• On ne se comprendra jamais •

• Chapitre 15 •

Le sorcier n'avait pas le moins du monde envie d'aller manger en compagnie des vampires. Il était sur le point de trouver une solution à leur ultime problème et ils l'avaient dérangé pour une chose aussi insignifiante que celle de se nourrir.

Il leur avait déjà précisé par le passé qu'il pouvait largement prendre une potion pour remplacer un repas mais Edwin Sinclair avait purement refusé cette solution et il en était maintenant là, à arpenter les couloirs en quête de la salle à manger.

Au vu du plan, elle était de taille conséquente mais il avait jusqu'à ce jour et hormis celui du rite, toujours déjeuné seul dans ses appartements.

Arrivé devant la double porte où nombre de créatures faisaient la queue dans le couloir pour accéder au repas tant attendu, Severus remarqua sa fille qui attendait, accompagnée d'amis, un peu plus loin.

Elle lui jeta un regard sans grand intérêt avant de reprendre joyeusement sa discussion, comme si elle n'avait rien vu.

Le sorcier s'adossa contre le mur et soupira. La situation continuait de ne pas lui plaire mais pour le moment il ne pouvait toujours pas y faire grand-chose.

C'était comme si, inconsciemment, il attendait le moment propice, une sorte d'événement déclencheur qui l'aiderait à débloquer ce climat sinueux qui le perturbait. C'était la première fois que Severus se sentait aussi investi dans quelque chose. Il soupçonnait même dans son for intérieur que s'il se donnait autant dans la recherche du substitut, c'était bien à cause d'elle, pour qu'elle voit son propre père comme un maitre des potions accompli et non pas un inconnu qui l'aurait lâchement abandonné.

Les yeux fermés, le sorcier s'efforçait à faire abstraction du bruit ambiant. Les ingrédients et leurs effets s'affichaient comme une liste infinie dans sa tête ainsi que sa potion actuelle. Il tentait d'imaginer ce que certains mélanges pouvaient faire, si cela pouvait l'aider ou au contraire, faire exploser son mélange.

Les discussions autour de lui avaient beau avoir disparu, un bruit sourd surpassa le silence qu'il s'était créé de toute pièce.

Lorsque Severus se décida à ouvrir subitement les yeux, la file entière de vampires avait été dissipé et tous entourait maintenant quelqu'un qu'il n'arrivait pas à percevoir.

Reprenant ses habitudes d'enseignant, le sorcier se fraya un chemin et tomba nez à nez avec sa fille qui toussait bruyamment pliée en deux au centre de la foule.

Tous n'auraient pu penser que ce n'était qu'une quinte de toux mais celle-ci ne semblait pas vouloir s'arrêter. De plus, elle était vraiment rauque et semblait cacher une chose de plus grave.

Éria secoua doucement la main en l'air pour indiquer à ses proches de ne pas s'inquiéter. Seulement, personne ne bougea avant que ses amis et Severus ne leur demandent explicitement de s'écarter pour qu'elle puisse enfin respirer.

Malgré leurs demandes explicites et le fait qu'il se retrouve enfin en petit comité dans un couloir plus grand que ceux de Poudlard ne suffit pas à la jeune fille pour reprendre son souffle.

Les quintes de toux ne semblaient vouloir s'arrêter et Éria semblait au bord de l'étouffement. Severus ne comprenait rien à ce qu'il se passait, les amis de sa fille semblaient plus au courant que lui mais pas moins stressés pas la situation.

Ce fut quand le vampire se mît à cracher du sang, toujours à genoux sur le sol que le sorcier arrêta d'attendre qu'un miracle se passe et sortit sa baguette en conséquence. Il s'agenouilla rapidement en face de sa fille et murmura quelques sorts basiques que Madame Pomfresh lui avait appris, lassée de voir sans cesse des élèves revenir des cours de potions blessés par leur inattention.

Les sortilèges eurent l'effet escompté puisque le sang arrêta de couler entre les doigts d'Éria et elle put enfin reprendre une bouffée d'air. Sentir ses poumons se remplir à nouveau d'air était vraiment comparable à une bénédiction des Dieux. La jeune fille sentit sa tête tourner et s'allongea par conséquent par terre, les yeux clos et le cœur battant la chamade.

Elle n'avait jamais été aussi contente de sa vie de pouvoir respirer, bien que ce soit une des actions les plus basiques de ce monde.

« Éria... Tu devrais peut-être retourner à l'infirmerie non ? Supposa un jeune homme blond à qui Severus ne donnait même pas 14 ans mais qui devait bien au moins faire 10 fois cet âge. Tu te rappelles, ils ont dit que si ta maladie s'aggravait de nouveau il fallait que tu passes les voir...

- Tais-toi idiot, souffla avec peine la jeune fille, accompagné d'un iconique regard noir.

Personne n'osa essayer de s'interposer à nouveau, ni quand elle se releva, ni quand elle commença à partir sans eux, comme s'il ne s'était rien passé.

- Tu es malade Éria ? Questionna le sorcier en se redressant, baguette toujours en main.

- Ce n'est pas ton problème, ça ne te concerne pas, lui répondit durement sa fille.

- C'est mon problème à partir du moment où je t'ai vu agoniser en plein milieu du couloir, que tu commençais à cracher tes propres poumons et que c'est moi qui t'ai aidé.

Le vampire préféra ne pas répondre et se détourna, laissant tout le monde dans un reste d'incompréhension.

Seulement, Severus ne l'entendit pas de cette oreille et décida de la poursuivre.

Arrivé à sa hauteur, la jeune fille continua comme à l'ignorer comme à son habitude et continua son chemin. Il lui attrapa avec force le bras et la força à lui faire face, à le regarder dans les yeux comme elle avait cessé de la faire depuis qu'ils avaient abordé le sujet de sa mère.

Il avait enfin décidé de s'investir et de se rattraper, de devenir le père qu'il n'avait jamais su être et rien ni personne n'allait l'arrêter dans son objectif.

Éria semblait l'avoir compris sans qu'il ait besoin de lui annoncer, sentant une sorte de force qu'elle ne lui connaissait pas émerger dans sa direction.

Elle ne comprenait pas le changement soudain de l'homme et même si cela semblait, pour la première fois de sa vie, être une action désintéressée et sincère, le vampire ne voulait pas l'aider aussi facilement.

S'il voulait qu'ils entament une relation plus ou moins cordiale, il allait devoir savoir mettre les formes mais surtout, s'investir.

- Si tu t'inquiétais pour moi, il fallait juste le dire, ironisa mauvaisement le vampire.

Severus reçut comme un électrochoc et il lâcha automatiquement le bras qu'il tenait.

Il ne savait pas quoi répondre car dans le fond il savait qu'elle n'avait pas tort. Oui, il s'était inquiété de la voir aussi mal-en-point mais cela l'avait aussi abattu de la voir agir comme s'il ne s'était rien passé.

- Je veux comprendre Éria. Je veux te comprendre, chuchota le sorcier.

Sa fille sembla considérer la question de longues minutes, son visage passant par tous les sentiments à une vitesse qui les rendait illisibles.

Le vampire baissa la tête, soufflant bruyamment en direction du serpentard.

Lorsqu'elle la releva, les deux paires d'onyx se rencontrèrent et elle déclara juste calmement :

- Alors suis-moi, on va à l'infirmerie... J'espère juste que tu es prêt à entendre ce que je vais t'annoncer.