• On ne se comprendra jamais •

• Chapitre 11 •

Les préparations pour la fête provoquaient une effervescence sans pareil.

Severus s'était assis sur le côté après avoir esquivé une table volante qui lui été passé un peu trop près et observait maintenant une nuée de vampires s'atteler à de nombreuses tâches.

Il ne l'aurait probablement jamais avoué de son vivant mais il trouvait ce spectacle plutôt satisfaisant à regarder. Voir le monde évoluer autour de lui sans même y prendre part, les tables s'assemblants tout autour de la place dans un trois quarts de cercle parfait, la scène se montant rapidement en son centre, les décorations florales se dressants pour décorer ce théâtre que Severus aurait presque pu prendre pour idyllique si la signification de tout cet événement n'était pas si lugubre à ses yeux.

Le caractère que portait cette excitation ambiante ne le réjouissait pas le moins du monde.

En effet, cette ineptie dont il ne savait même pas comment il avait pu s'en réjouir au départ concernait une fête tout à fait vampirique : le rite de majorité.

Bien que cela n'ait, après recherches de la part de l'ancien professeur, plus rien d'un rite et ressemblait maintenant plus à une remise de diplôme, conservait le nom qu'il lui avait été donné il y a de ça de nombreux siècles.

Severus aurait presque pu sourire de sa métaphore car si on remplaçait le papier en question par un tatouage qui s'effaçait au fil des minutes après sa réalisation pour ne laisser finalement qu'un changement interne et presque spirituel pour le vampire, ça y ressemblait en tout point.

D'après les documents que Hendery lui avait fourni sur l'événement, le rite se produisait aux 100 ans du vampire mais il n'avait pas poursuivi sa lecture au-delà de cette information.

Les yeux de Severus se posèrent subitement sur sa fille qui était assise sur les épaules d'un jeune homme, comme une autre demoiselle à ses côtés et ensemble elles attachaient sur la façade du mur une guirlande de fleurs.

Le sourire de sa fille rayonnait et c'est ce qui fit se serrer intensément le cœur de l'adulte. Elle ne devait pas se douter qu'il était dans le coin sinon elle ne se serait sûrement jamais permis une telle expression. Éria semblait s'amuser plus que jamais, le garçon qui la portait essayait de tourner et de la faire tomber pour s'amuser avant que ça ne se déroule vraiment.

La chute semblait être comme au ralenti dans la tête de Severus mais il ne fut malheureusement pas assez rapide.

Hendery rattrapa au vol la jeune fille et les deux se sourirent presque innocemment. Personne ne l'avait vu arriver, Severus le premier et cette situation paraissait juste normal pour les deux meilleurs amis qui ne purent que rire de cette situation.

Le vampire reposa sa fille au sol et le jeune homme qui l'avait fait accidentellement tomber se confondit en excuse, gêné de son comportement.

Ce ne fut que sous le regard impérieux du jeune vampire qui venait de le voir que Severus remarqua qu'il s'était levé, par réflexe.

Il décida de s'éclipser rapidement, laissant les organisations suivre leur cours sans sa présence improductive.

Il avait été invité à cette fête presque contre son grès, Sinclair plaidant le fait qu'il ne pouvait pas rester seul ce soir-là bien que Severus n'en ait absolument rien à faire. Il préférait rester avec ses potions plutôt que de voir une armée de vampire défiler sous son nez. Peu de personne semblait comprendre l'aversion qu'il ressentait par rapport à ces créatures.

L'homme ne préféra néanmoins pas retourner dans son laboratoire. Il n'avait largement pas envie de se prendre les foudres du meneur et qu'il se fasse par la suite traîner de forces sous les yeux de ces suceurs de sang.

Il préférait largement faire bonne figure comme Hendery lui avait conseillé le premier jour. Il avait plus de chance de s'en sortir sans scandale, ce qui était presque bien trop évident pour être vrai.

Severus se rappela la dernière entrevue qu'il avait eu avec sa fille et ce sentiment d'étouffer ne semblait pas vouloir le quitter depuis qu'il l'avait vu sourire il y a quelques temps.

Il était allé la voir pour lui demander si elle voulait l'aider pour la recherche du substitut. Cette requête semblait logique pour lui. En effet, bien qu'ils ne soient pas en bon terme, voir même en pas bon du tout, il avait appris qu'elle était douée en potions ? Depuis, il trouvait logique qu'elle l'aide vu que ce substitut la concernait quand même de très près, elle et ceux qui lui ressemblaient.

Comme il s'y attendait, Éria avait refusé, elle lui avait tout simplement tourné le dos et elle était parti sans rien dire.

Seulement, il ne s'attendait pas à ce que cette scène lui rappelle aussi douloureusement ce qu'il avait également fait, plusieurs années auparavant.

Le souffle coupé, il essaya de penser à autre chose, d'effacer ces souvenirs qu'il avait tenté d'annihiler d'une dizaine de manières possibles sans jamais y parvenir.

Severus tenta donc de dériver sur une recette de potions quelconque mais il fut rapidement surpris par l'apparition de Hendery, qui n'avait, il semblerait, vraiment pas eu du mal à le trouver.

« Qu'est-ce que vous voulez au juste ? Soupira le sorcier, agacé qu'on ne le laisse pas tranquille. Je vais devoir me coltiner des vampires toute la soirée et il faut encore que vous veniez jusqu'ici....

Le jeune homme fit abstraction de la critique à peine déguisée qui était faite à son encontre.

- Je ne viens pas vous embêter très longtemps, même si le sujet risque de peu vous plaire, indiqua-t-il de sa voix impartiale que Severus commençait à un peu trop bien connaître.

- Je suis persuadé que cette fois-ci, le sujet porte encore sur Éria...

- Vous devriez aller lui parler, ordonna presque Hendery, bien qu'il essayât de faire passer ça comme un conseil.

- Par Merlin, bingo ! J'ai gagné quoi cette fois ? Une journée spa avec des loups-garous ? Ou peut-être un buffet avec des chimères... Qui sait ce que je préfère, ironisa le brun en s'asseyant contre une maison à sa gauche, largement fatigué de cet acharnement qu'on lui portait.

De son côté, le vampire serra les dents mais arriva facilement à la conclusion qu'un emportement ne l'aidera pas à soutenir sa cause. Il soupira lentement, croisa les bras et se contenta de toiser le sorcier de chaque centimètre dont il était composé jusqu'à que celui-ci se décide enfin à relever les yeux vers lui.

- Vous devriez aller parler à Éria. Je ne dis pas que ça changera quoi que ce soit entre vous parce que pour cela il faudrait au moins le vouloir, l'accusa-t-il durement. Seulement, vous êtes assez intelligent Monsieur pour vous rendre compte que la situation ne peut être pire et que cela serait au moins un peu vous aider de faire un pas vers elle.

Severus fut surpris de la dualité que transpirait le vampire. D'un côté, sa voix était posée, calme et semblait chercher désespérément le rétablissement des problèmes et les bienfaits d'une réconciliation, mais de l'autre ses iris teintées de rouge dégoulinaient d'agacement et de perplexité face au comportement que Severus s'amusait presque à adopter pour qu'on le laisse enfin en paix.

- Monsieur, ce que je vais vous dire n'est pas seulement valable pour votre situation et je suis sûr que vous vous en doutez, amorça doucement Hendery. Toutefois, il vaut mieux s'expliquer, dire la vérité, même si elle douloureuse. Ceci est valable pour vous deux, ajouta-t-il avant de partir de là où il venait.

Severus ne put laisser quelques secondes s'écouler avant de se relever vivement et d'intercepter de ses paroles le vampire qui s'éloignait sans suffisamment d'explications à son goût.

- Est ce que vous avez sorti le même baratin à Éria ou est ce qu'il m'est spécialement dédié ? Grogna l'ancien professeur à l'encontre du jeune qui ne s'était même pas retourné, juste arrêté. Qu'est-ce que ça changera que ça soit moi qui aille la voir en premier ? N'avez-vous pas dit que nous étions tous les deux coupables de la situation ?

- N'êtes-vous pas celui qui l'a abandonné sans même jeter un œil derrière vous ?

La réponse ébranla Severus qui, une nouvelle fois, devint muet en prenant peu à peu conscience de ce qu'il avait pu faire par le passé, ne voyant même pas dans sa douleur, le vampire quitter doucement le lieu, fier de la réaction qu'il lui avait fait avoir.