Le Dernier Empire

Chapitre 41 - Mission de sauvetage

Le visage de Dan Lexu était fatigué, des cernes tombaient jusqu'aux jours et sa tignasse était graissée comme un moteur. Dans la pénombre, derrière lui, on devinait Freeya, le regard absent. À côté d'eux, trois membres de l'équipage — dont les deux recrues Gabael au teint sombre et Nikolay, l'air fatigué, ainsi que le médecin du vaisseau, que l'on appelait simplement Doc — soutenaient des regards effrayés. Ils étaient sous le choc et semblaient avoir traversé une terrible épreuve.

Le capitaine ordonna à ses hommes de baisser leurs armes. Leurs muscles saillants, les perles de sueurs sur la chaire, la crasse et l'odeur de renfermé, ils étaient tous plus mal en point les uns que les autres. Les malheureux exhalaient la détresse. Il était temps que quelqu'un vienne les sortir de là.

L'agent Drake s'avança, rangeant son arme dans son holster. Jade, pendant ce temps, observait les alentours. La salle était une sorte de pièce de contrôle depuis laquelle on avait accès à certains systèmes électroniques du bâtiment. Malheureusement, tout semblait éteint et ne fonctionner qu'avec des arrangements de circuits sortis de leurs espaces. Ils avaient sans doute trafiqué les composants dans le but d'émettre un signal de détresse — en vain.

« Vous devez être monsieur Lexu.

— Capitaine de l'Ankhatar, à votre service monsieur l'agent.

— Agent Cobernick. Qui d'autre est avec vous ?

— Je vous présente la seconde du navire, Freeya Lancier, et trois de mes hommes qui ont survécus à l'attaque.

— L'attaque ? invectiva Jade. »

En posant la question, elle croisa le regard de Freeya. Elle avait déjà vu son visage quelque part, mais il lui était impossible de se rappeler où avec exactitude. De son côté, Freeya la dévisagea avec un soupçon de méfiance puis lui adressa ces mots sur un ton plus que méprisant :

« Vous n'êtes pas venus pour ça ?

— À vrai dire, on ne sait pas pourquoi on est venus, soupira Drake. Mais j'ai la nette impression que vous allez nous l'expliquer.

— Alors, ils doivent être encore dehors, marmonna Dan Lexu avant d'hurler : Freeya, la porte !

— Qui ça, "ils" ? questionna Jade. »

Le capitaine s'était tourné vers sa seconde, elle n'avait pas attendu ses ordres. Elle s'était précipité et avait fermé l'immense plaque de métal depuis un cadran tactile. La peur dans ses yeux disparut au moment où le battant se referma sur la dalle. À aucun moment elle n'avait quitté le couloir du regard. Jade, qui analysait la scène, comprit que les survivants ne plaisantaient pas, tout dans leur attitude exprimait un vrai traumatisme.

« Les aberrations.

— Il va falloir être un peu plus clair, monsieur Lexu. Ajouta Drake. »

Les rescapés s'échangèrent des regards inquiétés. Dan Lexu avait les jambes tremblotantes. Il alla trouver un panneau de contrôle pour s'y appuyer. Les deux mains de chaque côté cherchaient un appuie ferme. Ses paumes vinrent étaler une sueure moite sur les plaques d'un bleu métal. Sa pomme d'adam fit un bond dans son cou lorsqu'il ravala sa salive. Il déroula le fil de ses souvenirs :

« Ça a commencé avec Jimmy.

« Quand on a appris qu'on allait être mis en quarantaine, l'équipage s'est mutiné. Certains se sont rués vers l'Ankhatar pour s'évader, d'autres ont tenté de désarmer les tritonniens. Freeya, d'autres membres de l'équipage et moi-même avons suivi les ordres et nous sommes rendus aux dortoirs. Les tritoniens ont exécuté ceux qui s'opposaient à leurs demandent et ont désamorcé l'Ankhatar avant de le mettre en état de siège.