Chapitre 11

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Le soleil commençait petit à petit à tomber. Le reflet de ce dernier tapait légèrement sur l'eau, et lui donnait une couleur orangeâtre. Les arbres tout autour de nous étaient comme réconfortant, mais aussi effrayant. La vue qui s'offrait à nos yeux était simplement magnifique, voir bucolique. Un mélange de matières : l'eau, l'air, la nature... Mais ce décor somptueux vint se détruire, quand l'image de cette personne me revenait en tête. Cette personne, à la fois loin de moi, et tout près. Cette personne, vêtue de noir, qui me regardait. Simplement imagination, ou réalité ? Je ne savais pas quoi penser. Cette nuit s'était comme évaporée de mes pensées. Et je faisais mon maximum pour ne plus y penser. Alors, pourquoi mon imagination me jouerait-elle encore des tours ?

- Max ? Ça va ?

Je reportai mon regard sur Alex, qui avait craqué une énième cigarette. Il me regardait, son regard perçant plongé dans le mien.

- Oui... Ça va.

- Tu pensais à quoi ?

Je mis quelques secondes à répondre.

- Beaucoup de choses. La nuit dernière, principalement.

Un réel traumatisme en fait. Ce qui m'était arrivé était marquant, et je savais que je ne pourrais jamais l'oublier. Un intrus qui rentrait chez moi, qui tentais de m'agresser. Pour quelle raison ? Si je n'avais pas sauté, serais-je encore vivant ? Et si Alex ne m'avait pas aidé ? Tant de questions qui me donnaient mal à la tête, et qui m'empêchait de dormir le soir.

- Tu sais, j'ai déjà rencontré beaucoup de personnes qui ont vécu de nombreux traumatismes. La plupart du temps, ma boss veut les rencontrer, et veut s'assurer que tout va bien pour eux. Alors je leur parle, et je m'assure aussi que tout commence à rentrer dans l'ordre.

Il avait décollé son regard du mien, et l'avait dirigé vers le lac. La nuit était belle, même aussi effrayante. Le froid commençait petit à petit à tomber, et Alex commençait à s'en rendre compte en me regardant. Je grelottais légèrement, mes muscles s'amusant entre eux pour essayer de me réchauffer. Un simple instinct de survie.

- Tu as froid ?

- J'ai oublié mon pull dans la voiture, mais je peux tenir le coup.

Sur mes paroles, il bloqua sa cigarette entre ses deux lèvres, et enleva sa veste. Il vint la déposer délicatement sur mes épaules, avant de reprendre de sa main droite ce qui lui détruisait les poumons. Ce geste me réchauffait le cœur, et je me sentais tout aussi gêné.

- Je... Je peux aller la chercher si tu veux, tu vas avoir froid toi autrement...

- T'inquiètes pas pour moi. J'ai l'habitude du chaud comme du froid. C'est moi qui t'ai emmené ici, je n'ai pas envie que tu tombes malade à cause de moi.

Il me lança un léger sourire, avant de jeter sa cigarette dans l'herbe. Alex vint déposer délicatement ses coudes contre le sol, avant de jeter sa tête en arrière. Il prit une grande inspiration, et souffla par la suite tout l'air qu'il avait accumulé au fond de lui. Une manière de se décontracter, et d'oublier sa journée qui avait pu être assez dure, j'imaginais. Après quelques instants de silence, je décidais de briser ce blanc qui s'était installé entre nous deux.

- Parle-moi de John.

- John ? Du boulot ?

- Je ne crois pas connaître un autre John, à mon avis.

Il se mit légèrement à rigoler, avant de se relever. Il décrocha une fleur qui était encore en train de pousser au sol, avant d'arracher une par une les feuilles qui l'a rendait si joli. Quel gâchis.

- Et bien... C'est mon meilleur ami. Je l'ai rencontré à mon travail, je crois te l'avoir déjà dit. C'est un mec super, avec qui le courant est tout de suite passé. C'est lui qui m'a formé, et on a commencé petit à petit à traîner ensemble les soirs, après le travail. Puis, on est sorti en boîte, et on a commencé les quatre-cents coups ensemble. Je suis arrivé à mon travail il y a trois ans, je le connais depuis trois ans, mais j'ai l'impression qu'il fait parti de ma vie depuis que je suis gosse.

- Un coup de foudre amical ?

- Exactement. 

Il souriait, quand il parlait. J'avais pu voir la proximité entre eux quand j'étais venu à Chicago, à leur travaille. Mais aussi à la salle de sport. Ils s'étaient bien trouvés, les deux. John avait l'air vraiment sympa, marrant, et très amical. J'avais vraiment envie de le connaître aussi ! Peut-être qu'on pourrait sortir tous les quatre, un soir, avec Athéna ? Arrête Max ! Peut-être que dans deux jours, tu ne parleras même plus avec Alex.

- Et toi ? C'était qui, ce Tom ?

Le sourire qui s'était dessiné sur mon visage s'effaça en un coup de vent. Comment connaissait-il son prénom ? Comment savait-il pour Tom ? Savait-il qu'il n'était plus de ce monde, qui lui était arrivé quelque chose d'horrible ? Je tournai mon regard vers lui. Un regard triste, et il remarqua que mon attitude venait de changer en à un rien de temps.

- Comment ?... Comment tu connais Tom ?

- Son histoire a fait le tour de Chicago, c'est une de mes collègues qui a eu l'appel, en fait. Et tu m'as aussi évoqué son prénom, très brièvement, le soir où tu as appelé le 9-1-1. J'ai donc fait le lien...

Je pris à mon tour une grande inspiration. Je n'avais pas fait le deuil de mon ami. Et il me fallait encore du temps. Je n'en parlais pas beaucoup, à vrai dire. De temps en temps, nous abordions le sujet avec Athéna, avec mes parents. J'étais notamment allé voir une psy, à un moment donné. Alex remarqua que je ne me sentais pas bien. Il pouvait ressentir cette sensation de bouleversement qui s'était emparé de moi. Alors, d'un geste délicat de la main, il vint déposer cette dernière sur la mienne, avant d'encrer son visage dans le mien.

- Excuse moi de t'avoir posé cette question, c'était... Débile. Si tu ne veux pas en parler, je comprendrai totalement.

Il fallait que j'en parle. Il fallait faire le vide dans ma tête, et parler à une personne que je connaissais que vaguement était un moyen pour moi de m'exprimer sans filtre. Je séchai une larme qui commençait à couler le long de ma joue, avant de continuer.

- Tom, c'était... L'ami parfait. Une personne en qui tout le monde pouvait avoir confiance, qui était là pour les autres. Il accordait beaucoup de temps à nous, à tel point qu'il en oubliait totalement sa propre responsabilité. Lui.

Il me fallut quelques secondes avant de reprendre.

- Ce matin-là, quand je me suis levé et que j'ai vu mes parents assis autour de la table, accompagnée de deux policiers, je n'aurais jamais imaginé que quelque chose était arrivé à Tom. Qui en avait contre lui ? Personne. Les vacances d'été ont été un véritable calvaire pour moi, et je veux juste savoir une chose. Qui a fait ça.

Je serrais les dents. Qui avait fait une chose aussi cruelle ? Qui avait pu faire du mal à Tom ? Une personne avec un cœur immense. C'était le flou total pour moi, tout comme Athéna ou mon entourage.

- Je suis désolé pour ta perte, Max...

Je n'arrivais pas à répondre. À la place, je regardais l'eau. Ne pas pleurer. Ne pas montrer ses faiblesses. Malgré tout, ça m'avait fait du bien de parler de Tom. Même si Alex ne le connaissait pas, je pouvais en être certain que j'avais donné une belle image de mon ami. Tout le monde aurait dû le connaître. Tout le monde devrait avoir un ami comme lui. Un ami qui était là pour ses amis, et pour ses proches. Pour le meilleur, comme pour le pire. Un coup de foudre amical.

Après quelques secondes, et après avoir repris une respiration normale, je retournai mon regard vers Alex. Il me regardait lui aussi. J'en profitais pour le regarder un peu plus en détail, même si ça pouvait paraître louche. Il avait beaucoup de tatouages. Même s'il avait un léger pull à manches longues, je pouvais distinguer deux tatouages sur ses deux poignets. Quelques-uns sur les phalanges. Et un qui remontait légèrement le long de son cou.

- Qu'est-ce que tu regardes ? Tu me mates ?

Il avait dit ça sur le ton de la rigolade, mais je me sentais extrêmement gêné. Heureusement pour moi, la nuit, commençait à tomber, et il ne pouvait pas voir ma peau rougir face à sa remarque.

- Euh... Je regardais tes tatouages, en fait.

- Et tu les aimes bien ?

- Ils ont l'air d'être cool, oui.

Il me sourit, avant de descendre son regard sur ses poignets, et d'admirer sa main. Il remonta par la suite ses manches, pour me montrer la totalité de ses avant-bras. À ma grande surprise, peu d'encres étaient inscrites dans sa peau sur cette zone. Il y avait seulement une sorte de forêt, avec pleins d'arbres, dessiné sur le poignet de droite. Et sur celui de gauche, une sorte de composition florale.

- Et ça veut dire quoi, tout ça ?

- C'est un peu personnel.

- Ah... Excuse-moi... 

- Beaucoup de gens me demandent, tu sais, tu n'es pas le seul. Pour beaucoup, les tatouages sont un moyen de se montrer, un moyen d'être à la mode. Pour moi, ça me permet de garder des moments gravés en moi, pour toujours. Je peux te donner un exemple, si tu veux.

Il me questionna du regard, et j'acquiesçai par la suite. Il se mit dos à moi, avant de relever son tee-shirt. Merde. Qu'est-ce qu'il faisait, au juste ?

- Ca ne te gêne pas, de me voir torse-nu ?

- Euh... Non, non, pas du tout.

Merci mon dieu, il faisait noir autour de nous ! Ma peau était devenu rouge écarlate, et heureusement, il était dos à moi. Quand il enleva la totalité de son pull, j'en profitai pour mater son dos, extrêmement bien dessiné. Je pouvais notamment distinguer quelques tatouages, mais surtout un qui était plus grand que les autres. Il se trouvait en haut, débutait juste en dessous de son crâne, et s'élongeait sur plusieurs centimètres. Je n'arrivais pas bien à le distinguer, à cause de l'obscurité.

- Je me doute que tu arrives à voir, mais il s'agit d'un bout de la terre. Étant donné que la terre est ronde, on l'a découpé en quatre avec trois de mes amis. Un bout chacun. Sur chaque bout, un élément de la nature, et j'ai décidé de prendre l'eau. Tous les quatre, il y a trois ans, on a loué un catamaran, et on a passé nos meilleures vacances trois semaines sur l'eau. Et il s'agit d'un souvenir que je ne voudrais jamais oublier.

Je ne voyais pas son visage, mais je pouvais entendre dans sa voix que ce souvenir le touchait. Un souvenir qui le marquait, et qu'il n'avait pas envie d'oublier, la raison pour laquelle il l'avait inscrit sur son corps. J'avais envie de toucher le tatouage, pour ressentir ce qu'il me racontait. Mais il fallait que je me contrôle. Et il fallait surtout que j'arrête de le regarder de haut en bas, de me rincer l'œil derrière son dos.

- Tu... Tu ne leur parles plus ?

- Un de mes amis est décédé il y a deux ans, dans un accident de voiture. Ca ne m'a pas séparé de mes deux autres amis, mais nous nous sommes éloignés, plutôt. Ils sont partis tous les deux en Californie, mais ont pris des chemins différents... On se parle de temps en temps, mais ce n'est plus comme avant.

- Je... Je suis désolé pour ton ami, Alex...

Il se retourna, à l'aide de ses bras. Désormais, son torse tout aussi bien dessiné attaqua mes yeux. Mais à ma grande surprise, aucun tatouage de ce côté du corps. Simplement des pecs dessinés, ainsi que des abdos qui commençaient légèrement à faire leurs apparitions. Il fallait vraiment que je me concentre sur quelque chose d'autre, avant qu'il ne remarque quelque chose de bizarre.

- Si je t'ai parlé de Tom, c'est que je sais ce que tu ressens. Perdre un ami, un frère, c'est loin d'être facile. Alors, si tu as besoin de parler, je suis là pour toi.

Je remontai mon regard vers ses yeux. Ce qu'il me disait me touchait énormément, et me faisait beaucoup de bien. Même si je le connaissais depuis peu, je savais que je pouvais parler avec lui de plusieurs sujets. Et même si je discutais avec Alex depuis seulement quelques jours, je commençais petit à petit à m'accrocher à lui, à sa personne. Et ça me faisait peur. Extrêmement peur.

Après plusieurs secondes de silence, je me re concentrai sur lui, avant de répondre.

- Merci... Merci pour tout, Alex.

Il me sourit, avant de remettre son pull. Quelques minutes après, nous repartions en direction de la voiture, pour retrouver notre maison respective. Cette petite sortie m'avait fait beaucoup de bien. Je me languissait d'hors et déjà d'en parler avec Athéna ! Et, grâce à cette fin de journée, la nuit précédente n'était qu'un mauvais souvenir. J'avais du soutien, auprès de mes amis, de ma famille. Et c'était tout ce dont j'avais besoin. 

911 : Mon ange gardien [BXB].Where stories live. Discover now