La mort du Seigneur Hiwang 4

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Il en bouscula le Jeune Maître qui faillit tomber à la renverse. Il s'aperçut avec effroi des brutaux changements de son ami. Son visage tournait au blanc malade, ses pupilles se teintaient d'une noirceur alarmante et il renvoyait une aura de pure affliction. Les gens de Hù lǐ s'épouvantèrent. Son corps tremblotait et ses jointures craquaient. Il ressemblait ainsi au maître. Même Xian pouvait se méprendre. Il analysa cet être furieux qui se plantait face au peuple. La fillette sanglota et lança un œuf au hasard, il atterrit très proche du Seigneur, éclaboussant ses chausses en cuir. Elle se cacha derrière un vieillard.

— Les Ombres auraient-elles été trop clémentes avec vous ? vociféra-t-il, empreint d'une frénésie chaotique. Peut-être devrais-je personnellement y remédier ? Vous rappeler votre réelle place ? Pensez-vous que votre droit est de revendiquer ma mort ? Qui vous laisse croire ceci ? Vous qui m'avez toujours méprisé, quoi que j'aie pu faire dans le passé ! Vous qui êtes si lâches, des mendiants pour votre survie dans ce monde terrible ! Vous devriez plutôt vous agenouiller et implorer le pardon auprès des dieux. N'est-ce pas ce que vous devriez faire ? Maintenant, ouvrez bien vos oreilles de couards... Vous qui prônez le pacifisme et qui souhaitez me détruire, vous dont les ailes poussent et vous incitent à croire que vous êtes en mesure de réclamer mon trépas...vous tous, allez en enfer... Je vous préviens cette fois. Importunez-moi encore, et les Ombres seront un agréable rêve comparé à ce qui je vous ferai... J'en ai assez...d'être votre souffre-douleur.

À chacune de ses phrases, son ton se fragmentait sous l'émotion. Tous ignorèrent son ruisseau de larmes et s'enfuirent plus ou moins vite. Certains n'avaient pas attendu qu'il termine pour se barricader chez eux. Mais, ce qui convainquit tout le monde ? Ses tremblements augmentaient et son aura devint soudainement palpable, un amas noirâtre qui l'entourait. Identique aux Ombres, mais ce n'en était pas. Il s'agissait uniquement de la matérialisation de sa violence interne. Du ressentiment. De la peur. Du dégoût... Plus personne ne resta, sauf la fillette. Elle regarda tour à tour ses œufs et le Seigneur, mais elle ne lui en jeta pas, car il fit un pas en sa direction. Elle décampa.

Ses cris avaient intrigué les gardes du temple, ils regardaient par l'embrasure des portes les ténèbres qui se dégageaient de cet homme. Le Jeune Maître réfuta la possibilité que le maître existe encore, de même pour l'hypothèse que les Ombres demeuraient à l'intérieur de lui. Il était seulement hanté par ses souvenirs qui surgissaient, mais Xian-Jun comprit au moment où son ami se tourna vers lui, fragile agneau qui le suppliait de l'aider, muet à son élan de colère ardente. Il comprit que cette noirceur n'appartenait pas aux démons. Elle a toujours été en lui. À l'époque, lors de leurs premières rencontres, à sa naissance et pour les années suivantes, Hiwang transportait l'essence du mal. Pourquoi ? Aucune idée, et cela importait peu.

— Ne le redoutez pas, murmura-t-il en s'approchant de son ami chancelant. Hiwang, ne le combattez pas. Il est en vous. Il est vous. Ce pouvoir, il ne vous domine pas. En le repoussant, il se révolte contre vous, mais il ne veut pas vous blesser. Ni vous, ni les autres. Il vous protège. Il..., hésita le Jeune Maître en lui saisissant les épaules. Il vous a sauvé, Hiwang, il a sauvegardé votre âme durant la possession... Ces ténèbres, elles sont la raison de votre destinée, pourquoi vous compreniez les Ombres et les attiriez... Vous possédez une noirceur similaire, mais cela ne signifie pas qu'elle est forcément démoniaque, ou malfaisante. L'usage détermine la nature. Hiwang, s'il vous plaît.

Le fidèle de Hù lǐ déglutit, et  il se cramponna aux bras du Jeune Maître. Il se terrifiait à l'idée de ne pas pouvoir apprivoiser ses pouvoirs, d'être englouti par une magie néfaste et de disparaître une seconde fois. Il tressaillait aux pires images et Xian-Jun ressentait toute sa détresse. Il l'enlaça et serra fermement ce jeune Seigneur dans une étreinte si confortable. Hiwang plongea son nez rougi dans son cou et huma son parfum, une enivrante odeur de lotus qui contrastait avec sa fragrance de cerisier. Son palpitant se tranquillisait, celui de de l'héritier accéléra quelque peu ; et ainsi, leurs cœurs s'harmonisèrent.

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