Une âme sous le voile 1

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— Arrêtez-vous là ! somma un garde d'une voix rauque à force de crier. Vous le regretterez ! Il finira par vous tuer ! Arrêtez ! De ! Vous ! Enfuir !

Bien évidemment, Wulong ne l'écouta pas. Il continua sa course folle à travers la forêt de Jiǎo huá. Il venait à peine de quitter le Talion Infernal et il ne comptait pas y retourner de sitôt. Bientôt trois semaines qu'il pourrissait au fond des cachots de la capitale ; il sentait enfin l'air frais sur son visage, le vent fouetter ses cheveux grisés par la poussière, ses pieds parcourir un nouveau sol, une terre trempée qui éclaboussait son vêtement sale. Son allure dépassait tout entendement, il n'avait jamais couru aussi vite. Il appelait toute son énergie, tout ce qui restait en lui, il transmettait ses dernières forces à son corps.

Cependant, ces deux gardes qui le pourchassaient menaçaient sa maigre liberté. Ils hurlaient, proliféraient des avertissements à tout-va et n'abandonnaient pas cette traque à l'homme. C'étaient eux qui s'occupaient aujourd'hui des prisonniers, qui avaient ouvert la cellule de l'alchimiste et qui s'étaient laissé berner par sa fausse sympathie. Wulong avait usé de ses charmes sur eux, des yeux doux et des sourires enjôleurs, puis il s'était facilement échappé à leur vigilance. S'ils revenaient sans lui, ils mourraient pour sûr. Mieux valait donc qu'ils attrapent ce fuyard.

— Mais où est-il encore passé ?! grogna férocement un des deux. Je lui tordrai le cou à celui-là ! Il mènera à notre perte...

— Tant que nous le rapportons vivant au maître, tout ira bien... Et en bon état !

Trois semaines qu'il servait uniquement à soigner les quelques gens de Jiǎo huá dont les Ombres souhaitaient obtenir des informations ; elle les torturait et il les maintenait en vie. Il ne tolérait plus les braillements d'agonie et les supplications ; au final, il participait à toute cette souffrance, et il le refusait. Il se trouvait atrocement répugnant et il ne voulait plus tourmenter des innocents. Assez ! C'est pourquoi il ne mettrait plus un pied au Talion Infernal. Mais les gardes, eux, s'animaient d'un viscéral instinct de survie qui surpassait probablement la révolte de Wulong.

L'alchimiste s'embroncha sur une racine. Il ne chuta pas, conscient que cela alerterait ses poursuivants. Seulement, cet obstacle le déconcentra une seconde. Exactement le temps pour qu'un garde bondisse en face de lui, bâton à la main. Puisqu'il savait que cet homme ne prendrait pas le risque de le blesser, il fonça droit sur lui et le bouscula pour passer. Cela aurait fonctionné, car, en effet, il se décala pour éloigner son arme de l'alchimiste ; mais le second ne lui octroya pas la même amabilité. Au contraire, il l'empoigna par un bras, le souleva au-dessus de lui et le jeta brutalement au sol.

Sonné par le choc, Wulong se redressa en toute hâte et ne put se remettre sur pieds, car il se serait écroulé à cause des vertiges. Il reçut un coup entre l'épaule et le cou, un point sensible du corps humain. Ses yeux se brouillèrent de noir et il s'évanouit.

Il se réveilla dans une position peu confortable...dans les prisons. Un sanglot le saisit dans l'instant, mais il ravala ses larmes. Tant pis ! Il n'aura qu'à s'évader de nouveau. De toute façon, son quotidien se constituait de plans d'évasion entre deux séances de torture. Il se releva, appuyé contre la paroi, mais la pierre dure n'adhérait pas vraiment avec sa peau. Il entendit des pas et il devina ce qui l'attendait. Encore des réprimandes.

— Bon ! Nous avons rendu notre rapport et comme vous le remarquez, vous nous avez derechef attiré des ennuis ! gronda le garde de tantôt, en pointant une marque rouge sur sa joue. Sauf que cette fois, vous ne vous en tirerez pas aussi aisément ! Le maître exige de vous voir... Je ne crois pas que vous ressortirez entier de cette entrevue !

Devenant extrêmement pâle, Wulong essaya de se retenir à la paroi rocheuse sans succès. Les deux bougres le saisirent et le traînèrent hors des geôles en direction du temple. Il redoutait de rencontrer l'homme possédé par les Ombres. Il n'avait toujours pas eu vent de l'identité de cet hôte, d'ailleurs. Toutefois, les gardes ne le conduisaient pas devant lui. Pire ! Il comprit la direction qu'ils prenaient trop tard pour amorcer une énième fuite. Une porte s'ouvrit et il fut propulsé dans une pièce étrangement illuminée par les agréables rayons du soleil. L'aube se levait petit à petit.

La fosse des LamentationsWo Geschichten leben. Entdecke jetzt