Pieds Nus

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Da-jee-ha m'aida à enfiler des vêtements propres, qui étaient bien semblables à quelque chose que j'aurai pu porter moi-même ; une culotte simple, un soutient gorge confortable, et une robe ample dans laquelle j'eus tout de même un peu froid dans la fraicheur nocturne de la cave. La coiffure qu'elle m'avait faite, bien que je ne puisse pas la voir, semblait au moins aussi complexe que la sienne, dont les tresses s'entremêlaient en un enchevêtrement savant. Elle jeta un dernier coup d'œil à mon apparence, qu'elle jaugea avec un visage de marbre, puis me saisit par le bras pour me faire remonter. Je remarquai qu'elle ne m'avait pas donné de quoi me chausser.

Nous remontâmes jusqu'au rez de chaussé de la maison, toujours plongé dans l'obscurité avec son plafond bas, et Da-jee-ha me guida vers une échelle montant à l'étage supérieur. Celui-ci était bien plus spacieux, et de grandes ouvertures vitrées permettaient à la lumière des étoiles d'y pénetrer, ce qui, malgré l'absence de lumière, permettait au moins d'y voir plus clair. La disposition de l'habitation était quelque peu étrange. L'étage était constitué presque uniquement d'une grande salle dont la hauteur allait jusqu'au toit, mais dans laquelle plusieurs mezzanines, accessibles par échelles et escaliers, semblaient renfermer les chambres des divers habitants. On avait presque l'impression de voir des cabanes dans les arbres, soutenues par des piliers et collées aux murs ou à la pente du toit. Au centre de la pièce, trônait une grande table carrée dont le centre percé laissait apparaître une dalle noircie, possiblement un âtre, ce qui me semblait tout de même dangereux au milieu de tout ce bois. Plusieurs personnes y étaient assises, dont la jeune femme qui nous avait accompagnées avec Da-Jee-ha, une vieille femme à l'allure encore plus ridée que Hen'Ruay, cette dernière également, et enfin...

-Ester ! S'exclama une voix au combien rassurante dans cet environnement.

-Thomas !

-Au mon dieu Ester, putain de... ça va ? Tu n'as rien ? Tu n'es pas blessée ? Ils ne t'ont rien fait ?

-Aucun problème. Fis-je avec une ironie mordante, mon égo regonflé par cette présence familière. Juste un petit feu et une simple exécution manquée de près, quoi, rien de bien difficile. Con la gorra.

Je vis son visage blêmir malgré l'obscurité, avant de reprendre.

-Mais toi, comment t'es-tu retrouvé ici ?

-Nous l'avons... commença Hen'Ruay.

-Je demande à mon ami. La coupai-je sans ménagement, ce qui sembla outrer la guerrière assise à ses côtés, mais elle la calma d'un geste et un mot.

-Je... sais pas trop. Avoua Thomas. L'un de ceux qui m'emmenaient a visiblement retourné sa veste, puisqu'il à assommé l'un des autres, et plusieurs guerriers ont surgi pour me tirer de leurs griffes. On m'a amené ici, on m'a demandé si je savais où tu étais, puis on m'a laissé me baigner seul dans le noir absolu... et c'est tout. Ça doit faire des heures que j'attends sans la moindre réponse que cette vieille me dise quelque chose, mais elle semble décidée à continuer à me fixer avec ses yeux de merlan frit !

Thomas fixait avec intensité la vieille femme assise en bout de table, qui avait son regard malicieux tourné dans ma direction.

-Elle ne risquait pas de te dire quoi que ce soit, jeune homme. Haak-lee'Wan est muette. Expliqua Hen'Ruay. Mais elle aime bien laisser croire qu'elle ne veut juste rien dire.

La concernée eut un petit rire amusé, et se recula dans sa chaise. J'échangeai un regard rapide avec Thomas, avant de m'avancer pour aller m'assoir à côté de lui. Da-Jee-Ha alla prendre place proche de la vieille Haak-lee-Wan, mais son regard ne se fixa pas une fois sur moi. Hen'Ruay reprit.

-Laissez moi vous expliquer plus en détail ce qui a eu lieu ce soir. Notre peuple n'est pas uni, comme vous autres aimez le penser, et, évidemment, il existe plusieurs courants aux idéologies fondamentalement différentes. Vous avez eu tous les deux affaire aux Taa'kangow'a, qui se traduirait probablement par « traditionalistes » dans votre langue. Inutile de vous dire qu'ils se présentent en défenseurs du monde de vie ancien des Suomens, et n'ont pas peur de recourir à la violence envers ceux qu'ils considèrent comme des menaces. Quoi qu'il en soi, nous avons des infiltrés parmi eux, et ceux-ci nous ont permis de savoir où vous vous trouviez, et de venir vous en sortir.

SauvagesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant