Neurotoxine volante

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Quelques éclats de voix attirèrent mon attention vers la porte d'entrée le lendemain matin, et j'y accouru pour retrouver le fameux spécialiste susnommé, houspillé par un serrurier à l'amabilité typiquement parisienne, se plaignant de ne pouvoir faire son travail si on ne cessait de venir l'y embêter. 

-Pietro, cela fait longtemps. L'accueillis-je avec un sourire.

-Ester! Quel plaisir de vous revoir. Répondit le chercheur, bien trop heureux de pouvoir échapper aux invectives du serrurier. Je n'ai pu suivre qu'à distance tous les déboire qui vous sont tombés dessus, et j'avoue avoir cru que vous ne me rappelleriez jamais. 

-Mais rien ne vous empêchais de le faire. Fis-je remarquer.

-Oh, je ne voulais pas déranger... j'imagine que vous êtes une femme occupée, et encore plus avec tous les évènements récents. Votre blessure va bien?

-Elle guérit à sa vitesse, ne vous en faites pas. Entrez donc, ne restez pas dans l'entrée, laissons notre... ami... travailler. 

Le grognement de l'ouvrier était un étrange mélange de remerciements et de reproches, et j'introduisis Pietro dans le séjour, où Santoni et Sang le fixaient, assis respectivement sur un fauteuil et au bar. Le petit homme se tendit quelque peu en les apercevant, et leur fit un timide salut de la tête - ce qui était compréhensible. On me disait généralement que j'étais impressionante, avec mes tenues tirées à quatre épingle, mais grande taille et mon air condescendant et froid. J'avais côtoyé tant de personnes bien plus impressionnantes que je ne l'étais que j'en avais presque oublié que Santoni avait un look de roublard peu recommandable et Sang de street artiste n'entrant pas vraiment dans les clous de ce que le chercheur devait côtoyer au quotidien, bien que sa faculté d'histoire doive accueillir un certain nombre d'élèves aux apparences peu communes. 

-Pietro, voici Saveriu Santoni et Sang, mes... amis. 

-Tu as marqué une hésitation à amis. Me fit remarquer Santoni.

-Santoni, Sang, voici Pietro Alpalli, historien et anthropologue spécialiste des cultures tribales européennes. Continuai-je en ignorant royalement la remarque du Corse. 

-Enchanté. 

Le pauvre homme n'était clairement pas à l'aise. Je l'invitai donc à s'asseoir à table, laissant l'opportunité aux deux autres de se montrer plus coopératifs et de nous y rejoindre s'ils le désiraient. 

-Je m'excuse de vous avoir fait venir jusqu'ici, Pietro. Commençai-je. Il vaudrait mieux que je me fasse... discrète, pour ma propre sécurité - sécurité à laquelle veillent mes deux amis ici présent.

-Je comprends parfaitement Ester, ne vous en faites pas. J'ai moi même été victime d'une agression il y a quelques semaines, en rapport avec mon cours sur l'histoire suomen. Un groupe de jeunes gens à l'aspect peu avenant semblaient ne pas vraiment apprécier qu'un "kowo" tel que moi enseigne à propos de leur culture à la chaire d'histoire, ce que je peux comprendre en soi...

-Et vous n'avez pas été blessé?

-Quelques bleus, sans plus. Rassura-t-il. Le vigile n'était pas loin, et ils n'étaient pas vraiment dangereux, ce n'est pas vraiment comparable à votre situation. Mais les tensions sont présentes et... palpables. Vous avez reparlé à Ad'ehko?

Je hochai la tête pour signifier mon assentiment. Le vieux prêcheur m'avait après tout déjà parlé de ses déboires récents avec les traditionalistes, raison pour laquelle le rencontrer en personne s'était révélé quasiment impossible.

-Nous nous occupons de réunir les différentes associations et collectifs pour la manifestation à venir, mais c'est sur que ne pas sortir de chez soi a peu de chance de motiver d'autres à en faire autant. Fis-je remarquer. Mais ce pourrait être un nouveau point d'inflexion dans cette lutte. Si nous parvenons à amener les droits suomen au centre de la campagne à venir...

SauvagesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant