Chapitre 25 - Esprits mutins

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Orelli Imionn était issue de l'immigration vénusienne, d'un père martien et d'une mère née au Dali Chasma. Sous ses airs de meneuse tyrannique, elle cachait un immuable respect pour chacun de ses collègues. Ses cheveux, rasés sur les côtés, affichaient fièrement la crète céresienne. Son visage mince aux pommettes arrondies s'était éteint lorsqu'elle entendit l'ordre de son supérieur.

Ses lèvres vinrent se serrer à hauteur de son nez retroussé. Ses sourcils se joignirent à la base de son front, fixant assidûment l'élu de l'Emperesse. L'Ordonnator était ce qu'il y avait de plus sacré dans l'Empire après l'Emperesse elle-même. Malgré son caractère intouchable, il se montrait disponible autant que faire se peut. Aujourd'hui, semblait-il, les circonstances nécessitaient sa présence.

Bien qu'engagée sur Mars, Imionn n'avait rien perdu de son amour pour Vénus qu'elle visitait de temps à autres pour renouer des liens avec ses paternels. Pour elle, il était impensable que l'on abatte de sang froid un bâtiment de transport issu de son monde. Elle chercha les mots mais rien ne vint. Tiraillée entre l'idée de contredire la parole suprême, s'opposant ainsi à la sacralité impériale, et – de l'autre côté – sauver les vies des personnes à bord de la navette séculaire.

Seul un étrange silence sortit de ses lèvres, une autre en profita alors pour parler. Jade se précipita sur l'occasion pour faire valoir ses droits de commandement. Elle criait à un homme sur une passerelle en hauteur :

« Combien de temps avant que la navette n'atteigne le Thronarium ?

– Deux minutes ! Lui répondit l'officier. »

Jade. Son ancienne apprentie de Primo Venice, élève avec qui elle avait réalisé maintes et maintes prouesses de guerre. Jade et elle avaient arpenté bien plus d'astres et de lieux qu'il n'était permi d'en imaginer. Elles avaient écumé les sentiers les plus éloignés du système, allant même rendre visite aux sbires de Sedna. Dans leurs voyages, des liens insécables s'étaient formés. Des liens que même le temps ne saurait faire disparaître. Des liens d'amitiés. Et bien plus.

Elle observait Jade, louve parmi les requins, toute nouvelle parmi les agents de l'Empire. Un poste bien loti. Un mérite pour elle. Or, c'était le choix de Jade qui avait provoqué leur séparation définitive. La belle avait choisi le satin de la noblesse à la poisse de l'amirauté. Jade voulait briller près des étoiles, près des plus grands savants. Grand bien lui fasse, mais elle n'allait pas en profiter pour mettre fin à des siècles de paix entre deux mondes. Orelli s'interposa, elle parla vite, et fort :

« Sauf votre respect Ordonnator, il n'est pas question d'ouvrir le feux sur un vaisseau diplomatique de Vénus. Pas en ma présence !

– L'avis d'un capitaine n'est rien comparé au risque de perdre l'Emperesse (Uldenrick, debout comme un piquet, intervenait en se plaçant entre elle et son interlocuteur). Vous pouvez disposer capitaine Imionn.

– Négatif, ne pensez pas une seconde que je vous laisserai faire une telle ignominie.

– Il suffit capitaine, vous frôlez l'insubordination ! »

Le général Uldenrick était rouge de colère. Sur son front dégarni, une veine tremblait à en secouer ses derniers cheveux. Ses yeux globuleux s'écarquillaient comme un hiboux aux aguets. Sur son visage, Imionn y lisait de la peur plutôt que de l'autorité. Aussi, elle fit un pas en avant. Le vieil homme bomba le torse, menton levé, prêt à se battre. Imionn le maîtriserait en une fraction de seconde. Tous deux le savaient. D'ailleurs, dans la pièce, elle était certainement la plus apte à remporter un combat au corps à corps.

Un scientifique, la voix timide, essaya de calmer le jeu :

« Allons, l'Ordonnator a parlé. »

Le Dernier EmpireWhere stories live. Discover now