Les fragments du passé 2

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— Vous vous complaisez dans votre tendre néant, susurra-t-il, souriant vicieusement, mais vous ne remarquez même pas votre propre souffrance. Vous ne parviendrez pas à votre fin, soyez-en assurées ! Vous vous mentez sans vous en apercevoir... Et le pouvoir de la révolte surpasse celui des tyrans ! Cela prendra le temps nécessaire, des vies s'éteindront sous vos coups acharnés, mais vous ne gagnerez pas. Je vous le promets. Tuez-moi maintenant, cela ne changerait rien !

— Si vous vous présumez si intelligent, crièrent les Ombres dans un état d'énervement brutal, nous vous convertirons et vous nous servirez ! Qu'en dites-vous ? Vous vous taisez et vous vous soumettez ! Ne nous sous-estimez pas !

— Dans ce cas, pour quelle raison est-ce que je respire encore ? Vous auriez pu me dompter ou m'éliminer, je m'adresse néanmoins à vous avec ma plus belle hargne et ma plus sincère haine sans que vous ne me punissiez !

Elles se détérioraient peu à peu. Leurs traits tirés par la colère tombèrent en ahurissement. Elles s'interrogeaient effectivement ; pourquoi ne le tuaient-elles pas ? Elles ne le voulaient pas, certes. Mais non, impossible. Il se fourvoyait. Elles le laissaient en vie car elles pensaient à l'utiliser plus tard. Des Ombres s'engouffreraient dans son corps et elles détiendraient un membre de l'élite de Zhī dào, cela les aiderait dans leur quête de domination absolue. Il venait de les irriter et elles imaginaient déjà les mots atroces qui sortiraient de la bouche du Seigneur. Cela le ferait souffrir que son Hiwang les lui crache à la figure ! Elles aspiraient à voir sa mine confiante se crisper et ses yeux se teintaient de chagrin.

— Savez-vous combien fut-il tourmenté ? Votre ami se roulait dans la poussière des jours durant, il nous suppliait ! Son sacrifice lui a valu notre tenace rancœur. Hors de question qu'il meurt aussi vite ! Nous avons sauvegardé son corps, la faim et la soif le tiraillaient sans cesse, l'épuisement le tuait à petit feu, il braillait de douleur et priait ses vulgaires divinités ! Nous nous divertissions à l'effrayer dans les sombres recoins ; jusqu'au dernier instant son âme a été torturée ! Finalement, il a craqué, pitoyable et miséreux ! Son esprit s'est fissuré en un million de particules et nous l'avons éjecté... Le Seigneur Hiwang s'est évaporé dans les cris d'agonie.

— Vous essayez de m'abattre, conclut Xian-Jun. Vous échouerez ! Peu importe que ce soit la vérité ou un mensonge, je désire seulement le venger et vos mots augmentent considérablement ma volonté. Continuez donc, j'aurais encore plus envie de vous anéantir !

— Il songeait à vous. Il tenait à vous comme à la prunelle de ses yeux, son unique véritable ami qu'il n'a pas réussi à sauver... Vous devriez espérer qu'il ne vive plus. Cela le chagrinerait d'assister à son échec. N'êtes-vous pas d'accord ?

En effet, il détestait cette perceptive. Hiwang ne s'en remettrait pas. L'héritier s'exaspérait des viles attaques des Ombres qui s'impatientaient. Loin de leur offrir ce qu'elles attendaient, Xian-Jun ne leur permettrait pas de célébrer une quelconque victoire. Elles supposaient qu'il s'effondrerait à leurs mots odieux, mais il tenait bon et rêvait de leur rendre la pareille. Elles le toisèrent quand il se redressa dans un fébrile grognement et qu'il reprit instantanément contenance. Le Jeune Maître se positionna à moins de deux pas d'elles, un sourire mauvais en guise de parfaite insolence, et il déversa à son tour son venin :

— Préparez-vous à disparaître définitivement. Vous tremblez déjà de peur ! Pourquoi vous acharnez-vous autant à assujettir les mortels ? Vous ne cherchez pas à les anéantir comme vous le proclamez aveuglement ! Vous vous butez à les écraser de votre suprématie, parce que vous vous horrifiez de la solitude et de l'oubli. Des millénaires que vous vous terrez dans la noirceur de l'humanité ; puisque vous usez enfin de la pleine puissance de vos pouvoirs, vous nous prouvez à quel point vous vous sentiez seules et abandonnées toutes ces décennies, dans le noir, sans personne à qui raconter votre douleur. Vous souffrez bien plus que nous !... Vous êtes terrifiées.

La fosse des LamentationsWo Geschichten leben. Entdecke jetzt