Chapitre 3 - L'ombre et la mort

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Un son vif et continu vint perturber la nuit des matelots. Freeya était dans les coursives et hurlait des ordres à tue-tête. Derrière elle s'affolaient les spationautes, encore en tenue de sommeil. Certains avaient eut le temps d'enfiler des magnébottes, d'autres profitaient de la gravité zéro pour se propulser dans d'autres modules avec leurs bras. L'Ankhatar et ses quarante-deux membres d'équipage était réveillé. Et il le fallait bien, car ils allaient être secoués.

La manoeuvre d'évitement consistait à pivoter le bâtiment dans une direction calculée et effectuer une poussée plasmique. Une soudaine rotation avait pour effet de plaquer l'ensemble des corps volants sur les parois du vaisseau. Si l'on n'était pas attaché, la poussée issue de l'accélération pouvait provoquer de graves séquelles. C'est ce danger que l'alarme signalait. Une alarme que tout le monde connaissait bien. Aussi, en moins d'une vingtaine de seconde, tout le monde était sanglé aux sièges de cordage.

« Il nous a verrouillé le petit salopard, plein gaz à 90 degrés sud. (à son micro encore) Freeya, tout le monde est attaché sauf toi, dépêche toi ! »

A l'autre bout du vaisseau, la jeune ingénieur stoppa sa lancée et cala son corps contre l'une des parois du vaisseau. Elle ouvrit un écran tactile et entra une combinaison de chiffres. Surgit du mur, un siège, avec dossier et appuie-tête, orné de deux excroissances en mousse de chaque côté pour éviter les ruptures de la nuque. Elle s'y jeta et s'accrocha par deux ceintures. Scellée au destin du vaisseau pour la manoeuvre.

« C'est bon chef, envoyez la gomme ! »

Ni une, ni deux, la capitaine appuya sur deux touches de son clavier tactile et lança le vaisseau dans une course folle. Tout le monde se retrouva écrasé contre son siège, comme si une main invisible les poussait à l'immobilisme. Le navire entama sa propulsion dans un fracas de lumière. Les couloirs tremblaient comme s'ils allaient se disloquer. Vu de l'extérieur, tout semblait extrêmement calme, seul une lumière plus vive animait le propulseur.

Dans la cabine de pilotage, c'était loin d'être aussi paisible. Des lumières clignotaient de toutes parts. De nombreuses procédures de sécurité avaient été enfreintes. Vannes de dépressurisation des modules complémentaires, verrouillage des sas, fermeture des écoutilles des niveaux inférieurs. Dan Lexu n'avait tout simplement pas pris ces précautions. Pas le temps. Il fallait éviter l'impact.

« Encore dix secondes ! »

A ses côtés, Gabael et Nikolay étaient cramponnés à leur siège, les yeux écarquillés. Ils allaient tourner de l'oeil. Le corps de l'être humain était assez souple et élastique pour subir ces types de pressions globalisée. Les spaciens en particulier avaient développé une ossature extrêmement légère et souple par rapport aux telluriens. Les plus âgés, pour se soigner de l'ostéoporose, avaient remplacé tous leurs os par des matériaux synthétiques résistants et flexibles.

« Trois, deux... un ! »

La poussée s'arrêta d'un seul coup. Tout le monde se décrocha de son siège. Gabael et Nikolay coulissèrent devant leurs écrans respectifs. Le capitaine avait tellement de sueur sur le front qu'il arrosa sa tablette. Sur son dos, une trace humide montrait que tout son corps était en ébullition. Les signaux d'alerte continuaient leur cacophonie assourdissante à travers les modules du pont supérieur.

« Mia, est ce qu'il nous suit encore ?

– Affirmatif monsieur Lexu. La zone de collision passe à trente-deux mille kilomètres. L'impact est prévu dans quarante minutes.

– Ce truc nous colle au cul, on dirait que c'est vivant. Gab, envoyez le signal de détresse, (au micro) Jimmy, où en est ce fichu radar ? »

A une dizaine de mètres, dans un module supérieur, Jimmy Macgrow se relevait péniblement de son siège. Il n'avait jamais aimé l'espace et aurait préféré finir sa carrière planté sur un caillou de la ceinture. Mais le Corps des Foreurs était le seul employeur qui voulait encore de lui, et l'équipage de l'Ankhatar, sa seule famille. Il approchait de la retraite et ne voulait pas que son cadavre finisse à errer dans l'immensité de l'espace.

Le Dernier EmpireWhere stories live. Discover now