Chapitre trente-cinq

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Le chemin pour se rendre au village de Wilbur était si long que lorsqu'ils arrivèrent enfin, l'aube n'était pas loin de poindre à la bordure de l'horizon, et Spéir était si épuisé qu'il flottait d'un geste bancal dans le ciel, ne se maintenant au-dessus des nuages que par miracle. Alaska lui demanda de descendre derrière la maison du bonhomme de neige qui se tenait un peu à l'écart du centre-ville, espérant que les habitants dormaient encore et ne paniqueraient pas en voyant le Serpent-Guirlande.

Les jambes le portant à peine, le blond glissa du dos de la créature, manquant de tomber tant il se sentait ankylosé, se stabilisant à l'aide de Spéir, auquel il jeta un regard reconnaissant.

- Merci de m'avoir emmené jusqu'ici, fit-il avec un sourire fatigué. Que comptes-tu faire à présent ?

La bête sembla hésiter un instant, fixant la forêt qui se trouvait dans le dos, mais aussi le ciel qui semblait l'appeler entre ses nuages épais.

- Je vais rester ici et me reposer un peu, fit le serpent en désignant les sapins épais à quelques mètres de là. Va te reposer chez ton ami, nous discuterons quand tu iras mieux. Je ne partirais pas sans toi.

- Tu m'as été tellement utile... tu n'es pas obligé de rester avec moi, fit le jeune homme. Tu voulais être libre, et découvrir le monde... ce n'est pas en me suivant à la trace que tu y parviendras.

La créature secoua la tête, comme si ce n'était rien d'autre qu'une remarque stupide, et le poussa du bout du museau.

- Je t'ai déjà dit que je te viendrai en aide, et je ne retirerai pas mes paroles, répliqua Spéir. Je vais me reposer dans la forêt, et espérer que personne ne me trouve... viens me chercher lorsque tu iras mieux.

Sans attendre une réponse de la part du blond, le Serpent-Guirlande se détourna de lui et s'enfonça sous le couvert des arbres, disparaissant peu à peu dans les ombres projetées par les lourdes branches d'épines. Se retournant, Alaska fixa la maison de pain d'épice de Wilbur, ainsi que ses stalactites et ses décorations de Noël un peu décolorées, et sourit. Il n'était pas venu ici depuis son arrivée à Perceneige il y avait à présent plus d'un mois, et il devait admettre que ce petit village perdu, si lourdement décoré à l'occasion des fêtes, lui avait bien plus manqué qu'il ne l'aurait pensé lorsqu'il était venu pour la première fois.

Après avoir inspiré un bon coup et hésité pendant de longues secondes, Alaska frappa contre la porte, espérant que Wilbur se trouvait chez lui, et ne le laisserait pas devant le pas de sa porte.

Heureusement, il ne fallut pas longtemps au bonhomme de neige pour lui ouvrir, et ils se fixèrent un instant en silence. Wilbur sembla surpris de le voir ainsi sur le pas de sa porte, alors qu'il était encore si tôt le matin. Alaska quant à lui remarqua seulement à quel point son hôte n'avait pas changé - ce dernier était toujours constitué de trois boules de neige parfaitement rondes, d'un nez en carotte imposant et de sa petite veste en tweed bleue.

- Tu fais peur à voir, souffla le bonhomme de neige en guise de salutation.

S'il était surpris de le voir, c'est que la nouvelle de l'attaque qui avait eu lieu à Gravenmeuse n'avait pas encore atteint le village, laissant au jeune homme l'occasion de s'expliquer.

Un sourire amusé se dessina sur les lèvres d'Alaska. Il savait qu'il n'avait rien à voir avec le jeune homme que Wilbur avait rencontré, plus d'un mois auparavant. Il était habillé d'une tenue semblable à celles des nobliaux de la cour, le corps meurtri par les bleus et les coupures, sans compter les brûlures qu'il avait reçues au Temple, tachetant ses mains qui le faisaient souffrir à chaque fois qu'il pliait les doigts, ainsi que ses cheveux dont les pointes roussies tranchaient avec leur blond, devenues rousses et noires, détruites.

PERCENEIGE • (Fantasy)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant