lors de leur dispute.

Mais non. Il s'agissait d'Öta.
Encore lui.

En voyant la réaction de Jol, dont le visage s'assombrit, Merry comprit qu'elle devait mettre les choses au clair. Elle ajouta alors :

« C'était un accident. J'étais présente. Les seuls fautifs sont Nora et ton père, qui se sont battus avec hargne. J'ai cru qu'ils allaient finir par s'entretuer. »

Jol fixa Nora en quête d'explication.

Il n'avait pas l'air de vouloir se mêler à la conversation, mais elle comprit alors qu'il était en réalité perdu dans ses pensées. Dans son état, il faisait peine à voir.

Soudain, il tourna la tête vers elle, l'air sérieux. Il plongea son regard dans le sien.

« C'est de ma faute. C'est moi qui ai ouvert les hostilités, j'ai merdé. J'arrête pas d'y penser.
- Nora...
- J'peux m'en prendre qu'à moi-même, j'ai fait l'con. »

Merry murmura, soulagée :

« Bon sang, il était temps que tu l'admettes. Depuis le temps que je te le dis.
- Remue pas l'couteau dans la plaie toi. »

Jol dévisagea Nora et Merry. Elle ne comprenait plus grand-chose à cette histoire et était totalement perdue. Que s'était-il réellement passé ?

Pourquoi Nora affirmait-il être fautif ?

« Tu as intérêt à tout me raconter. Depuis le début. » ordonna t-elle en croisant les bras, les sourcils froncés par la colère.

Nora se redressa, le visage déformé par un rictus. Il appréhendait ce moment depuis longtemps.

« C'est bon. » grogna t-il. Au bout d'un long silence il continua :

« Après qu'tu nous l'ai présenté, j'ai trainé avec Öta.

- Oui tu m'as raconté. Et il t'a menacé.

- Non. J'lai embrassé. »

Jol écarquilla les yeux et porta ses mains à la bouche, retenant un petit cri.

Comment ça, il l'avait embrassé ? Avait-elle mal compris ? Ce n'était pas du tout ce qu'elle s'était imaginé. Elle bredouilla :

« Mais, mais... c'est un garçon !

- Hein ? »

Il ne s'attendait pas à cette réaction. Nora eut un rire nerveux et se passa la main sur le visage.

« Les garçons, ça s'embrasse pas entre eux ! T'es fou ? T'as de la fièvre ? »

Jol se pencha sur lui et posa sa main sur son front, l'air concentré et inquiet.

« Tu es bouillant ! Je vais trouver quelque chose à te donner dans les médicaments pour faire passer ça.

- Jol... »

Elle se leva et se dirigea vers le fond de la pièce afin d'examiner de nouveau les flacons. Elle fixa les étiquettes, les larmes aux yeux. Ses mains tremblaient.

« Jol. » répéta Nora, d'une voix plus ferme. Elle sursauta et fit tomber le flacon qu'elle tenait. Il rebondit sans briser, à son grand soulagement. Elle se baissa et le ramassa.

« Que je suis maladroite, j'ai failli le casser. Ça aurait été problématique.
- Jol. J'ai déjà eu des relations avec des hommes.
- Mais... et nous ? C'est pour ça que tu ne veux pas de moi ? Parce que tu aimes les garçons ? Tu aimes Öta c'est ça ? »

La voix de la jeune femme se brisa. Nora se leva et la prit dans ses bras. Elle se laissa faire, sanglotant.

« Öta ? J'le déteste. »

Il avait craché ces mots. D'une voix plus douce, il ajouta ensuite :

« Et t'sais très bien que si j'veux pas être avec toi c'est parce que j't'aime. Tu mérites mieux qu'ma sale vie d'chien. »

Jol se blottit contre lui en fermant les yeux.

« Que s'est-il passé ensuite ? »

Nora évoqua alors sa peur lorsqu'Öta l'avait rejeté puis menacé de tout révéler à Jol sur leur soirée.

« J'voulais pas que tu me détestes. J'sais, c'est con. J'te repousse tout le temps et en même temps j'veux pas t'perdre.
- Nora...
- J'fais que des conneries. S'pour ça que j'te mérite pas. »

En entendant ces mots, les yeux de Jol se brouillèrent de larme.

Blottie contre Nora, elle resta quelques secondes silencieuse, à profiter de sa chaleur réconfortante.

Elle releva ensuite la tête et gémit :

« C'est parce que tu tenais à moi que tu as fait des bêtises et que tu as perdu ton œil. Tout est de ma faute.
- Jol...
- Je suis si désolée ! » pleura-t-elle, en cachant son visage contre son torse, les yeux fermés de douleur. « C'est moi qui ne te mérite pas. Ils se fourvoient tous sur ton compte, si seulement ils pouvaient te voir comme moi je te vois... »

Nora lui caressa la tête doucement pour la réconforter. Merry quant à elle contemplait la scène d'un air peiné. Elle se leva et sortit de la pièce, décidant de les laisser parler seuls.

« Jol, dis pas ça. » gronda Nora en la forçant à le regarder. « C'est pas ta faute hein. Ils ont raison d'penser que j'suis un salaud, c'est vrai. J'tai trompé en embrassant c'gars.
- Mais on est pas ensemble, c'est toi qui l'dis tout le temps. Tu as le droit d'aller voir ailleurs... »

Elle avait prononcé ces mots d'une petite voix, comme s'ils lui brisaient le cœur. Nora secoua la tête :

« Nan j'aurais du t'en parler. J'suis désolé.
- Tu sais, je me fiche de ce que pensent les autres. Et je peux tout accepter ! Même que tu fréquentes des garçons, je m'en fiche tant qu'on est ensemble ! »

Nora déplaça sa main, la posant sur la nuque de Jol et il l'attira vers lui. Il se pencha sur elle et l'embrassa.

Lorsqu'ils se détachèrent, il murmura :

« J'fais tout pour t'résister, mais j'y arrive pas. J'voulais prendre mes distances pour disparaître de ta vie. Mais j'peux pas, pas quand tu m'regardes comme ça.
- Donc ça veut dire que... ?
- Ouais, t'as gagné. J'suis à toi. »

Ils restèrent longtemps blottis l'un contre l'autre, sans mot dire. Finalement, Jol brisa le silence en murmurant :

« Comment allons-nous faire ? Mon père veut m'interdire de te voir et m'a dit qu'il savait tout.
- Il t'a dit quoi ? » demanda Nora, en se raidissant un peu. Jol ne répondit pas, continuant :

« Quand il m'a crié dessus, j'étais terrifiée.. Je ne pensais pas qu'il pouvait être comme ça. J'ai vraiment cru qu'il allait me faire du mal. » gémit-elle. « Ses gestes, ses mots... il me fait si peur.
- Parfois les hommes violents n'sont pas ceux qu'on croit. » répondit Nora, en resserrant son étreinte. « Tu devrais prendre d'la distance avec ta famille. Ils sont pas bons pour toi.
- Tu as raison... »

Jol renifla, les yeux brouillés de larme. Nora lui caressa le visage, tendrement. Elle se détendit, sa chaleur la réconfortant.

« Pars avec moi. Fuyons ensemble cette ville. » lâcha t-il soudainement, la mine sérieuse. Elle releva la tête, étonnée.

« Quoi ? Maintenant ?
- Non, quand j'irais un peu mieux. J'ai entendu parler d'cités dans l'Sud où les orians peuvent trouver du boulot plus facilement. Avec ma force et mon endurance, j'pourrais m'rendre utile. J'travaillerais pour subvenir à nos besoins.
- Nora... »

Jol plongea son regard dans le sien. Elle espérait depuis si longtemps de pouvoir vivre avec lui, qu'elle n'osait pas le croire. Ces paroles, elle en avait rêvé tant de fois !

« Je... oui ! Je vais partir avec toi ! »

Nora sourit et lui vola un nouveau baiser. Il expliqua ensuite :

« Il nous faut d'l'argent. Fais croire à tes parents qu'on est plus ensemble pour qu'ils t'laissent tranquille. Et dans quelques temps, quand ils s'douteront de rien, prends tous les objets de valeur que tu trouveras. Bijoux, or...
- Mais c'est du vol ? » s'inquiéta Jol.

Nora la rassura immédiatement :
« Nan, c'ton héritage. Tu l'prendras juste en avance, pour qu'on puisse fuir ensemble. C'est bien c'que tu veux, non ? Qu'on puisse s'aimer, loin d'leur haine et d'leurs préjugés ?
- Oui. » Jol opina, comprenant ce qu'il voulait dire. « Je le ferais alors. »

« Tu devrais rentrer, j'vais te raccompagner chez toi. » fit Nora, en s'éloignant d'elle pour attraper son capuchon. « T'sembles épuisée.
- Je te retourne le compliment. » répondit Jol, les sourcils froncés. « Il est hors de question que tu fasses le trajet dans ton état. Je saurais me débrouiller.
- Merry peut t'accompagner. Elle connait mieux qu'toi les ruelles à éviter, t'seras en sécurité avec elle.
- Je vais lui demander. »

Jol s'approcha de lui pour l'enlacer mais fut stoppée dans son geste par le capuchon de Nora, que ce dernier lui avait jeté sur le visage.

« Couvre-toi. »

Elle sourit et l'enfila. Nora était bourru mais toujours extrêmement attentionné. C'est ce qu'elle aimait chez lui, cette part de douceur un peu timide qu'il avait parfois.

Le capuchon était en piteux état, abimé par le temps et la saleté. Mais il avait l'odeur de Nora, c'était réconfortant.

« Merci.
- Ouste maintenant. »

Il lui vola un baiser avant de la pousser vers la sortie. Elle leva les yeux au ciel et passa le pas de la porte.

Alors qu'elle sortait, elle angoissa à l'idée de revenir et de se faire réprimander par ses parents. Elle décida qu'elle en discuterait avec Merry pour avoir ses conseils sur le chemin du retour.

Mais, elle s'attendait pas à voir son amie aux côtés de Alda. Elles avaient l'air en pleine discussion, assez proches et sérieuses.

Elle entendit Merry remercier Alda mais n'y prêta pas attention, s'exclamant :

« Mère ! »

Si Jol avait redouté la confrontation avec son père, de peur de le décevoir et de voir son regard se teinter de mépris, elle redoutait celle avec sa mère pour d'autres raisons.

Alda avait cette fâcheuse habitude de toujours trop bien comprendre. Elle avait ce talent insupportable de lire à travers les gens et elle adorait rendre ça particulièrement gênant.

« Merry a l'air d'être une jeune femme très sympathique. » fit Alda, en brisant le silence.

La mère et la fille avançaient dans le noir depuis plusieurs minutes, se dirigeant lentement vers leur maison.

Elles n'avaient pas encore parlé ensemble, sauf lorsque Alda l'avait invité à la suivre pour rentrer. Jol, contente d'éviter le conflit, l'avait écouté sans mot dire.

« Oui, elle est gentille.
- J'aurais préféré que tu tombes amoureuse d'elle. »

Jol s'empourpra, dévisageant sa mère avec gêne et malaise. Ne sachant pas quoi répondre, elle rétorqua :

« Mais c'est une fille !
- C'est un problème ? »

Elle ouvrit la bouche puis la referma. Voilà ! C'était exactement ça qu'elle détestait chez elle ! Crispée, elle ne répondit pas. Alda continua :

« D'ailleurs, son frère a bien tourné autour d'Öta. C'est peut-être de famille ?
- Comment le savez-vous ? » demanda aussitôt Jol, avant de se rendre compte de l'idiotie de sa question.

Öta avait probablement dû lui dire, tout comme il avait trahi ses autres secrets.

« C'est Merry qui me l'as appris tout à l'heure. »

Jol s'étouffa.

« Tu sais, ça fait un moment que je suis là. J'ai eu le temps de discuter un peu avec elle.
- Vous devriez parler avec Nora aussi, vous pourriez voir à quel point c'est un garçon formidable. » répondit-elle aussitôt, avant de se rappeler qu'elle était censée faire mine d'avoir rompu avec lui.

Elle tenta de se rattraper, mais le regard de sa mère la découragea rapidement : elle ne la croyait pas une seconde.

« Peut-être que si tu nous l'avais présenté avant que l'on apprenne par nous-même votre relation, tout se serait mieux passé. » répondit Alda avec un petit sourire. « Bien que je conçois que ce soit difficile. J'ai moi-même eu beaucoup de mal à annoncer ma liaison avec ton père à l'époque où nous nous sommes rencontrés. »

Alda ajouta, dans un murmure moqueur :

« Il faut dire que ton père est tout sauf le gendre idéal.
- C'est pour ça que je ne comprends pas pourquoi père ne veut pas m'écouter ! Il juge Nora avec tant de force, alors qu'il sait ce que ça fait d'être soi-même jugé.
- Jol... Il t'aime et s'inquiète pour toi.
- Mais il m'a dit qu'il avait peur que je reproduise vos erreurs ! » gémit-elle, sentant les larmes monter.

« Est-ce qu'il pense vraiment que je suis une erreur ? »

Alda s'arrêta, étonnée par ses paroles. Elle la prit immédiatement dans ses bras. Jol s'effondra en larmes, redevenant l'enfant qu'elle était.

« Ne dis pas ça. Tu es la plus belle chose qui nous soit jamais arrivée. Tu es notre rayon de soleil, notre petite sorcière aux champignons.
- Maman... »

Alda sourit. Voilà longtemps que Jol ne l'avait pas appelée ainsi. 

« Maman... »

Alda sourit. Voilà longtemps que Jol ne l'avait pas appelée ainsi.
Elle lui caressa doucement le dos pour l'apaiser.

« Ma chérie, même si on ne se voit que très peu, tu sais qu'on ne t'oublie pas ? On t'aime, peu importe la distance. » fit-elle, en continuant de sourire chaleureusement à sa fille.

Jol renifla, les yeux brouillés de larmes et il se passa quelques secondes avant qu'elle ne tente timidement :

« J'aimerais bien vous voir plus souvent...
- Mais c'est toi qui as choisi de partir vivre chez ta grand-mère. Tu as changé d'avis ? Si tu as envie de rentrer à BrancheNoire, tu pourrais repartir avec nous. » proposa Alda, bien qu'elle se doutait déjà de la réponse.

La jeune fille secoua la tête. Si seulement tout était aussi facile, s'il suffisait de rentrer pour aller mieux, elle ne souffrirait pas autant.

« Quand je suis partie, je vous ai dit que c'était pour devenir une dame et apprendre à vivre comme grand-mère. » Alda hocha la tête.

« Mais en réalité c'est que ça me rendait folle de rester dans cette forêt ! » se confia-Jol, soulagée d'enfin en parler après toutes ses années de mensonges.

« J'avais l'impression que le monde m'était caché par ces arbres, comme s'ils formaient tous ensemble une cage dont je ne pouvais m'extirper.
- Je comprends, j'aurais dû le remarquer. » s'en voulu Alda. « À vivre isolés dans notre petit village, on ne voit pas grand monde. Tu devais te sentir seule.
- Oui. » gémit-elle. « Mais finalement mon mensonge est devenu une cage lui aussi. Toujours à devoir être gentille, polie, la jeune fille parfaite... tout ça parce que j'avais peur qu'autrement vous ne me demandiez de rentrer à BrancheNoire ! J'avais peur que vous soyez déçus de voir mon vrai visage, vous qui étiez si heureux de mon choix ! »

Alda avait réalisé depuis longtemps que Jol leur cachait de nombreuses choses, mais en l'écoutant elle regretta de ne pas avoir agi plus tôt.

Elle n'avait pas compris son mal être et se le reprochait.

« Ma chérie, jamais on ne t'en voudra d'être qui tu es. Nous t'aimons.
- Merci... » répondit elle en fermant les yeux quelques secondes. Puis elle demanda maladroitement : « Vous m'aimez autant que Ausra ? »

Depuis leur arrivée, Jol était distante avec sa sœur. Elle s'intéressait peu au bébé, l'ignorant la plupart du temps.

Avait-elle peur d'être remplacée ?

« Nous vous aimons toutes les deux autant. » Répondit Alda en lui faisant un baiser sur le front. Jol sembla se détendre, hésita quelques secondes, et ajouta :

« Et autant que Öta ? »


Alda fut étonnée par cette question.

Elle appréciait Öta comme un membre de sa famille, en un an il était entré dans leur vie et était devenue une part entière de leur quotidien.

Jol avait dû le sentir. En y repensant, elle avait dû être très perturbée de voir un inconnu être aussi proche de ses parents.

« Évidemment. Tu es mon bébé, ma petite sorcière. » sourit Alda, faisant rougir Jol. « Pourquoi diable t'aimerais-je moins que lui ? Ta sœur et toi, vous êtes ce qui m'est le plus cher au monde. Je suis désolée que tu aies pu croire le contraire.
— Mais père... »

Évidemment. C'était Élan qui était proche d'Öta. La jalousie qu'éprouvait Jol envers Öta était liée à lui.

Elle enviait leur relation.

Jol aurait aimé être à sa place. Elle rêvait de pouvoir rire et passer du temps avec son père de la même manière. Aussi naturellement.

Leur complicité était douloureuse à voir.

Lorsque Élan s'était précipité pour prendre Öta dans ses bras pour le calmer, elle avait compris qu'elle était profondément jalouse.

Elle aurait voulu pouvoir crier et pleurer comme Öta.
Elle aurait voulu recevoir cette étreinte.

La scène lui avait brisé le cœur.

En y repensant, les larmes brouillèrent de nouveau son regard.
Alda le remarqua et répondit :

« Je vais te dire un secret : je pense qu'il t'aime même plus que moi ! Je vais finir par être jalouse. » Jol eut un petit rire, se détendant légèrement.

Alda continua ensuite, plus tristement :

« Mais tu sais, il a beaucoup souffert lorsque nous avons perdu ton frère. Öta est parvenu à combler ce trou dans son cœur, il est comme un fils pour lui. »

Elle avait prononcé ces mots douloureusement, étant tout aussi marquée par ce deuil.

« Mais jamais ça n'entachera les sentiments qu'il a pour toi. Il est juste trop maladroit pour se confier à cœur ouvert. Il ne sait pas comment faire.
— Je crois que je suis jalouse... » avoua alors Jol, penaude.

« Tu sais, à longueur de journée il ne me parle que de toi !
— C'est vrai ? » demanda Jol, pleine d'espoir. « Il parle de moi ?
— Tout le temps ! Même Öta a du supporter ses radotages à ton sujet. Si tu savais comme il avait hâte de te rencontrer ! Sur le chemin, on n'entendait que lui. »

Alda tenta alors de mimer Öta, prenant volontairement une voix niaise et enfantine :

« À quoi elle ressemble ? Tu crois qu'on pourra être amis ? Je suis pas doué pour me faire des amis, j'espère que ça ira. J'ai peur qu'elle ne m'aime pas. C'est vrai qu'elle a les yeux d'Élan ? Ça doit être si joli ! Et tu crois qu'elle aime la tarte aux pommes ? Moi j'adore la tarte aux pommes. On pourra en manger ensemble ? Haaaan ! Et elle pourra même me raconter plein de secrets marrants sur vous ! »

Jol recula, étonnée.

Öta avait hâte de la rencontrer ? Vraiment ? Elle n'avait pas imaginé qu'il ait pu ne serait-ce qu'être au courant de son existence avant son arrivée.

Elle se sentit soudain coupable de son comportement avec lui. Elle avait voulu l'impressionner et l'effrayer, en se donnant l'image de fille sûre d'elle et rebelle dans l'ombre.

Pourtant, il s'était accroché. Il s'était montré toujours aimable lorsqu'il était avec elle.

Elle hoqueta, réalisant son erreur.

« Je suis une idiote.
— Oui, tu tiens ça de ton père. » répondit Alda, ayant deviné le fil des pensées de sa fille. Son visage était terriblement expressif.

Jol rougit de honte.

« Tu vas bien ? Tu as froid ? » s'inquiéta Alda, en entendant Jol éternuer. Celle-ci lui fit un petit sourire gêné.

Elle était pieds nus depuis tout ce temps. Alda n'avait jusqu'alors rien remarqué, sa robe et l'obscurité ambiante cachant ses pieds.

« Bon sang, mais tu vas attraper la mort si tu restes ainsi ! Où sont tes souliers ?
- Dans les escaliers, je crois. Je les ai retirés en m'enfuyant. »

Sans attendre une seconde de plus, Alda s'assit sur un muret, se déchaussa et tendit ses chaussures. Jol les prit, étonnée.

« J'espère qu'ils t'iront.
- Mais...
- Enfile-les, tu n'as pas le choix. »

Jol s'exécuta sans un mot. Les souliers de sa mère étaient chauds, c'était agréable. Depuis qu'elle avait quitté Nora et Merry, elle était gelée. L'air froid de la nuit lui glaçait la peau.

Mais elle n'en dit rien.

Les deux femmes repartirent. Il n'était pas question de traîner plus longtemps. Le reste du trajet se déroula calmement, Alda racontant quelques anecdotes sur son enfance en chemin.

« J'ai déjà entendu cette histoire.
- Chut. Laisse-moi radoter un peu. »

Lorsqu'elles arrivèrent, Jol se cacha instinctivement derrière Alda. Elle craignait la colère de son père, bien que la discussion sur la route l'ait rassurée.

Après tout, il criait tel un fou lorsqu'elle s'était enfuie.

S'en rendant compte, Alda murmura : « Ne dis rien, laisse-moi faire. »

Élan ainsi que la grand-mère de Jol les attendaient. La vieille dame buvait une infusion, assise dans le salon. Elle leva les yeux en les voyant entrer, puis les baissa de nouveau pour boire une gorgée, sans faire mine de bouger de sa place.

Élan quant à lui se précipita vers elles, manquant de renverser sa chaise au passage.

« Bon sang Jol, tu...
- Tu as vu l'heure ? » le coupa Alda aussitôt. Jol se recroquevilla encore plus derrière sa mère, s'accrochant à sa cape. Alda enchaina : « À cette heure-ci, nous devrions dormir depuis longtemps. Jol est épuisée et frigorifiée, je l'accompagne dans sa chambre. La pauvre enfant a bien besoin d'une nuit de sommeil. »

Et sans laisser le temps à Élan de comprendre, elle poussa Jol vers les escaliers. Alors qu'elles les montaient, Alda se retourna et ajouta en direction de son mari :

« Prépare-moi une tisane, avec une cuillère de miel sudan s'il te plait. Tu es un amour. »

Élan secoua la tête, et se dirigea vers la cuisine en grommelant.

Après avoir aidé sa fille à se changer et coucher, Alda redescendit pour retrouver Élan.

Une tisane l'attendait sagement sur la table du salon. Elle s'installa et en huma le parfum. Elle attrapa la tasse et ferma les yeux quelques secondes.

C'était terriblement agréable de sentir la chaleur entre ses mains. Elle en avait bien besoin.

Elle releva les yeux.

Élan semblait déjà un peu plus calme à première vue, mais sa nervosité transparaissait dans ses gestes et son regard. Il fixait Alda, attendant qu'elle dise quelques mots.

« Où est ma mère ? » fit Alda, en se rendant compte qu'elle avait disparu.

« La vieille est partie se coucher. Elle préfère nous laisser gérer ça entre "parents indignes" je cite. » répondit Élan, agacé.

Alda leva les yeux au ciel.
La nuit s'annonçait longue.

Quelques minutes plus tard, Jol se faufila hors de sa chambre et tenta de s'approcher du salon sans un bruit. Elle voulait entendre ce que ses parents allaient dire d'elle.

Il lui était impossible de dormir, tant la curiosité et la crainte se mélangeaient dans son esprit.

Malheureusement, elle ne parvint qu'à percevoir des chuchotements. Les deux adultes parlaient très bas.

Elle resta une bonne demi-heure cachée.

La jeune fille avait fini par s'assoir par terre, épuisée. Mais n'entendant rien, ses yeux décidèrent de se fermer et elle s'endormit là.

Elle se réveilla légèrement lorsque bien plus tard, ses parents la surprirent ainsi. Élan la souleva, la prenant dans ses bras pour la porter à son lit. Elle referma les yeux et sombra de nouveau dans le sommeil.

Continue Reading

You'll Also Like

53.2K 3.7K 61
Léandros Alastair , Alpha suprême de la meute d'arcadys est un loup-garou froid et effrayant qui voue une haine féroce envers la gente féminine. Lor...
4K 25 2
Pleins de petites histoires de lesbienne bien chaude très excitant...
8.2K 1.7K 45
| Urban Fantasy | MxM | 2 publications par semaine Dans l'Atrium, capitale lumière où les cinq races cohabitent presque en harmonie, la police humain...
3.8M 263K 82
La vie de Ruby bascule quand elle se découvre métamorphe alors qu'elle se rend à Forest Dawn, un camp pour surnaturels où elle vivra des vacances pou...