Taa'kangow'a

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Le froid glacial mordit ma peau dès que la porte du van s'entrouvrit, laissant l'air nocturne remplacé celui vicié des respirations de la troupe de suomen qui y était entassée. En l'espace de quelques instants, je me sentis frigorifiée, comme si une chappe de neige s'était effondrée sur moi. La simple chemise que je portais, ainsi que mon pantalon en tissu fin, n'étaient décidément pas suffisants à me protéger du froid qui régnait encore en soirée, en ce début de février. Les deux guerrières les plus proches de la porte sortirent et se placèrent de part et d'autre du véhicule pour faire le guet. Un autre sortit à leur suite et alla frapper à une porte, toute proche de l'endroit où le van s'était garé en double file. La petite rue de la banlieue parisienne, proche de la voie de chemin de fer, était silencieuse comme une tombe, et les guerriers qui m'entouraient l'étaient tout autant. Je pouvais ressentir la tension en chacun d'entre eux, dans leur mouvement compulsifs, dans leurs regards fixes, et dans les courtes phrases qu'ils se lançaient de temps à autre. 

Je frissonnai, et, tout en tentant de trouver une position plus confortable, poussais une légère exclamation de douleur.

-Moins de bruit, Kinn'rehi-meh'na. M'intima Da-jee-ha, à voix basse, toute proche de moi.

-Je t'y verrais bien, avec des liens aussi serrés. Râlais-je en remuant mes épaules, tentant de desserrer quelque peu la corde qui liait mes bras le long de mon buste - sans succès. 

-Ca devoir être réaliste. Répondit-elle, le regard fixe et empli de détermination. Toi avoir vécu pire.

-Mais moi pas avoir apprecié plus que ça d'être dans de pires situations. Ironisai-je. Si tu m'avais expliqué ton plan avant qu'on parte, j'aurai refusé immédiatement.

Da-jee-ha me répondit par un sourire énigmatique.

-Ca être raison pourquoi moi avoir révélé plan après départ. 

Cette explication, loin de me rassurer, me plongea dans une fébrilité plus forte encore. La sensation de cette corde autour de mes bras et liant mes poignets dans mon dos me rappelait bien trop de mauvais souvenirs. Je savais que Da-jee-ha n'avait pas pensé à cela en construisant son plan. Après tout, si j'avais un défaut à attribuer à tous les suomen, c'était leur problème avec les traumas. Que ce soit Da-jee-ha, Nokomis, ou même Hen'Ruay avant elle, toutes avaient tenté de tenir cacher leurs blessures le plus longtemps possible, comme si révéler leur faiblesse devait être vu comme une honte - et dans une société prônant autant la force, c'était probablement la raison. 

-Et si Moh'lag décide de me tuer sur place, hein? Que vas-tu faire? Repris-je. 

-Elle pas faire ça. Elle vouloir se servir toi pour attirer Nokomis. 

-Ca tu n'en sais rien du tout. C'est juste parce que je te l'ai dit, mais elle pourrait avoir changé de...

-Je savoir car elle l'avoir dit à moi, Kinn'rehi-meh'na. Toi te rappeler que moi avoir prétendu vouloir te capturer pour approcher Moh'lag. 

-Elle n'a pas dû hésiter longtemps à te croire, vu que tu lui avais déjà commandité ma mort. Grognai-je avant de réaliser ce que je venais de dire, et de relever des yeux coupables vers Da-jee-ha.

-Pardon...

-Ca pas être grave, Kinn'rehi-meh'na. Moi avoir fait erreurs dans passé. Mais moi heureuse que elles servir maintenant pour réparer le mal que moi avoir causé. Moh'lag veut toi vivante. Moh'lag pas savoir que toi avoir été à Ar'henno pendant longtemps. Moh'lag donc croire que moi veux toujours toi morte. 

-Et ce n'est pas le cas, hein? Rassure moi. Plaisantai-je à moitié. 

Ce n'était pas que je ne faisais pas confiance à Da-jee-ha. J'avais juste une certaine appréhension à l'idée d'être attachée au milieu d'une troupe de suomen, tout en m'apprêtant à être emmenée au milieu d'une troupe encore plus importante de suomen en tant que trophée, mais surtout d'appât. Avant de parvenir à retrouver Ad'ehko, Da-jee-ha et les siens avaient contacté la seule personne qu'ils connaissaient à Paris -Moh'lag. Mon amie avait fait croire qu'elle était également à ma poursuite. Qu'elle venait me livrer ce soir. Un plan pour pouvoir s'infiltrer avec ses guerriers au cœur du QG des traditionalistes à Paris, et capturer leur cheffe. Je savais que cela ne se passerait pas sans combat. Et je savais surtout que, pour que le piège se referme, j'allais devoir être menée, saucissonnée ainsi, jusqu'à la maîtresse des Suomen, recherchée par la police depuis des mois pour mon enlèvement, mais qui était parvenue à se terrer en sécurité jusqu'ici. 

SauvagesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant