La flamme de la Salamandre

Chloe_m0726 द्वारा

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France. 1519. " Ils m'ont retrouvée, Léonard. Même après toutes ces années. Prends soin de ma fille, je t'en... अधिक

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Casting + Trailer
Prologue : Par une nuit d'orage ...
Chapitre 1 : Voler de ses propres ailes
Chapitre 2 : Un ancien secret
Chapitre 3 : Le retour d'une amie
Chapitre 4 : Sous les yeux du roi de France
Chapitre 5 : Des questions sans réponses
Chapitre 6 : Le grand maître
Chapitre 7 : "Je veille sur vous"
Chapitre 8 : La Dame à l'hermine
Chapitre 9 : L'affaire du Clos Lucé
Chapitre 10 : Tel est pris qui croyait prendre
Chapitre 11 : Un mal soudain
Chapitre 12 : Premier entraînement
Chapitre 13 : Le soutien d'une amie
Chapitre 14 : "Padre !"
Chapitre 15 : "Tuez-la !"
Chapitre 16 : Ne reste que des cendres
Chapitre 17 : Un cœur meurtri
Chapitre 18 : Chagrin et colère
Chapitre 19 : La lignée sacrée
Chapitre 20 : Chasser ou être chassée
Chapitre 22 : À qui faire confiance ?
Chapitre 23 : Jouer cartes sur table
Chapitre 24 : "La victoire n'en sera que plus satisfaisante"
Chapitre 25 : L'attaque de Blois
Chapitre 26 : Advienne que pourra
Chapitre 27 : Le cri d'une mère
Chapitre 28 : Pour un verre de vin italien
Chapitre 29 : Un prix trop élevé
Chapitre 30 : La renaissance d'une lignée
Chapitre 31 : Le serment du fer
Chapitre 32 : Les célébrations de Noël
Chapitre 33 : La complexe machinerie de l'amour
Chapitre 34 : La cité éternelle
Chapitre 35 : La légende du Graal
Chapitre 36 : Désir inassouvi
Chapitre 37 : Que le masque tombe
Chapitre 38 : Cruelle révélation
Chapitre 39 : L'amour d'un roi
Chapitre 40 : Traîtrise
Chapitre 41 : Une déesse dévorée par les flammes
Chapitre 42 : Un nouveau prétendant ?
Chapitre 43 : Douce jalousie, fidèle jalousie
Chapitre 44 : Mise en garde
Chapitre 45 : Une bataille acharnée
Chapitre 46 : "Quelqu'un a déjà caché un corps ?"
Chapitre 47 : Pour le meilleur et pour le pire
Chapitre 48 : Allié ou ennemi ?
Chapitre 49 : Signer un pacte avec le Diable
Chapitre 50 : Dans l'antre de Sang Bleu
Chapitre 51 : Traverser l'Enfer
Chapitre 52 : "Tuez-les jusqu'aux derniers !"
Chapitre 53 : Tout homme est-il pardonnable ?
Chapitre 54 : Demande en mariage
Chapitre 55 : Au nom de l'amour
Chapitre 56 : La folie d'un homme
Chapitre 57 : "Tout est fini"
Chapitre 58 : Souvenir du passé
Épilogue : Seul l'amour est plus fort que la mort
Ce qu'ils sont devenus
Remerciements + Sondage
Bonus 1 : La fille de sa mère
Bonus 2 : Cesare Borgia
Bonus 3 : Le camp du Drap d'Or
Bonus 4 : L'orgueil d'un génie
Bonus 5 : Et si Éléonore et François avaient eu un enfant

Chapitre 21 : La cour des Miracles

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Chloe_m0726 द्वारा

Éléonore

J'étais épuisée. Après avoir galopé près de deux heures, j'avais dû me résoudre à faire une pause. Je ne pouvais pas continuer ainsi. 

Avec soulagement, je vis bientôt une auberge au bord de la route menant vers Paris. Une route déserte à cette heure tardive. Heureusement, la lune était pleine ce soir et éclairait mon chemin avec clarté. Comme si elle voulait me montrer le chemin. J'appréciais l'attention. Mais là, j'étais trop fatiguée pour continuer. 

Je tirai sur les rênes de mon frison et descendis de cheval. Je confiai l'étalon à un palefrenier et entrai dans l'auberge. Le nom était inscrit sur le devant de la porte, en lettre blanches parfaites : La Salamandre. Quelle ironie sachant que François avait choisi pour emblème cet animal mythologique.

Comme il devait m'en vouloir ... Mais je n'avais pas d'autres choix. Sang Bleu allait continuer à me traquer et je ne voulais pas que d'autres trouvent la mort par ma faute. Qui serait les prochains ? Antoinette ? François ? Je ne pouvais pas les mettre en danger en restant près d'eux. Loin de moi, ils étaient en sûreté. Je ne voulais plus être responsable de la mort de ceux qui m'étaient chers. Pas comme mon père et Francesco ...

De plus, il me fallait trouver où se terrait Sang Bleu. Mon père avait parlé de Paris, mais la ville était gigantesque. Trouver Sang Bleu sans d'autres indications serait cherché une aiguille dans une botte de foin ! Et je n'avais pas ce luxe. 

J'espérais que cette cour des Miracles avait le bras aussi long que Maud le prétendait car j'avais besoin de réponses. Mais si eux ne pouvaient trouver Sang Bleu, alors personne ne le pourrait.

Ragaillardie, je poussai la porte de la Salamandre et entrai dans une ambiance chaude et rassurante. Une femme zigzaguait entre plusieurs tables, servant des plats qui avaient l'air tous plus savoureux les uns que les autres. Rien qu'à cette vue, mon estomac se mit à gargouiller. 

Ne perdant pas un instant, je m'avançai vers l'aubergiste qui nettoyait avec attention des verres derrière une petite table en bois.

— Bien le bonsoir, ma petite dame, me salua-t-il.

— Bonsoir. Pourrais-je avoir l'un de ces plats qui m'ont l'air excellents et une chambre pour la nuit ?

— Bien sûr ! Si vous avez de l'argent ...

Me croyait-il sans le sou ? Sans me démonter, je plongeai la main dans ma bourse et en sortis deux pièces d'argent.

— Cela suffira ?

L'aubergiste prit les pièces entre ses mains et hocha la tête. Il me confia les clés de la chambre numéro trois, qui se trouvait à l'étage, et me recommanda de m'asseoir, son épouse allant arriver pour me servir. Je m'exécutai de bonne grâce et me laissai tomber sur le banc d'une table dans un coin de la grande pièce. J'étais épuisée ! Je demandais grâce, ne rêvant que d'un lit. Certes, cet endroit était bien moins confortable que le château d'Amboise ou le Clos Lucé, mais j'aurais pu tomber plus mal. L'endroit avait l'air propre pour commencer.

Je posai une main sur mon ventre en attendant mon repas. Je ne savais toujours pas que penser de cette grossesse. À dire vrai, je m'empêchai d'y penser car trop de questions embrouillaient mon esprit sans me donner de réponses. Que ferais-je une fois que j'aurais accouché ? Serais-je capable d'élever un enfant ? Voulais-je vraiment un enfant ? Cette nouvelle m'était tombée dessus, comme toutes les autres ... Mais maintenant que le père de cet enfant était mort ... J'avais sans doute assez d'argent avec le testament de mon père pour bien vivre, moi et l'enfant mais ... Je ne savais quoi en penser ... 

J'étais une femme non mariée et sans famille. La Cour de France n'accepterait pas mon sort et je serais sans doute pointée du doigt. Et François ? Comment réagirait-il ? Il m'avait promis de ne pas me chasser de sa Cour, mais s'il apprenait que je portais un enfant illégitime ? Je n'avais pas épousé Francesco avant de coucher avec lui. Bien que je ne regrette rien. Cet enfant ... C'était la dernière part de lui qui me restait ... Mon dernier souvenir ...

Je fus arrachée à mes pensées moroses par une femme rondouillarde, mais au sourire accueillant. Elle déposa une assiette de viande, de pain et des légumes devant moi et me conseilla de tout engloutir, estimant que je n'avais que la peau sur les os. Je laissai la viande sur le côté, étant végétarienne comme mon père, mais mangeai tout le reste avec appétit. Je me sentais bien ici. Personne ne faisait attention à moi. 

Un groupe d'hommes s'esclaffait à une table plus loin, une femme et un homme piquetaient dans leurs assiettes et un musicien jouait un air de luth dans le coin de la grande pièce. C'était très agréable. 

Je vis alors une jeune femme et deux hommes entrer à leur tour. Ils se dirigèrent vers l'aubergiste et prirent des clefs pour la nuit. Eux aussi allaient dormir ici ? La femme était très belle avec ses longs cheveux bruns qui lui chatouillaient le creux des hanches. Je supposais que l'autre près d'elle devait être son père et l'autre homme, leur serviteur. En tout cas, ils portaient leurs affaires. Étaient-ce des nobles ? Sans doute pas car jamais je ne les avais vus à la Cour de France. Des bourgeois alors ? 

La femme échangea un regard énamouré avec le serviteur, mais cela ne dura qu'une fraction de secondes, pas assez pour que son père ne puisse voir quoi que ce soit.

Je finis mon assiette goulûment, appréciant l'air mélancolique du joueur de luth. Puis, je grimpai à l'étage pour me reposer. Mais je n'eus pas poser le pied devant ma chambre que la brune de tout à l'heure se dirigea vers moi.

— Pardonnez-moi, mais puis-je vous demander un service ?

Je haussai un sourcil, suspicieuse. Se pourrait-il que ce soit un piège ? Sang Bleu n'avait sans doute pas de femmes dans leurs rangs, sachant qu'ils les méprisaient. Ou ne méprisaient-ils que ma famille ? 

Restant néanmoins sur mes gardes, je dis seulement :

— Dites-moi.

La brune parut nerveuse l'espace d'un instant, se retournant vers la chambre juste à côté de la mienne, avant que ses yeux verts ne reviennent dans ma direction.

— Pourrais-je échanger ma chambre avec la vôtre ?

— Échanger nos chambres ? répétai-je, de plus en plus perplexe.

— Mon père est ... Il refuse que je sois avec Henri, voyez-vous, alors ...

Son regard s'égara vers l'autre chambre. Je ne mis qu'un instant pour comprendre. Son père s'était arrangé pour laisser plusieurs chambres entre son serviteur et sa fille, afin de s'assurer que cette dernière n'aille pas rejoindre son amant en plein cœur de nuit. Car il était fort aisé de comprendre qui était ce Henri pour elle. 

Mais je ne vis aucune objection à échanger ma chambre avec elle. Tant que j'avais un toit au-dessus de la tête et un lit ...

— Très bien, dis-je en lui tendant mes clefs.

— Merci, merci mille fois, Mademoiselle, me chuchota-t-elle, me tendant à son tour ses clefs. Ma chambre était la sixième, tout au bout du couloir. Rassurez-vous, c'est une chambre simple.

Je pris ses clefs.

— Passez une bonne nuit, lui dis-je avec un grand sourire complice.

— Vous aussi, Mademoiselle.

Je me dirigeai alors vers la chambre six et ouvris la porte. C'était une chambre simple, avec un lit, un pot de chambre, un petit bureau en bois ainsi qu'une chaise. Ce n'était pas le grand luxe, mais ça serait bien suffisant pour cette nuit. J'étais de toute façon bien trop épuisée pour songer à faire quoi que ce soit d'autre. 

Je m'assurai d'avoir bien fermé à clef la porte derrière moi avant de retirer ma cape et mes bottes, gardant néanmoins mes vêtements pour dormir. Prudente, je laissai mon glaive près de moi, ainsi que ma bourse. Ne me rendais-je pas à une cour de voleurs après tout ? Peut-être avait-il des yeux aussi ici ? 

Pourtant, malgré mes craintes, je m'endormis très rapidement, vaincue par ma chevauchée.

*                     *                      *

L'ombre

Il arrêta son cheval devant une auberge, jetant un bref regard sur la devanture. Des lettres blanches un peu écaillées mais encore en très bon état formaient le nom : La Salamandre. Peut-être que la fille était ici ... 

Il était à Amboise, cherchant la De Vinci quand il avait appris qu'elle était partie sans prévenir personne. Le roi était dans une rage noire, mais était néanmoins parti à sa recherche. Pourquoi ? Pourquoi le roi semblait-il aussi proche d'elle soudainement ? Il ne l'avait pas été durant les deux années passées ... Connaissait-il toute la vérité ? Il priait pour que ce ne soit pas le cas. Retrouver la fille n'allait déjà pas être une mince affaire, mais si en plus le roi leur mettait des bâtons dans les roues ...

Il descendit de sa monture bai et la conduisit lui-même à l'écurie, refusant que le palefrenier s'en occupe. Sa longue cape brune lui donnait un aspect terrifiant et le pauvre homme n'insista pas plus longtemps. L'envoyé de Sang Bleu retira le masque cachant son apparence, mais il garda néanmoins sa longue épée à la taille. 

Quand il noua les rênes de son cheval, il vit alors un autre étalon. Un frison noir. Mais ce qui l'intéressait plus était cette marque au fer qu'il avait sur le postérieur. L'emblème royal ... Que faisait un cheval appartenant au roi ici ? Il pensa immédiatement à la fille qu'il cherchait. Elle s'était enfuie pour Paris d'après ses informations ... Et si elle s'était arrêtée dans cette auberge pour la nuit ? 

Était-ce sa chance ? Après son échec, il devait regagner au plus vite la confiance de son maître et quoi de mieux que de lui amener le médaillon qu'il attendait depuis tant d'années ?

L'homme rallia l'auberge en quelques enjambées. Il poussa la porte. Il était tard et tous se reposaient. Mais pas lui. Lui était une ombre, une bête qui traquait sa proie même en plein cœur de la nuit. 

Le bruit de la lourde porte en bois se refermant derrière lui attira l'attention de l'aubergiste qui sortit de derrière un rideau tiré, les yeux presque clos.

— Qu'est-ce que vous voulez ? marmonna-t-il, encore enfoncé dans un demi-sommeil.

La grande silhouette longiligne posa ses yeux sur le petit homme qui lui faisait face.

— Je cherche une jeune femme, commença-t-il. Une brune avec des yeux marron.

— Vous comprenez que je ne peux ...

L'envoyé de Sang Bleu poussa un soupir et lança à l'aubergiste une bourse remplie d'or.

— Ceci vous déliera sans doute la langue.

Il aurait aussi pu le tuer mais il avancerait bien plus efficacement en étant discret qu'en semant le chaos derrière lui. 

L'aubergiste ouvrit doucement la bourse et mordit dans une pièce.

— Alors ? s'impatienta l'homme.

— Dans la chambre numéro trois, Monsieur.

L'ange noir de Sang Bleu ne répondit pas et se dirigea vers l'étage. Il y régnait un silence apaisant, seulement troublé par les ronflements des clients. Mais il ignora ce son pour se diriger vers la porte numéro trois. Il sortit sa dague et se tint prêt, bien qu'il ne pensait pas avoir beaucoup de résistance. La fille ne savait pas se battre. 

D'une main, il poussa la porte. Elle n'était même pas fermée ? Décidément, elle était encore moins prudente qu'il ne le pensait ... 

D'un pas lent, il entra dans la pièce, sa dague fermement tenue dans sa main droite. Le parquet grinça sous ses pas, mais sans réveiller les silhouettes endormies. Les silhouettes ? La fille avait-elle déjà un autre amant ? Alors qu'elle avait perdu le sien seulement quelques jours auparavant ?

Une chandelle était encore allumée et les vêtements de la fille et d'un homme gisaient sur le sol, au pied du lit. Mais les deux étaient désormais profondément endormis, leurs poitrines se soulevant et s'abaissant à une vitesse régulière. 

L'homme s'avança jusqu'à voir le visage de la femme et alors, il se figea, son arme levée devant lui. Ce n'était pas la De Vinci ! Mais une autre femme brune ... Il s'empêcha de pester et fit doucement volte-face, sortant de la pièce sans que personne ne le voit. Il referma la porte de la chambre derrière lui avant de s'en éloigner, telle une ombre. 

Il avait encore une fois échoué ... Ce cheval n'appartenait pas à la De Vinci. Peu importe. Ce n'était que partie remise. Elle s'était sans doute arrêtée dans une autre auberge, plus loin. Il la retrouverait.

Il descendit les marches de l'auberge et en sortit, reprenant son chemin. Si elle avait de l'avance sur lui, il devait la rattraper. 

Mais ce qu'il ignorait, c'était que la jeune femme qu'il recherchait dormait paisiblement dans la chambre six et qu'il passa devant sa porte sans le savoir. 

*                   *                  *

Éléonore

Après des jours et des jours de chevauchée, j'arrivai enfin à Paris. Je n'y étais allée qu'une seule fois dans ma vie, le jour où mon père et moi avions suivi le roi et sa Cour au Louvre. La ville m'avait alors fascinée. Elle semblait s'étendre à l'infini et ne ressemblait en rien à Amboise. Bien que l'odeur était plus agréable dans la Loire qu'ici ...

Je tirai le tissu de ma cape sur mon nez et fis avancer ma monture dans la ville. Il ne fallut pas longtemps avant que je ne trouve mon chemin. En effet, dès que je posais des questions sur la cour des Miracles, tous m'indiquaient d'un doigt tremblant la direction. Était-ce si horrible que cela ? Qu'allais-je y découvrir ? En tout cas, je devais surtout m'assurer que Sang Bleu ne me remarque pas. Leur organisation maudite n'était-elle pas à Paris ?

Pour plus de sécurité, je laissai mon cheval dans une écurie et continuai à pied. Je ne cessais de m'assurer que ma bourse était toujours dans ma poche. N'allais-je pas chez les voleurs après tout ? Mieux valait être prudent.

Je tentai de me rassurer en me disant que j'étais armée, même si je n'étais pas certaine de pouvoir réellement me défendre si j'étais attaquée. Les leçons de Montmorency me paraissaient bien lointaines ... Je devais admettre que ma vie d'avant me manquait ... Mon père, Francesco, Antoinette, François, et même Montmorency étonnamment. Mais j'en avais perdu certains trop violemment et pour ne pas perdre les autres, il était mieux pour eux que je ne sois plus là.

J'arrivai enfin devant ce que je supposais être la cour des Miracles. De gros nuages gris s'amoncelaient dans le ciel. Le temps était à l'orage. En tout cas, me voilà arrivée devant une grande arche en pierre qui semblait délimiter l'entrée d'une ... Je ne saurais comment le qualifier. D'ici, je voyais des étalages de marchands, ainsi qu'un grand bâtiment où était inscrit en lettres rouges : Le Miracle Charnel. Un bordel ? Il y avait beaucoup d'allées-venues dans la rue du Caire. Certains étaient vêtus de vêtements rapiécés, mais d'autres arboraient des pourpoints colorés. Il était étrange de voir une telle diversité en ces lieux ...

Prenant mon courage à deux mains, je m'avançai vers l'entrée mais un homme, armé d'une courte rapière, me bloqua le chemin.

— Qu'est-ce que tu veux ?

Quoi ? Je fronçai les sourcils, ne sachant quoi répondre. N'avais-je pas le droit d'entrer ? Alors que tant d'autres le faisaient sans être arrêtés ?

— Pourquoi eux peuvent-ils entrer et non moi ?

— Parce qu'eux je les connais. Pas toi.

Il connaissait tous les habitants de Paris ? Eh bien ! Quelle mémoire !

— Je ne cherche pas les ennuis, tentai-je.

— Écoute, petite. Je me moque de ce que tu veux, mais tu sens la cour royale à plein nez. Alors un conseil, si tu ne veux pas te faire détrousser et finir sans le sou, fais demi-tour.

Charmant ... Mais j'avais trop besoin d'informations pour faire demi-tour. La servante m'avait assuré que seule la cour des Miracles avait le bras assez long pour m'aider. Et même François n'avait encore rien trouvé sur Sang Bleu. Une chose était certaine : je n'allais pas attendre que mes ennemis reviennent m'attaquer sans rien faire.

J'ouvris la bouche pour protester, mais je n'eus pas le temps de dire quoi que ce soit qu'une silhouette châtain arriva derrière le garde, posant une main amicale sur son épaule.

— Laisse Guilhem, je la connais.

— Maud ? m'étonnai-je.

C'était impossible ... Que faisait-elle ici ? En tout cas, elle avait délaissé ses habits de servante pour une tenue bien plus pratique. Un pantalon en cuir couvrait ses longues jambes effilées, un corset brun mettait en avant sa silhouette gracile et ses cheveux châtains étaient seulement attachés dans son dos. Et que dire des deux dagues à sa ceinture ? Je n'en croyais pas mes yeux.

— Je savais que vous viendrez, me révéla-t-elle, mais pas si rapidement. Je suis heureuse de vous voir, Mademoiselle de Vinci.

— Mais ... Mais ... Tu n'es pas une servante ?

Elle éclata de rire.

— Pas exactement, non. Le roi François engage vraiment n'importe qui ! Allez suivez-moi. Ma reine a hâte de vous rencontrer.

Sa reine ?

Le garde de tout à l'heure me laissa cette fois passer sans émettre aucune résistance. Mais une centaine de questions tourbillonnaient dans mon esprit.

— Alors quand tu m'as conseillé de me rendre à la cour des Miracles, devinai-je, ce n'était pas un hasard.

— Non, admit-elle, un sourire sur ses lèvres rouges. Je devais vous convaincre de venir à Paris.

— Pourquoi ?

— Ma reine a besoin de vos services. Je cherchais un moyen de vous approcher, mais il y a eu cette attaque sur votre famille dont je suis sincèrement désolée. Néanmoins, j'ai alors trouvé l'occasion parfaite de vous faire venir jusqu'ici.

— Mes services ? tiquai-je, oubliant tout le reste.

— Ma reine vous expliquera ce qu'elle attend de vous.

— Et pourquoi ferais-je quelque chose pour elle ?

— Car en échange, elle vous aidera à découvrir les meurtriers de votre père. N'est-ce pas ce que vous désirez ?

Pas exactement, car je savais déjà qui étaient les meurtriers de mon père, mais j'avais néanmoins besoin d'aide, c'était vrai. Et si ce service qu'elle attendait de moi n'était pas hors de prix, alors je suppose que je pourrais m'en accommoder.

Maud ne me laissa pas le temps de répondre qu'elle ouvrit une double-porte en bois. Nous étions devant une grande bâtisse en pierre, accolée contre ce qui devait être l'ancienne muraille entourant la ville de Paris. Timidement, j'entrai. De fins tissus rouges ondulèrent autour de moi, révélant un large trône en bois, posé sur une petite estrade. Deux ailes en bois splendides s'ouvraient sur le côté du trône, lui donnant l'impression de pouvoir s'envoler à n'importe quel moment.

Mais le plus impressionnant était sans doute la femme d'une quarantaine d'années assise dedans. Elle avait les cheveux d'un blond éclatant, presque blancs, et des yeux verts perçants, telles deux émeraudes pouvant lire à l'intérieur des âmes. Elle portait une tenue semblable à celle de Maud, sauf qu'elle avait une longue traîne orangée derrière elle, lui donnant l'allure d'une reine. Une arbalète était posée près de son trône, dissuadant quiconque de l'agresser.

— Alors là voilà ... murmura la femme en m'observant de haut en bas avec attention. Éléonore de Vinci ...

— Nous connaissons-nous ? m'étonnai-je.

— Moi, je te connais, dit-elle seulement, mystérieuse. Je suis Carolina Alligane, reine des voleurs de la cour des Miracles.

— Euh ... Enchantée.

J'ignorais que les voleurs avaient un royaume. Et encore moins une reine plutôt qu'un roi. C'était assez surprenant.

— Maud m'a dit pourquoi tu étais là. Tu cherches les assassins de ton père.

— Non, la détrompai-je. Je sais déjà qui ils sont.

— Vraiment ? Alors qu'attends-tu de nous ?

Je m'avançai d'un pas. Carolina lorgna sur l'arc autour de mon corps et le glaive à ma ceinture, mais ne fit pas un geste contre moi. De toute façon, elle me vaincrait sans doute aisément.

— Je voudrais que vous trouviez un homme pour moi.

Le regard de Carolina se fit plus intéressé et elle s'avança sur son trône, ses deux mains posées sur les accoudoirs.

— Quel homme ?

— Il se nomme Gabriel de Dieulafoy.

Un silence accueillit ma déclaration. La reine des voleurs se renfonça dans son trône, un air sombre sur le visage.

— J'ai entendu parler de cet homme ... Et pas en des termes élogieux ...

— Vous le connaissez ?

— Je ne l'ai jamais vu, mais je me méfie de lui. C'est un monstre. Son père a créé une secte. Une secte qui se fait appeler ...

— Sang Bleu, finis-je.

Carolina hocha la tête.

— Ses adeptes se prétendent détenteurs d'un savoir ancestral. On dit même qu'ils seraient à la recherche du Saint Graal.

Elle secoua ses cheveux comme si vouloir retrouver le Saint Graal était stupide. Je croyais aussi que le calice sacré n'était qu'un mythe, mais si ma mère croyait en son existence alors je ne pouvais qu'y croire aussi.

— En tout cas, ils méprisent les femmes et encore plus celles qui ont du pouvoir ou de l'intelligence. Et en tant que femme de pouvoir intelligente, je ne peux que mépriser une telle organisation.

— Ce sont eux qui ont assassiné mon père, avouai-je.

— Cela ne m'étonne guère ... Je te présente néanmoins toutes mes condoléances.

— Merci, éludai-je, sachant que si je m'attardais sur le sujet, je risquais à nouveau de fondre en larmes.

— Qu'attends-tu de nous ? me redemanda alors Carolina.

— Je veux que vous trouviez où Gabriel de Dieulafoy et ses adeptes se terrent.

— Tu veux te venger, déduisit-elle.

Était-ce si inimaginable ? Bien sûr que je voulais me venger ! Ils m'avaient arraché le cœur, détruit ma vie ! Devais-je rester là, sans rien faire, à attendre que je ne sois la prochaine sur leur liste macabre ? Plus jamais je ne voulais être faible comme je l'avais été !

— Pouvez-vous m'aider ? répliquai-je.

— Je le peux, acquiesça Carolina. Mais ça ne sera pas gratuit ... me prévint-elle.

— J'ai de l'argent.

— Ce n'est pas ton argent que je veux, mais ton génie.

— Mon génie ?

— Maud m'a beaucoup parlé de toi ... On dit que tu es aussi intelligente que l'était ton père et j'aurais besoin d'une ... invention de ta part. Vois-tu, j'ai beaucoup d'ennemis.

— Quel genre d'invention ? demandai-je, perplexe.

— La cour des Miracles se situe sur une place. Une place où plusieurs rues se rejoignent. Je dois pouvoir bloquer ces rues si des ennemis décident de nous attaquer.

— Vous voulez un mur ? m'étonnai-je.

— Oui un mur ... murmura Carolina, songeuse. Mais un mur qui n'en ait pas vraiment un ...

Je compris sans qu'elle ait besoin d'en dire davantage. Elle voulait une construction qui avait l'apparence d'un mur, mais qui était en réalité une porte. Pour pouvoir s'enfuir au cas où la situation tournerait mal ... C'était très astucieux. Mais n'aiderais-je pas des voleurs à s'enfuir face à l'autorité que représentait François ?

— Vous voulez une porte qui est l'apparence d'un mur, marmonnai-je.

— Tu lis dans mes pensées, Éléonore de Vinci.

— Mais comment puis-je vous faire confiance ?

— Tu ne peux pas. Mais entre nous, préfères-tu mettre ta confiance en moi ou en ces monstres de Sang Bleu ? Car crois-moi sur parole, jeune fille ; s'ils s'en sont pris à ton père, tu es leur prochaine cible.

Elle ne croyait pas si bien dire ... En réalité, c'était mon père la victime innocente de leur complot. Parce qu'ils voulaient me tuer moi ... Et me voler le précieux médaillon que j'avais autour du cou. Celui qui, selon les dires de mon père, permettrait de retrouver le Graal.

— Il me faudra du temps pour réaliser un tel mur, la prévins-je.

— Un de tes croquis suffira. J'ai d'excellents constructeurs. Tout ce dont j'ai besoin, c'est de ton esprit.

— Je ne peux réaliser un croquis maintenant ! objectai-je. Il faut que je réfléchisse à la conception et ...

— Je ne te demande pas de le réaliser maintenant. Mais acceptes-tu mon offre ?

Avais-je seulement un autre choix ? Ils étaient sans doute les seuls à pouvoir me donner les informations que je cherchais. Et j'avais au moins l'assurance qu'elle ne travaillait pas pour Sang Bleu. Ils semblaient mépriser les femmes.

— Je l'accepte.

— Parfait ! s'exclama Carolina Alligane. Alors réalise ce croquis et en échange, je trouverai l'endroit où se terre ces fanatiques.

— Je réside pour l'instant à l'auberge des trois lys d'or, lui appris-je, mais je ne suis pas certaine d'y rester plus d'une nuit ...

Je devais sans cesse bouger pour empêcher Sang Bleu de me retrouver trop rapidement. Carolina balaya l'air de la main.

— Maud te retrouvera, ne t'en fais pour cela. Tu connais la réputation de la cour des Miracles, n'est-ce pas ? J'ai des yeux et des oreilles partout. Personne ne m'échappe. Pas même toi, Éléonore de Vinci. Alors réalise ce croquis et je m'occupe de ton affaire.

Je hochai la tête. Nous étions d'accord. En espérant qu'elle ne me trahisse pas, mais pourquoi le ferait-elle ? Elle semblait avoir besoin de mon aide, sinon jamais elle n'aurait envoyé Maud à Amboise pour m'espionner. Dans cette histoire, nous étions toutes les deux gagnantes et j'ignorai pourquoi, mais j'avais l'impression de pouvoir lui faire confiance ...

Prions pour qu'elle trouve Sang Bleu. Ensuite, je vengerai mon père, ma mère et Francesco, honteusement assassinés par ces monstres. 

*

Qu'avez-vous pensé de la cour des Miracles ? Éléonore peut-elle faire confiance à leur reine ? Trouvera-t-elle où se cache Sang Bleu ?

*

La cour des Miracles était, sous l'Ancien Régime, un ensemble d'espaces de non-droit composé de quartiers de Paris, un endroit où la justice du roi n'a aucune prise et où la criminalité règne en maître.

La cour des Miracles est ainsi nommée car les prétendues infirmités des mendiants qui en avaient fait leur lieu de résidence y disparaissent à la nuit tombée, « comme par miracle ». En réalité, une partie d'entre eux ne souffrait réellement d'aucun handicap. Par exemple, il était commun de prétendre être aveugle pour gagner plus de sous en mendiant, insistant sur la pitié des potentiels donateurs. Pareil pour les jambes en moins, les bras en moins ...

Venus des campagnes pour chercher, en vain, du travail, ou miséreux des villes, les plus défavorisés grossissaient les rangs des cours des Miracles. En vérité, la plupart des grandes villes possédaient une cour des Miracles. Paris en comptait une douzaine ! 

La plus célèbre est la Grande cour des Miracles, à laquelle Victor Hugo fait allusion dans Notre-Dame de Paris. Cette population de filous et de prostituées possède un roi qui prend habituellement le nom de « Coesre », quelquefois celui de « Roi de Thunes », flanqué d'une caricature de Cour : courtisans, officiers appelés Archisuppôts de l'Argot, Cagoux, Coquillarts, Courteaux de Boutanche, Calots, Capons, Francsmitoux, Malingreux, Marcantiers, Riffaudés, etc ... 

L'invention d'une reine de la cour des Miracles est sorti tout droit de mon imagination ^^

Cette cour des miracles est détruite en 1667 sur ordre du lieutenant de police Nicolas de la Reynie, sous le règne de Louis XIV.

À Paris, les rues « de la Grande-Truanderie » et « de la Petite-Truanderie » (entre le boulevard de Sébastopol et le Forum des Halles) perpétuent le souvenir des cours des Miracles.

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