La Fosse des Lamentations 2

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— Je vous manquais ? fit soudain Yichen.

L'alchimiste sursauta. Le silence se brisait pour la première fois depuis de longues heures. Le guerrier de Jiǎo huá avait chuchoté, mais sa voix grave s'était répercutée dans son esprit en mille échos, et en nombreux frissons. Il se doutait, qu'à un moment ou un autre, il se confronterait à une réplique de ce genre. Détournant le regard, Wulong se racla d'abord la gorge, qui aspirait vraiment à être hydratée, et il médita ces paroles orgueilleuses. Non, il ne lui avait pas manqué et qu'il ne pense pas être sa principale motivation pour s'être porté volontaire ; en fait, il s'était évertué à l'oublier. Mais, le lui dire signerait son arrêt de mort... Yichen n'en serait pas ravi du tout.

— Eh bien, il m'est apparu essentiel que cette troupe de valeureux volontaires voyage avec un alchimiste, j'ai donc...

— Avouez-le, je vous ai marqué, titilla le benjamin, avant de changer de sujet. Vous resterez près de moi lors de la bataille. J'aurais peut-être besoin que vous pansiez mes blessures.

En prononçant ces syllabes appuyées, Yichen le fixa comme à son habitude, un mélange de sadisme et de perversion qui fit frissonner l'alchimiste. Comment cet homme pouvait-il lui manquer ? Il l'effrayait ! Wulong n'arriverait peut-être jamais à prédire ses phrases, ses gestes, ses intentions ; il ne comprenait pas ce jeune homme et il redoutait l'imprévisibilité.

Le benjamin l'analysa brièvement, des regards à la dérobée. L'alchimiste peinait à avancer à l'allure du groupe, transportant ses élixirs dans des sacs en toile, ainsi que des plantes et autres potions utiles. C'était sa première mission d'aussi grande ampleur. Il n'avait pas su quoi emporter. En avait-il trop fait ? Oui, à en juger par le regard désapprobateur de Meng. 

Son cheval forçait ses pas et s'épuiserait plus vite que les autres. Yichen ralentit un peu, tirant sur les rênes de sa monture, et inconsciemment, le groupe ralentit aussi. Wulong lui adressa un sourire discret et le guerrier lui répondit par un rictus effronté. S'il était de nature à rougir, ses joues auraient déjà été teintées d'un écarlate, mais elles restèrent immaculées, par miracle. Il put respirer convenablement quand le jeune s'écarta de lui à cause d'un large tronc et trotta plus loin, non sans lui jeter des œillades aguicheuses.

Plus loin, Muwen avait entendu leurs voix basses s'élever et il profita de cette occasion pour parler à son tour, à la recherche d'un divertissement. Il pivota vers sa fiancée et l'interrogea sur son état, mais elle roula des yeux et ne pipa mot. Rejeté, encore, il se tourna vers l'autre personne qui l'encadrait, soit Meiling. Il était assez intrigué par cette Dame. En apparence, il l'associait à Jia Li. Les traits hautains, une envie de tuer omniprésente dans son attitude, les mains tremblant d'impatience à la pensée de se battre, et des motivations sombres ; mais, une sensibilité et une candeur se dissimulaient sous sa carapace, il le ressentait. Il lui posa une question sur sa profession peu commune. Surprise qu'il soit suffisamment curieux à son propos, la jeunette lui exposa son quotidien.

— C'est simple, assura-t-elle. Plus simple que les gens ne le présument. J'ai longtemps cultivé mon essence, je me suis entraînée chaque jour, avec mes ambitions en tête. Puis, j'ai sauté le pas et je travaille à mon compte. Les villageois font appel à mes services en m'avisant de phénomènes étranges dans leur région et moi, je piste les démons, je les détruis et ils me paient. Je parcours ce monde de long en large. Bien sûr, si je rencontre par chance des démons égarés, je les pulvérise sur place. Je ne mourrais pas, tant qu'ils n'auront pas été tous exterminés.

— Pourquoi une telle rancœur, ma Dame ? s'enquit-il, obtenant un soupir de Xian et le trouble de Meiling. Oh, est-ce un sujet que vous évitez ? Si cela vous importune, ne l'évoquons pas ! Je suis désolé.

La fosse des LamentationsWhere stories live. Discover now