PERCENEIGE • (Fantasy)

Chapitre trente-et-un

Dire que Spéir avait été furieux en apprenant ce que Rae et ses elfes lui faisaient subir aurait été un euphémisme. Le Serpent-Guirlande, hors de lui, avait tiré avec colère sur ses chaînes, s'agitant en vain alors que sa force vitale, insuffisante, ne lui permettait pas d'arracher le fer du mur. Cela avait été une véritable épreuve pour Alaska de réussir à le calmer, lui promettant qu'il apporterait chaque jour de quoi manger.

Ils avaient donc décidé d'un plan bien précis - lorsque les elfes apporteraient la nourriture, Spéir se forcerait à avaler la nourriture empoisonnée, puis la vomirait à l'instant même où il était de nouveau seul dans sa cave, recrachant tout dans un des coins sombres qui ne manquaient pas et auquel aucun des gardes ne ferait attention. Ensuite, Alaska se faufilerait pour lui apporter de la nourriture saine et en bonne quantité, assez pour qu'il puisse reprendre des forces et s'envoler pour passer par le vasistas, seul puits de lumière dans cette grotte creusée dans les profondeurs de la montagne.

Leur plan marchait plutôt bien - voilà plusieurs jours que le jeune homme achetait des carcasses pleines d'animaux chassés autour de Gravenmeuse, se cachant le reste de la journée pour ne pas croiser Rae qui devait le penser dehors, à accompagner les autres chasseurs, avant de se faufiler jusqu'à la cage ouverte de Spéir et lui apporter ce dont il avait besoin. Ce dernier commençait lentement à retrouver sa force comme elle aurait dû être. Chaque jour, lorsqu'Alaska venait lui rendre visite, il remarquait aussitôt comme les deux guirlandes rouge et verte qui constituaient le corps de la bête semblaient briller davantage, capturant la faible lumière qui parvenait à descendre jusqu'en bas de cette fosse géante. Les énormes poulies de fer semblaient se déloger petit à petit du mur, la roche s'effritant sous la force du Serpent-Guirlande qui tirait dessus jour après jour.

- Je pense que nous pourrons partir demain, fit Spéir, près de cinq jours plus tard, alors qu'Alaska venait de lui apporter son repas de la journée.

- Vraiment ? releva le blond, l'air enthousiaste.

Cette nouvelle le rassurait - il n'aimait pas devoir mentir à autant de monde et se faufiler pour lui apporter de la viande chaque soir. Le regard de Sciotus, bien que bienveillant, devenait de plus en plus suspicieux, et Alaska n'était pas stupide - il savait que la panthère avait parfaitement deviné son petit manège, mais semblait se refuser à lui faire la moindre remarque, alors qu'elle aurait été plus que justifiée.

- Oui, vraiment. Nous devons décider de la marche à suivre. Tu m'as aidé, donc je veux t'aider en retour tant que j'en suis capable, et que cela ne me ramène pas directement au fond d'une cage, fit la bête.

Spéir, tout le temps avachi lors des premiers jours, était maintenant assis très droit sur le sol, ayant déjà tiré assez les chaînes pour avoir un minimum de liberté de mouvement. Il était encore épuisé cependant, raison pour laquelle il souhaitait attendre une nuit de sommeil supplémentaire pour avoir assez de force pour s'enfuir et ne pas être capturé dans les minutes qui suivaient. De plus, cela leur laissait le temps de décider d'un plan d'action, ce qui était non négligeable.

- Tu m'as dit que tu voulais te rendre au château pour trouver l'adresse d'un bureau, c'est cela ? Que feras-tu lorsque tu l'auras trouvé ?

- Je m'y rendrais immédiatement, fit le plus jeune. Si je trouve dans ce bureau la manière de rentrer dans mon monde, je ne vois pas pourquoi j'irais attendre davantage.

- Tu ne sais même pas où est ce bureau, fit Spéir après un instant de réflexion. Si jamais il se trouve à l'autre bout du pays... tu ne comptes quand même pas le traverser à pied ?

- Je ne suis plus à ça près, tu sais. Si tout c'était passé comme je le veux, j'aurai déjà dû être de retour chez moi il y a trois semaines, le jour de Noël. Je me demande juste comment va ma famille.