Enquête dans le blizzard

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Je passais une tête discrète par l'embrasure de la porte, dans le froid glacial de l'hiver Alpin, mais me retrouve surprise à y trouver une certaine forme de chaleur sous le soleil de midi. Bien loin d'être immobilisé par l'importante chappe de neige qui s'est abattue sur le village, Ar'henno semble tout aussi vivant et vibrant d'activité qu'il ne l'était lors de mon dernier séjour, en fin d'été. Les villageois se relaient pour s'occuper des bêtes, réunies au rez de chaussée de certaines des maisons, où, en plus de pouvoir rester en vue de leur maîtres, elles participent au chauffage. D'autres déneigent, partent à la chasse ou en reviennent, tandis que les enfants emplissent l'air de leurs cris alors qu'ils jouent dans la montagne toute proche, invisible aux yeux. 

Da-jee-ha, assise sur le perron de sa demeure, une flasque à la main, remarque ma présence et fronce les sourcils.

-Toi reposer, Kinn'rehi. Toi blessée. 

-Je me sens bien, ne t'inquiète pas. La rassurai-je, mais je savais que c'était loin d'être suffisant. 

Les habitants s'étaient montrés particulièrement attentifs à ma blessure depuis mon arrivée, deux jours plus tôt, et j'avais rapidement compris qu'une des raisons était le nombre d'entre eux qui avait déjà souffert d'une telle blessure par balle, ou perdu des proches à cause de l'une d'entre elles. Le soin qu'ils m'apportaient était loin d'être au niveau de celui que l'on pouvait attendre d'un médecin, mais la chamane était parvenue à tempérer mes douleurs, et à me tenir au lit pendant presque vingt-quatre heures, ce qui avait été plus que suffisant pour que je m'ennuie à mourir. Durant ce laps de temps, j'avais pu profiter des très épaisses couvertures suomen. Je m'étais demandée, en été, comment la température pouvait être maintenue en hiver, à cause des grandes ouvertures pratiquées dans certaines maisons; j'avais ma réponse, puisque celles-ci avaient été refermées pour l'hiver par de grands draps isolants, qui diminuaient cependant très largement la luminosité - raison pour laquelle, durant la journée, une grande partie des habitants quittaient l'obscurité de leur demeure. 

Ce temps passé au repos forcé ne m'avais cependant pas permis de parler autant que je le désirai avec Da-jee-ha. Si elle était déjà au courant de la majorité des évènements, j'avais envie de les lui révéler de vive voix. 

-Votre comité d'accueil était... un peu effrayant. Fis-je remarquer. 

-Prudence est mère de sureté. Répondit simplement Da-jee-ha. Hiver nous couper reste du monde. Si quelque chose grave arriver, nous seul. Alors nous prudents. 

-Oui, j'imagine... mais ça fait tout de même beaucoup d'armes.

-Oui. Murmura Da-jee-ha. Quoi toi faire, maintenant? 

Le changement de sujet était brusque, et je me retrouvai quelque peu déstabilisée. J'ouvrais les pans de mon large manteau afin de tenter de rafraichir quelque peu mon corps en surchauffe, malgré la saison. La réflexion de la lumière du soleil à son zénith sur la neige était loin de participer au rafraichissement de l'air, bien au contraire. 

-Je ne sais pas trop. Avouai-je. J'ai accompli quelque chose, oui. Mais quelles en sont les conséquences factuelles? Je ne sais pas trop. Des débats politiques, certes. Mais Hen'Ruay est toujours enterrée, et Nokomis derrière les barreaux. Pire, les traditionalistes ont frappé fort avec leur stratégie de la peur en révélant jusqu'où ils pouvaient aller pour faire taire des gens, et la tentative d'assassinat n'a rien arrangé. Vraiment, je... ne sais pas trop quoi faire maintenant. Je me sens... fatiguée de tout ça. 

Da-jee-ha me détailla longuement, avant de dire.

-Toi sembler plus que... fatiguée. Toi sembler désespérée. 

SauvagesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant