Adoptons un chiot ! 3

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— Qui que ce soit, j'identifierai cette personne et elle paiera son offense, s'écria l'alchimiste. S'attaquer à un Seigneur, on aura tout vu ! Même pour une simple farce !

Wulong siégea sur un fauteuil dans un coin afin d'être bien à l'aise et il déploya sa propre spiritualité pour littéralement pénétrer celle de la missive.

Des visions se précipitèrent dans son esprit, il essaya de trier les renseignements qu'il obtint. Il voyait Hiwang recevoir la missive d'un garde, la déplier et la lire, puis sauter de joie en notant la signature. Il se réjouissait d'obtenir de cette façon des nouvelles de son ami de Zhī dào. Ensuite, il empoigna la jarre et congédia son serviteur. Les deux hommes s'inclinèrent et il demeura dans son pavillon, n'hésitant pas une seconde pour boire à grandes goulées le breuvage, alors que Liang s'était endormi. Il apprécia, à en juger par son sourire immense. Il exprima des mots que Wulong dit à haute voix :

Caresse Divine. Xian-Jun s'en est souvenu et il m'en a commandé.

En effet, le Seigneur avait été convaincu de ceci ! Il ne s'était pas demandé pourquoi l'héritier en viendrait à payer un alcool de Jiǎo huá pour lui envoyer un présent. Quelle crédulité ! Il n'aurait agi ainsi ! S'il voulait le rencontrer et lui donner un cadeau, il aurait voyagé pour lui transmettre en main propre ! Xian souffla bruyamment et le chiot produisit des sons qui s'apparentaient à de pleurs. On aurait dit qu'il intimait l'héritier de ne pas s'énerver. Le Seigneur ne pouvait pas savoir.

Je me vengerai de son impudence !

La voix de Wulong changea, elle se rendit dans les aigus. Il clamait les paroles d'une femme. Il la regarda rédiger la lettre, la plier avec soin et la joindre à la jarre, pour les confier à un messager. Elle respirait la mesquinerie et une forme appuyée de vive méchanceté. Ravie de soumettre le Seigneur au malheur.

L'alchimiste se détacha de ces visions et il raconta aux deux autres ce à quoi il avait assisté. Xian supposa qu'il était question d'une prétendante repoussée par Hiwang et qu'elle aspirait à se venger du fait qu'il l'avait sûrement éconduite. Le fidèle de Hù lǐ adhéra à l'idée, mais insista sur son impression de cruauté qui se dégageait d'elle. Il la reconnaissait vaguement, mais ne parvenait à mettre un nom sur ce visage. L'avait-il déjà croisée ? Yichen haussa un sourcil, une théorie naissait dans ses pensées.

— Cette femme, hasarda le benjamin, possède-t-elle des cheveux plus noirs que les limbes infernaux, des yeux allongés aux nuances presque vertes profondes qui reflètent l'essence même de la folie et des lèvres rouge sang qui s'étirent en un sourire empreint de sadisme ? Ah, et une broche sur la poitrine.

— Connais-tu la courtisane du Seigneur ? se renfrogna Wulong. Comment ? Pourquoi ?

— Pas une courtisane. Une Jeune Maîtresse. La septième de Jiǎo huá.

— Huafang, comprit Xian-Jun, défait.

— Elle n'a pas du tout aimé votre petite comédie durant la semaine des festivités ! railla Yichen, se remémorant ce qui avait pu la courroucer. Vous dormiez ensemble, vous ne lui prêtiez aucun intérêt, vous la rejetiez et étiez constamment en compagnie du Seigneur. Accordons-lui que sa colère est justifiée. Mais de là à dissocier l'âme d'un corps...

En effet, pas au point de séparer une âme, pensa l'héritier. Alors qu'il éprouvait auparavant une ridicule indifférence envers cette femme, une haine se créa. Elle l'agaçait et il s'en débarrasserait sous peu. Il voulut se dépêcher d'aller à Jiǎo huá pour la remettre à sa place, mais le chiot recommença à aboyer. Il se cambrait et sautait avec force sur le lit. Parfois, il tapait le bras du Seigneur. Xian interprétait son ardeur comme un nouveau message, mais il n'en saisissait pas le sens. D'un coup, Wulong se rua sur le chien et l'observa sous toutes les coutures, et il pivota vers ses deux compagnons, les yeux écarquillés.

La fosse des LamentationsWhere stories live. Discover now