PERCENEIGE • (Fantasy)

Chapitre onze

La salle aménagée à l'occasion du bal de Noël était magnifique, et même avec son dégoût pour les fêtes, Alaska ne pouvait décemment pas critiquer une telle merveille. Décorée pour l'occasion, des guirlandes rouge et or étaient suspendues dans chaque recoin, enroulées telles des serpents autour des pilliers de marbre blanc, et de nombreux sapins à l'odeur enivrante de sève remplissaient la salle entre les tables de banquet. Ces dernières étaient couvertes des plats les plus exquis qu'il ai jamais eu l'occasion de seulement sentir - il était donc loin d'imaginer leur goût, se contentant pour l'instant de les fixer avec insistance, rôtis, petits-fours, et autres légumes qu'il n'avait jamais vus de sa vie paradant sur les nappes d'un blanc immaculé.

Le plafond culminant à plus de douze mètres de haut était lourdement chargé de dorures et de peintures réalisées avec un soin du détail impressionnant, représentant des scènes de l'Histoire de Perceneige. Sous ses yeux s'étalaient des batailles sanglantes, des chasses à courre, les hommes et les elfes juchés sur de hauts rennes blancs, mais aussi la multitude de cadeaux fabriqués dans l'Usine, et le traîneau d'un rouge vif du Père Noël, galopant avec entrain dans le ciel étoilé du vingt-quatre décembre, glissant sur les nuages jusqu'à distribuer le moindre paquet présent dans l'énorme sac qui se trouvait à l'arrière.

La pièce était noire de monde, que ce soit l'orchestre installé sur une petite estrade, dont les membres faisaient chanter leurs instruments avec délicatesse, ou les femmes qui se pressaient aux portes aux bras de leurs maris, ou seules, cherchant des yeux la moindre personne intéressante qui pourrait les distraire, engoncées dans des robes somptueuses, chargées de froufrous, rivalisant d'imagination et de richesse, les couleurs vives telles des tâches au milieu de la grande salle de bal. Les hommes, quant à eux, étaient habillés bien plus sobrement, et après quelques minutes d'observation, Alaska remarqua que leurs tenues faisaient pâle figure comparées à la sienne, les costumes à épaulières argentées ne rivalisant pas avec l'or massif brodé sur le tissu qui lui avait gracieusement été prêté par Bethnet. Il repéra avec un froncement de sourcil qu'il était le seul ici à être paré d'une cape bordée d'une fourrure d'un blanc laiteux qui se confondait élégamment avec la pâleur de sa peau et le blond de ses cheveux.

- Je pense que Bethnet a été un peu trop enthousiaste, sur ce coup-là... maugréa-t-il pour lui-même.

Tout autour de lui, il remarqua quelques autres créatures au milieu des humains. Une poignée d'elfes, élégamment vêtus dans des tenues lisses mais brillantes comme de la soie, sans le moindre superflu, qui restaient entre eux dans un coin de la pièce, quelques bonhommes de neige présentant de l'embonpoint, et le blond remarqua même nulle autre que Ruth, le hérisson qu'il avait vu quelques jours plus tôt dans le bureau de la chef des gardes. S'il était invité ici au lieu de monter la garde comme les autres, Caelan devait sûrement le tenir en haute estime.

En parlant du prince, Alaska ne l'avait encore aperçu nulle part, et il ne semblait pas être le seul à le chercher des yeux. En effet, les invités fouillaient la salle avec un petit visage pincé, espérant tomber sur Caelan pour le saluer comme il se devait, et très certainement se faire un peu remarquer, voire obtenir des faveurs par la même occasion.

En voyant North-Erme pour la première fois, Alaska avait été loin de penser que la situation était si semblable aux cours de la Renaissance, où il s'agissait d'être vu, afficher son statut social tout en tentant d'obtenir des faveurs, voir des informations sur les gens de la cour et du pays. Si Bethnet ne l'avait pas prévenu avant, il se serait trouvé encore plus déstabilisé qu'il ne l'était déjà, installé dans un coin, hésitant même à goûter à la nourriture étalée devant ses yeux, persuadé que le moindre geste serait considéré comme impoli venant de lui.